media supply chain
et logistique

Transversal

Logistique du BTP : de grands chantiers d'innovation

Publié le 27 janvier 2023

3. Rencontre avec Olivier Arnaud, directeur aménagement et logistique chantiers chez Saint-Gobain Solutions

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Géant français de la production et de la distribution de matériaux, Saint-Gobain est un acteur incontournable pour le monde de la construction. Et pour répondre aux besoins d’innovations du secteur, sa filiale Saint-Gobain Solutions propose des organisations supply chain multimodales et vertueuses, déployées sur des grands chantiers dont ceux des JO de Paris 2024.

Pouvez-vous présenter les activités de Saint-Gobain Solutions ?

Le groupe Saint-Gobain est historiquement un groupe verrier avec plus de 350 ans d’existence. Leader des matériaux de construction, Saint-Gobain a élargi son offre, avec la particularité de regrouper en France plus de 20 sociétés industrielles (Saint-Gobain vitrage, Isover pour l’isolation, Placo pour l’aménagement intérieur, Weber pour les enduits de façade et mortiers…) et 10 enseignes de distribution de matériaux de construction couvrant tous les domaines, depuis le gros oeuvre jusqu’aux finitions, avec plus de 2 000 points de vente en France (Point.P, la Plateforme du Bâtiment). L’équipe transverse Saint-Gobain Solutions France fait le lien entre tous ces acteurs sur les nombreux sujets partagés : évolutions de la réglementation, solutions constructives pour les différents types de bâtiments, économie circulaire, recyclage et réemploi, mais aussi optimisation logistique pour les chantiers. Sur ce dernier point, ma mission consiste à identifier les contraintes et comprendre les besoins en amont, avec les aménageurs et les promoteurs puis les entreprises générales. Cette anticipation permet de mieux étudier les solutions et synergies qui peuvent être développées avec les moyens logistiques de la distribution, de l’industrie, ou des deux combinées.

 

Sur quels sujets avez-vous travaillé ces dernières années ?

En premier lieu, la réduction de l’empreinte carbone du transport en maximisant les taux de remplissage des camions et en privilégiant les véhicules les plus vertueux. Nous nous préparons à l’arrivée des ZFE et n’avons pas attendu la mise en place de celles-ci pour développer en Île-de-France une flotte complète de véhicules à gaz pour livrer les chantiers en zone urbaine. Point.P a développé depuis 2013 une démarche de transport écoresponsable avec des camions GNV puis Biogaz dès 2017. La décision de ne plus acheter aucun camion au gazole vient d’être prise et deux camions à l’hydrogène issu de biomasse sont en test. Pour les industriels, il est parfois plus logique de faire livrer directement un camion complet depuis l’usine jusqu’au site du chantier avec un véhicule adapté. Chaque configuration est différente, mais l’important est d’avoir ce panel de solutions à notre disposition.

 

C’est dans ce sens que vous avez récemment œuvré pour le Village des athlètes dans le Nord de Paris, allant jusqu’à la multimodalité ?

En effet, dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, nous participons à ce chantier énorme situé à Saint-Denis et Saint-Ouen (93). Celui-ci a la particularité d’être en bord de Seine, et nous avons mis en place une logique fluviale en utilisant deux de nos péniches, qui ont leur propre grue. Celles-ci opéraient déjà pour Point.P pour l’approvisionnement des agences de bord de Seine depuis des usines en amont ou en aval de Paris, ainsi que pour apporter des matériaux au coeur de la capitale pour certains chantiers parisiens. Nous avons donc profité de ce maillage et de ces flux existants pour rajouter une étape sur les points de dépose de ces deux péniches, directement sur le quai de Saint-Denis, situé à moins d’un kilomètre des premiers chantiers olympiques. Cela nous a permis d’utiliser le fluvial pour une grande partie des flux concernant le gros oeuvre et désormais les façades. Ce système de livraison est en place depuis le démarrage du chantier et a permis d’éviter une centaine de camions qui auraient dû transiter et traverser l’agglomération parisienne pour livrer sur la zone du chantier. Le dernier kilomètre est lui réalisé avec des camions biogaz de Point.P. Ce modèle n’est pas réservé qu’aux grands chantiers. Par exemple, Point.P a récemment livré sur les bords de Seine, en plein cœur de Paris, des matériaux pour la rénovation du restaurant La Tour d’Argent. Là encore, la péniche a permis d’opérer la livraison au pied du chantier, en évitant à plusieurs camions de traverser Paris, de stationner sur le quai, de gêner la circulation et de générer des émissions de carbone.

 

Le fluvial est donc un atout de choix pour le monde du BTP ?

Son avantage est qu’il est fiable, ponctuel et très adapté au transport vrac de grandes quantités par rapport aux camions. L’usine de mortiers Weber, située sur le port de Bonneuil sur Marne (94) est approvisionnée en sables et graviers par voie fluviale. Pour les produits palettisés destinés aux chantiers, il est nécessaire d’utiliser des péniches équipées de leur propre grue pour maîtriser le temps de chargement et déchargement. Le transport dans des conteneurs est mal adapté aux matériaux de construction et nécessiterait des moyens de manutention à quai qui rendent le modèle non efficient. Dans les prochains mois, nous verrons de nombreux chantiers en bord de Seine, qui pourront être livrés avec des moyens fluviaux. L’idée cependant est que les quais de déchargement ne se situent pas à plus d'un ou deux kilomètres des chantiers, car sinon, nous livrons directement en camion depuis nos agences afin d’éviter les ruptures de charge. Plus généralement, nous regardons le report vers le fluvial dans tous les grands centres urbains, à Lyon par exemple. La plupart des villes majeures sont situées sur des fleuves, donc le rayon d’action peut être très important. Cette organisation comprend-elle également les flux retour ? C’est un élément sur lequel nous travaillons, en visant à assurer la reprise de matériaux non utilisés, d’éléments de déconstruction ou des bacs de tri des chantiers. Il y a une obligation légale avec la REP (responsabilité élargie du producteur) dans le secteur du bâtiment qui débutera en janvier 2023 pour la collection des déchets engendrés par les entreprises de construction. Cela va obliger les industriels à contribuer à la fin de vie des matériaux et tous les négoces de plus de 4 000 m² devront disposer d’une déchetterie. Évidemment, la logistique de chantier est à pied d’œuvre quand il s’agit de récupérer des matériaux ; on sent intuitivement qu’il y a quelque chose à faire et nous avons déjà des initiatives sur les emballages vides. Cependant, dans la logistique des retours, il faut prendre en compte les timings, car le moment de la construction n’est pas forcément celui de la déconstruction. De plus, la prise en charge des différents produits est complexe. On n’utilisera pas le même contenant et le même transport pour du neuf et un déchet sur chantier. Par exemple les plaques de plâtre sont livrées sur chantier en palettes complètes sur des camions plateaux, mais les déchets plâtre (déconstruction, casse, chutes…) sont généralement stockées dans des bennes ou big bags et nécessitent l’intervention d’un collecteur pour le transport puis le tri avant réutilisation en matière recyclée. Nous essayons cependant d’adapter les contenants. Jusque alors la déconstruction se faisait essentiellement en mettant tout dans des bennes indifférenciées, donc les choses avancent. Peu à peu, on a vu apparaître les filières de tri, qui ne sont toujours pas à maturité aujourd’hui. Cependant, la REP va donner les moyens pour que des organismes se mettent en place pour gérer ces flux et inventent des organisations pour assurer la déconstruction et le tri, en maximisant les occasions de réemploi. La logistique du groupe Saint-Gobain s’inscrit dans ce mouvement : lorsque ce sera réalisable et viable de combiner la livraison et la reprise des déchets, nous allons le regarder.

 

En tant qu’industriel, ce travail de recyclage est également un élément important dans votre organisation ?

C’est une priorité dans toutes les branches du groupe. La filière de récupération de verre a été l’une des premières à se structurer. Cela permet d’éviter d’utiliser du sable et réduit l’énergie dépensée dans les process de fabrication. Nous y travaillons aussi pour les plaques de plâtre, avec récupération des déchets, séparation du carton et du gypse, puis réinsertion dans les process de nos usines, ou encore avec la laine de verre qui est refondue, offrant des dépenses énergétiques moindres qu’en partant de la matière première. Les moyens logistiques pour ce recyclage incluent le démontage, le tri sélectif et la gestion des flux retour de ces éléments. Cela se met en place sur les chantiers, pas toujours facilement, mais la plupart des grands projets emblématiques en France s’en sont fait une obligation.

 

Quelles sont vos réflexions pour les années à venir ?

L’entrée en vigueur progressive des ZFE est un challenge pour l’approvisionnement des chantiers de construction en zone urbaine dense au cours des prochaines années. Les négoces en matériaux du groupe Saint-Gobain s’y préparent activement avec l’adaptation des flottes de véhicules et un maillage unique d’agences de proximité et de plateformes de stockage au niveau national et régional. Pour les industriels, la problématique est plus complexe avec des livraisons de camions complets transportant jusqu’à 29 tonnes sur de longues distances, réalisées avec de multiples transporteurs. L’anticipation avec nos partenaires pour disposer de véhicules adaptés à coût maîtrisé est une priorité. Le développement de plateformes multimodales (rail-route, fluvial-route) est à considérer ainsi que les initiatives de centres de consolidation intégrant des prestations de stockage intermédiaire, de kitting, de pré-assemblage, de gestion des déchets et d’approvisionnement des chantiers à l’avancement des travaux. En tant que leader industriel et de la distribution des matériaux de construction, Saint-Gobain est en première ligne pour répondre à ces besoins.

 

 

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