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Immobilier

De la friche à l’entrepôt : entre complexité et exemplarité

Publié le 5 janvier 2024

Raréfaction du foncier, concurrence, défis liés à l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN)… Face aux multiples enjeux et problématiques bousculant depuis des années le secteur de l’immobilier logistique, une tendance de fond se confirme pour construire de nouveaux entrepôts : la revalorisation des friches industrielles. Vision d’ensemble de projets de réhabilitation et/ou de requalification avec leurs diverses implications, accompagnée des témoignages de promoteurs, développeurs, architectes et autres spécialistes.

1. L’immobilier logistique friand des friches ?

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Groupe Franc Architectures

Au regard de la pénurie de foncier s’accentuant en France, les friches ont un avenir certain pour satisfaire une forte demande en immobilier logistique. Soumises à des contraintes réglementaires et à des aléas économiques et temporels, elles ne préfigurent cependant pas un fantasmatique eldorado.

Qu’elles aient été longtemps laissées à l’abandon à la suite d’une ancienne activité industrielle, ou en transit après une exploitation récente, les friches peuvent être revalorisées en réhabilitant des bâtiments existants, ou en y construisant des plateformes flambant neuves. La conjoncture économique et le contexte politique du marché français de l’immobilier logistique favorisent le développement de projets sur des sols déjà artificialisés, comme l’introduit Didier Terrier, directeur général du cabinet Arthur Loyd Logistique : « Grâce à l’augmentation significative des loyers en logistique depuis deux ans, liée à la hausse de coûts de construction, à l’augmentation des taux bancaires et au manque de foncier, il est plus facile de monter ce genre d’opération et d’en équilibrer les bilans de promotion. Le plus complexe étant de les identifier : il n’y a pas tant de friches que cela, surtout bien positionnées. »

 

Une longue liste de cases à cocher

Comme pour des sites à construire sur sol nu, la recherche de ces terrains déjà exploités comporte plusieurs critères majeurs de sélection, rédhibitoires pour une majorité d’entre eux à l’implantation d’un entrepôt. « Les friches doivent être assez grandes, mais aussi bien localisées, non loin d’un axe massifié de transport, avec une isochrone de 10 minutes environ pour accéder à une voie rapide, détaille Diana Diziain, directrice déléguée d’Afilog, association regroupant les professionnels privés et publics de l’immobilier logistique et industriel. Il faut aussi que le site soit relativement rectangulaire et non trop biscornu, pour pouvoir y implanter un bâtiment logistique et le faire fonctionner. Mais le premier critère se rapporte au bassin d’emploi : malgré les efforts d’automatisation et de robotisation engagés par beaucoup d’acteurs, la disponibilité de main-d’oeuvre est regardée en priorité dans le choix d’une friche. » À ces conditions sine qua non, définissant le schéma d’exploitation sain d’une future plateforme, s’ajoute une étude préalable des anciennes activités que la friche a pu accueillir, et des potentielles structures et traces industrielles laissées.

 

Prendre de la hauteur

Les coûts et la complexité du chantier diffèrent sensiblement en effet entre un projet de réhabilitation, avec utilisation du bâti existant, et un autre de revalorisation complète, avec démolition et assainissement nécessaires. « Une démarche de déconstruction de friche ou de dépollution va alourdir les charges », relate Chazli Baalbaki, directeur du développement de Faubourg Promotion. Filiale du groupe Idec, cette société promeut un concept d’hôtels hybrides placés en milieu urbain, appelant bien souvent soit la réhabilitation en partie ou en totalité d’un bâtiment, soit la requalification intégrale d’une friche avec réutilisation des matériaux issus du démantèlement de ses structures. « Au-delà de la démarche de frugalité et de sobriété foncière associée au développement de nos opérations, la verticalité de notre concept, avec une mixité d’usages, nous permet de rééquilibrer l’équation financière, poursuit-il. Le loyer associé à une localisation avantageuse augmente également la viabilité de nos projets de revitalisation urbaine. »

 

Des temps souvent plus longs

En complément d’une variabilité de durée de projets d’immobilier logistique intrinsèque à leur typologie, leur calendrier de livraison peut être profondément impacté par l’ampleur des chantiers de démantèlement et de dépollution. Car lorsque certaines zones industrielles peu atteintes ne nécessitent qu’un léger rafraîchissement, d’autres supposent des traitements lourds, à faire réaliser auprès d’une poignée de sociétés spécialisées. « Démolir un bâtiment de type haut fourneau par exemple, peut prendre 2 à 3 ans, rapporte Gabriel Franc, directeur général du Groupe Franc Architectures ayant déjà été confronté à cette tâche titanesque pour le compte d’un de ses clients. Cela ne relève plus de la simple démolition : outre un désamiantage conséquent, ce type de foncier implique la gestion de milliers de tonnes d’acier. »

 

De surcroît, le macro-environnement propre au parc immobilier français ne concourt guère à des réalisations simples et efficaces, nécessitant peu de travaux préalables. Car « les friches faciles à reconvertir, avec un faible coût de démolition, de déconstruction et de dépollution, sont parties en premier, comme le rappelle Diana Diziain. Reste sur le marché des projets plus complexes à travailler. » Un constat partagé par Didier Terrier d’Arthur Loyd Logistique, qui indique que « théoriquement, le redéveloppement d’un immeuble logistique sur une friche devrait s’opérer plus rapidement que sur un foncier nu ; mais ce n’est pas le cas, car finalement, les outils d’urbanisme à fournir pour ce type de montage ne diffèrent pas de ceux imposés par l’administration pour construire sur du foncier à bâtir ». Certaines conditions particulières peuvent faire gagner du temps, comme lors d’une rénovation d’une construction existante. « La réhabilitation peut être assez bénéfique en termes d’autorisations et de délais de mise en exploitation d’un site, car vous bénéficiez de l’antériorité du bâtiment existant, avec prise en compte des contraintes réglementaires sur la volumétrie et la constructibilité », témoigne Chazli Baalbaki.

 

Recours potentiels

En revanche, l’une des plus grandes craintes des promoteurs réside dans la possibilité légale de tout un chacun (riverain, association, collectivité…) de déposer des recours. Si ces derniers peuvent être enregistrés à des vues d’amélioration d’un projet, ils sont le plus souvent émis pour en contester ou en annuler le permis de construire. La société de développement et d’investissement en immobilier industriel et logistique Scannell Properties en fait les frais sur une réalisation en cours, dans le Loir-et-Cher. « Une association locale, qui semble dogmatiquement opposée à la logistique et au béton, a bloqué le projet de réhabilitation d’une friche, de même que quasiment tous ceux situés sur la même zone, sur des terrains nus ou des friches, confie Hugues Desbarrières, directeur du développement pour la France. Nous suivons la procédure en cours, mais les délais explosent et nous ne savons pas de combien de temps le chantier sera retardé. En fonction de l’encombrement au tribunal, la décision en première instance devrait être rendue d’ici un an et demi, voire deux ans et demi. Les requérants peuvent ensuite faire appel. Sans négociation possible, le blocage pourrait s’étaler sur trois ans au minimum, voire 5 ans comme cela a été le cas pour un projet sur l’aéroport de Lyon. »

 

Focus

Quel stock d’offres disponibles pour la logistique en France ?

Une analyse d’Olivier Durif, directeur France transactions supply chain & logistics solutions (SCLS) de JLL, société internationale de conseil en immobilier d’entreprise.

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« Dans les bassins logistiques historiques tels que Paris ou Lille, les stocks d’entrepôts (Classe A & B) jouent un rôle essentiel pour contenir la hausse des valeurs locatives malgré la pression foncière. Selon les données de JLL, dans les Hauts-de- France, le stock d’offres disponibles en août 2023 s’élève à 702 000 m², tandis qu’il est de 338 500 m² en Centre Val-de-Loire. Ces territoires disposent de nombreux terrains prêts pour l’installation d’entrepôts, souvent à proximité des grands axes autoroutiers. De plus, ces régions bénéficient de politiques favorables au développement de la logistique, et les responsables politiques encouragent l’implantation de nouveaux centres de production pour créer des emplois et générer des richesses. Mais dans des régions telles que l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Région Sud, la pression foncière est plus forte, avec des loyers moyens en augmentation de plus de 27 % entre le 4e trimestre 2018 et le 4e trimestre 2022, selon les données de JLL. Malgré ces défis, les régions hors des grandes dorsales jouent un rôle important dans l’armature logistique du pays, même si elles rencontrent des difficultés pour attirer les implantations logistiques. »

 

 

Crédit photo : © JLL

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