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JOP de Paris 2024 : « Ces jeux seront un accélérateur pour la cyclologistique »

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris imposeront de nombreuses zones restreignant drastiquement les moyens de livraisons traditionnels en milieu urbain. Les vélos cargos, en revanche, pourront bien plus librement circuler dans la capitale et aux alentours. Amauric Guinard, cofondateur de Sofub – qui porte le programme ColisActiv’ –, détaille les capacités et les opportunités de développement de ce mode de transport, à l’approche d’un événement mondial qui devrait contribuer à son essor.

Publié le 16 avril 2024 - 15h00
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 VUF Bikes

Pourriez-vous nous présenter Sofub et ColisActiv’ ?
Dans le cadre du programme ColisActiv’ – initialement porté par la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) et Sonergia, au service du développement de la cyclologistique et couvrant aujourd’hui 17 territoires –, nous avons créé une filiale intitulée Sofub. Sa principale mission consiste à développer la logistique urbaine en vélo cargo, en aidant les donneurs d’ordres à orienter le plus de flux possibles vers ce mode de transport, lorsqu’il est pertinent. Existant depuis 2020, le programme CEE (1) ColisActiv’ est encadré par une convention mise en œuvre avec l’État, versant des primes aux entreprises pour chaque colis livré en vélo cargo, partagées avec les sociétés confiant leurs flux. Une collecte de données est effectuée pour vérifier que la livraison a bien été effectuée en vélo et calculer le montant de la prime, sans créer d’effet d’aubaine. Chaque euro dépensé doit avoir un impact sur le changement de mode de consommation du dernier kilomètre.


Quel type d'entreprise accompagnez-vous ?
Nous accompagnons nombre de grands donneurs d’ordres, hormis sur la partie alimentaire que nous traitons très peu dans le cadre initial du programme. Parmi les expressistes et messagers, nous pouvons citer entre autres UPS, Fedex, DPD, DHL, Heppner, Kuehne+Nagel, DB Schenker…


Vous venez de publier L’annuaire cyclo des JO 2024. Quelle a été la genèse de cet annuaire et quel est son objectif ?

Faisant partie du groupe de travail sur les JOP organisé par Interlud (2), nous nous sommes rendus compte qu’une certaine anxiété régnait autour de la capacité à desservir un certain nombre de zones lors de l’événement, alors que livrer dans Paris est déjà complexe aujourd’hui. Certains donneurs d’ordres nous ont également demandé à être mis en relation avec des cyclologisticiens en France. Cet annuaire permet ainsi de mieux en connaître les différents acteurs, tout en apportant de la pédagogie et de la vulgarisation. Car toutes les sociétés ne savent pas forcément qu’il est possible de transporter des palettes et des produits en froid passif ou actif via des vélos cargos. Nous pouvons donc faire prendre conscience à certaines entreprises que la cyclologistique peut les aider, si elle est pertinente économiquement et répond à des difficultés opérationnelles grandissantes, notamment à Paris (impossibilité de se garer, congestion urbaine…). L’objectif de l’annuaire est ainsi double : faire connaître la cyclologistique, ou la faire intégrer ou sous-traiter.


Quel état des lieux pouvez-vous dresser des capacités actuelles en cyclologistique dans la capitale ?
Si nous prenons les flottes de vélos cargos d’entreprises que nous avons référencées, il y aurait potentiellement 1 500 vélos cargos mobilisables en Île-de-France, bien que ces derniers servent déjà. En réalité, nous tablerions plutôt sur 1 000 ou 1 200 unités, avec des possibilités de rapatriements sur Paris de flottes exploitées en banlieue. Ces ordres de grandeur représentent tout de même environ la moitié du parc français de vélos cargos actuellement dédiés à la logistique.


Qu’en est-il de l’évolution de la demande en vélos cargos de la part des entreprises, eu égard à l’arrivée prochaine des JOP ?
Certaines prendront sûrement quelques vélos cargos pour se dépanner le temps des JOP, mais elles seront vite confrontées à la réalité et atteindront rapidement leurs limites. Car les cyclologisticiens, hormis dans le cadre de contrats de six mois ou plus, n’augmenteront pas leurs capacités. En revanche, des donneurs d’ordres ont déjà fait le tour de certains cyclologisticiens pour leur réserver l’ensemble de leur flotte.


Comment se portent l’offre et la demande de vélos cargos en France à l’heure actuelle ? Les fabricants sont-ils à même de répondre à la demande liée aux JOP ?
Nous constatons une surcapacité de fabrication de vélos cargos, avec du stock disponible, selon notre dernière analyse datant d’un mois. Cela s’explique par plusieurs facteurs, dont le phénomène tendanciel ayant amené de nouveaux fabricants sur le marché, ainsi que certains acteurs ayant dû revendre leur flotte comme Urby, ancienne filiale de La Poste alimentant le marché de l’occasion. Outre la baisse de consommation de 2023, ayant entraîné une stagnation de la cyclologistique, sont ainsi apparus de nouveaux constructeurs, en parallèle d’une concurrence avec le marché de l’occasion qui n’existait pas auparavant. Ces différentes raisons expliquent une offre pour l’instant supérieure à la demande, en dépit de « super-players » français comme Bicylift, Douze Cycles, K-Ryole, VUF Bikes… Les entreprises souhaitant intégrer des vélos cargos dans leur flotte n’auront aucun problème. Cependant, les cyclologisticiens n’iront pas en acheter et embaucher des personnes seulement pour les JOP, car ils ont besoin de plus de visibilité. Ce qui est positif en soit : cela imposera contractuellement un héritage naturel des JOP, via la signature de partenariats de plus de six mois, dépassant le cadre de l’événement.


Comment pressentez-vous justement cet « héritage naturel » des Jeux olympiques et paralympiques pour la cyclologistique ?
Ces jeux seront un accélérateur. Outre l’adage « l’essayer c’est l’adopter », les donneurs d’ordres pourront être amenés, du fait des situations complexes auxquelles ils auront été confrontés, à intégrer des vélos cargos, via leurs sous-traitants voire en propre. Une fois qu’ils seront organisés pour pouvoir accueillir le vélo cargo dans leur chaîne logistique, avec le process adéquat et l’endroit idéal où opérer la rupture de charge, ils auront passé la barrière la plus dure.


Concernant la rupture de charge, vous expliquez dans votre annuaire que « le maillage et la capacité des entrepôts actuels ne suffiront pas pour le pondéreux pendant les JO […] ». Quelles alternatives préconisez-vous face à cette réalité ?
L’idéal aurait été que le sujet fusse pris à bras le corps pour trouver des endroits où opérer cette rupture de charge. Mais il est toujours possible, en plan « C » dirais-je, de transborder les marchandises à l’arrière d’un camion arrêté sur une aire de livraison ou sur une place de stationnement. Ce n’est pas optimal, car le chargement s’effectue à la croisée des flux de piétons côté trottoir et des voitures côté route, mais cela peut très bien fonctionner dans un cadre déjà dégradé.

 

Propos recueillis par Voxlog le 11 avril 2024.


_____
(1) Via le dispositif étatique des Certificats d'économies d'énergie (CEE), finançant des initiatives en faveur de la sobriété énergétique.
(2) Pour en savoir plus : LUJOP - La logistique du quotidien pendant les JOP 2024, Interlud, 2024

 

 

À lire également : Heppner met en place un dispositif de livraison exceptionnel pour les JOP de Paris

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