media supply chain
et logistique

Interview

Yasmine Iamarene, fondatrice et présidente de Midi Pile

Lancée il y a à peine deux ans, Midi Pile se démarque dans le paysage des sociétés de transport en affichant des principes de parité dans ses effectifs et en s’engageant sur un service optimal, grâce à un soin particulier apporté à la formation et au bien-être de ses salariés. Yasmine Iamarene, sa fondatrice et présidente, revient sur les principes fondateurs de la jeune société qui compte déjà Amazon parmi ses clients.

Publié le 29 décembre 2022 - 09h00
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Midi Pile

Quels sont les enjeux à l’origine de la création de l’entreprise de livraison Midi Pile fin 2020 ?

Avant la naissance de Midi Pile, j’ai travaillé dix ans en supply chain, mais pas dans la partie transport. L’envie de lancer cette entreprise est née en pleine crise Covid, période durant laquelle j’ai fait trois constats en tant que consommatrice. Tout d’abord, je m’interrogeais sur la raison pour laquelle les livreurs n’éprouvent pas l’envie de rendre l’expérience clients satisfaisante alors qu’ils sont les seuls interlocuteurs entre l’achat du produit et sa réception. J’ai observé cette frustration générale autour de moi. Mon deuxième constat concernait la parité : pourquoi les livraisons sont-elles majoritairement effectuées par des hommes, en sachant que la plupart des entrepôts sont en banlieues ou en zone rurale, là où les femmes subissent le plus la précarité ? Enfin, je me suis interrogée sur les raisons de la pénurie de livreurs.

 

De quelles manières répondez-vous à cette problématique de parité ?

Il s’avère que les femmes ne se sentent pas du tout concernées par cette activité de transport. Je l’observe lors de nos nombreuses réunions de sensibilisation auprès d’elles. Dès que nous souhaitons nous déployer sur une nouvelle ville, nous nous tournons donc vers le Pôle Emploi, la mission locale ainsi que des associations de quartier qui sont au plus proches des habitants d’une ville. Lorsque nous leur annonçons que nous recrutons autant d’hommes que de femmes, cela fait tout de suite écho chez eux car cela vient répondre à leurs problématiques d’employabilité. En France, 80 % des postes à temps partiel sont détenus par des femmes, et ce n’est pas toujours voulu. Les municipalités sont donc prêtes à jouer le jeu avec nous. Et Pôle Emploi nous permet de sécuriser cette démarche : les femmes peuvent venir, faire une mission d’une semaine chez nous, et si elles n’aiment pas cela, revenir sur le marché de l’emploi.

 

Concernant la qualité de service, quelles démarches mettez-vous en place ?

En créant Midi Pile, la première chose que je souhaitais faire était de qualifier le métier pour répondre à ce problème de manque de qualité de service. Lorsque nous recrutons quelqu’un, nous ne le mettons pas tout de suite sur la route. Nous avons créé une formation d’entrée pour que le livreur soit conscient de ses responsabilités, au niveau de l’expérience client et de la sécurité de conduite.

 

La pandémie a généré un afflux de livraisons e-commerce qui a pu mettre sous pression le quotidien des livreurs. Cela a-t-il également contribué à ce déficit de service ?

Ce déficit de service tient à deux paramètres. Le premier concerne le manque de qualification : on ne prend pas assez le temps de former les gens. Car lorsqu’on se tourne vers quelqu’un qui n’a jamais fait ce métier-là, un jeune de 18 ans qui, du jour au lendemain, se retrouve devant un véhicule assez volumineux, en lui confiant 100 colis dans la journée, c’est évidemment compliqué… Deuxième sujet : on observe une course au volume impliquant de demander aux livreurs de faire énormément en très peu de temps, qui plus est, dans un métier solitaire. Évidemment, cela ne se passe pas bien. On ne peut néanmoins pas avoir d’influence sur cette problématique de volume traité et on ne peut se permettre d’élever nos prix au risque de ne plus avoir de clients. Il faut donc accompagner les livreurs pour qu’ils soient responsabilisés et pallier cette solitude. Chez Midi Pile, nous travaillons beaucoup sur cette unité en proposant un maximum d’événements, de groupes de discussion… et nous réalisons le plus possible de réunions avec eux concernant leur quotidien. Tout cela mis bout à bout fait que nous comptons deux fois moins de turnover dans nos effectifs que les autres entreprises de livraison.

 

Est-ce que cette meilleure qualification a un coût ?

Sur la partie formation, nous proposons une semaine d’intégration dans notre entreprise en étant payés par Pôle Emploi. Nous essayons d’autre part de faire monter nos livreurs en compétences en leur proposant des évolutions pour leur donner l’envie de s’investir. Ils peuvent ainsi devenir formateurs et prendre en charge ces potentielles nouvelles recrues durant cette période d’intégration. Ils forment des binômes en co-conduite ce qui nous permet de ne pas trop impacter nos coûts. Nous avons également pris la décision de payer davantage nos salariés avec une prime sur objectif impliquant qu’il n’y ait pas de plainte de la part de client, vérifiant leur ponctualité, la rigueur de leur présentation avec le code vestimentaire Midi Pile, etc. Nous compensons cette augmentation de salaire avec une croissance beaucoup plus rapide et un turnover beaucoup moins important.

 

Depuis sa création, Midi Pile souhaitait aussi répondre aux défis du développement durable, quelles sont vos actions sur le sujet ?

Dans nos projets du moment, nous accompagnons l’agglomération de Cergy- Pontoise dans le Val-d’Oise avec le dispositif Colis Activ’ déployé par l’État pour motiver les entreprises dans la transition écologique en les incitant à développer la cyclo logistique. J’observe néanmoins qu’en France, adopter une démarche 100 % verte peut amener à devenir discriminant. Certaines sociétés de transport possèdent uniquement des flottes décarbonées (électrique, vélo cargo) et refusent donc de livrer hors des centres-villes parce que c’est le seul moyen de recharger leurs véhicules et de faire en sorte qu’ils ne tournent pas beaucoup. Pourtant, être écologique, c'est aussi être capable d’adapter sa flotte à toutes les régions de France. Le tout en faisant en sorte de diminuer son impact en se tournant par exemple vers l’hydrogène, ou continuer à rouler en thermique, mais en utilisant un logiciel d’optimisation de tournées pour réduire de 30 % la durée d’utilisation des véhicules.

 

De quelle manière avez-vous opéré votre développement sur le territoire français ?

Nous sommes aujourd’hui présents en Île-de-France ainsi qu’à Bordeaux où nous avons la plus forte implantation. Nous nous développons également à Marseille et nous attaquons la région de Lille en septembre. Les dix premiers mois après notre création ont été compliqués, car nous évoluions avec de petits contrats. Notre partenariat avec Amazon sur la région bordelaise en octobre 2021 nous a permis de gagner en légitimité et en crédibilité. Qu’un leader international donne sa chance à une petite société comme la nôtre nous a fait passer dans une autre dimension, nous conduisant ensuite à signer avec Chronopost ou encore UPS et à être en discussion avec de grandes sociétés de textile françaises et internationales.

 

Quels sont désormais les axes de développement de Midi Pile ?

La société dispose d’une cinquantaine de véhicules et compte 140 salariés dont 120 livreurs et livreuses. Nous sous-traitons aussi à d’autres sociétés de transport dont les livreurs sont également salariés, que ce soit en CDD ou en CDI. Depuis octobre 2021, 1,5 million de colis ont été livrés avec Midi Pile. Nous recrutons actuellement des commerciaux dans toutes les villes pour accompagner notre accélération et nous sommes en pleine démarche pour effectuer une levée de fonds afin de nous déployer plus rapidement.

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