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Transversal

Logistique de la seconde vie : éviter de produire à tout prix ?

Publié le 5 décembre 2023

Le monde de la seconde vie fourmille de contributeurs divers, pouvant tout à la fois s’inscrire dans une démarche écologique, un engagement social, et y rechercher des opportunités économiques en pariant sur d’autres horizons non-linéaires. Derrière ces univers hétérogènes, ce sont autant de supply chains éparses qui se développent et qui ne demandent qu’à mieux s’intégrer dans un écosystème circulaire.

1. Sortir de la chaîne logistique linéaire

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En exploitant l’existant, les différentes organisations logistiques soutenant le marché de la seconde vie contribuent à limiter le gaspillage de ressources nécessaires à la fabrication de nouveaux biens. Elles participent également dans leur développement à éviter de nombreuses consommations énergétiques et pollutions associées au modèle historique de la supply chain « linéaire ».

« Extraire, fabriquer, consommer, jeter ». C’est avec cette formule laconique que se résume historiquement, avec parfois quelques ajouts comme « consommer en masse », l’économie linéaire. Dans les schémas organisationnels de production et de supply chain traditionnels, des matières premières vont être récoltées et acheminées pour être transformées en produits via une étape de fabrication. Ces biens peuvent alors être commercialisés en s’insérant dans un réseau de distribution propre, puis consommés avant d’être généralement jetés et devenir des déchets. Ce cycle restrictif et non-reproductif s’insère dans une chaîne logistique dite « linéaire », support du modèle économique éponyme. « Pour imager, la supply chain linéaire consiste à disperser des produits sans se préoccuper de leur finalité : on les récupère plus ou moins, puis la nature les absorbe ou ils restent stockés au fond d’un tiroir, introduit François-Michel Lambert, président du cabinet de conseil en stratégie écologique Soroa, fondateur de l’Institut national de l’économie circulaire (INEC) et ancien député. Ce modèle n’est pas soutenable, tant du point de vue des impacts environnementaux que de la non prise en compte du périmètre fini de la planète, sans croissance de matières premières possible. La France et l’Europe – qui ont fondé leur développement économique sur une consommation élevée de matières premières issues d’autres continents – doivent trouver un autre schéma de croissance, centré sur les matières déjà disponibles sur leur sol, avec une meilleure intensification d’usage ».  

 

Une croissance de la logistique de l’habillement parallèle à la surconsommation

Dans son étude de 2023 intitulée Marché de la logistique du vêtement – croissance, tendances, impact du Covid-19 et prévisions (2023-2028), la société de conseil et d’analyse de marché Mordor Intelligence estime que « le marché de la logistique de l’habillement devrait enregistrer un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 6 % au cours de la période 2023-2028 ». La raison principale ? « Les cycles de réapprovisionnement rapides de l’industrie du vêtement sont le principal moteur de la croissance du marché », explique-t-elle. L’analyse de marché réalisée au niveau mondial de Mordor Intelligence se confirme par les seules données de consommation de textile en France, témoignant à l’échelle d’un pays d’un excès de vêtements produits et acheminés. Selon les chiffres de 2021 de Refashion, éco-organisme hexagonal de la filière textile d’habillement, linge de maison et chaussure, un Français a acheté en moyenne 36 pièces de vêtements, 4 paires de chaussures et 5 pièces de linges de maison, soit 2,8 milliards de pièces mises en marché pour un poids de 715 000 tonnes. « L’équilibre serait à 10-12 pièces neuves par an et par Français, rapporté aux impacts que génère la production de ces articles dans le secteur textile », analyse François-Michel Lambert.

 

D’autres recherches de rentabilité sont possibles

La logistique textile se laisse ainsi, dans sa majeure partie, porter par les tendances de surconsommation actuelle et de fragmentation soutenue des modes de livraison. En contre-pied de cette logique, des jeunes pousses comme Omaj (cf. page 4 du dossier), centrée sur la seconde main et avec un fort ADN écologique, tentent de proposer d’autres alternatives de croissance. En développant des organisations logistiques plus circulaires et en intensifiant l’usage des produits dont elles ont la charge, elles participent à élever leur capital, en le rendant d’autant plus vertueux écologiquement et socialement parlant. De grands groupes comme Decathlon (cf. page 3) réfléchissent et s’activent également depuis plusieurs années pour proposer un autre modèle de supply chain et de consommation, empreintes de seconde vie à tous les niveaux.

 

Focus

Une boulimie de matières premières

Selon les données de 2020 d’Eurostat, organe de la Commission européenne chargée de l’information statistique, la consommation intérieure française de matières premières s’établissait à 10,3 tonnes par an et par habitant, et jusqu’à 31,3 tonnes en Finlande. À noter que cet indicateur ne prend pas en compte les flux cachés, comme les ressources nécessaires au processus de fabrication à l’étranger, à la logistique et au transport des matières et des marchandises finies ; les totaux de matières consommées par habitant, à toutes les étapes du cycle de vie des produits, augmentent ainsi considérablement. « On estime qu’un Français/Européen consomme environ 20 tonnes par an de matières premières, rapporte François-Michel Lambert. Or l’équilibre planétaire rapporté à la population, dans un périmètre fini sans croissance de ressources possible, est d’environ 6 tonnes. »

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