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Transversal

Logistique de la seconde vie : éviter de produire à tout prix ?

Publié le 5 décembre 2023

5. Le Secours populaire reçoit des palettes de Leroy Merlin grâce à Done

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Matthew Perget | Mathieu Grouchy de Leroy-Merlin – Chelles et Laurence Sauve du Secours populaire de Cergy-le-Haut – Osny.

Depuis 2021, le Secours populaire de Cergy-le-Haut se fait accompagner par Done (ex-donnez.org), facilitateur de donations entre les entreprises et les associations. En février 2023, le magasin Leroy Merlin de Chelles (77) commence à bénéficier des services de la jeune pousse française pour donner ses invendus à l’antenne de l’association située à Osny, dans le Val-d’Oise. Voxlog a pu visiter son entrepôt, interroger l’ensemble des parties-prenantes et en apprendre plus sur l’organisation logistique, solidaire et circulaire de cette relation tripartite.

21 juin 2023, en début d’après-midi. Les bénévoles du Secours populaire de Cergy-le-Haut – Osny s’activent, comme tous les jours de la semaine, pour déplastifier, trier puis ranger les articles empilés sur les palettes de donations reçues les jours précédents. « Nous ne sommes que des femmes ici, excepté notre chauffeur qui fait des rotations tous les jours lorsqu’il faut aller chercher de la marchandise », présente Laurence Sauve, secrétaire générale de l’antenne du Secours populaire de Cergy-le-Haut. À droite d’une des allées de l’entrepôt, caverne d’Ali Baba où le moindre mètre carré est occupé par des produits de toute sorte, trônent de nombreux lots de carrelages récemment dépalettisés. Sur l’emballage des produits se retrouve apposé le logo reconnaissable d’une célèbre enseigne de distribution de produits de bricolage, jardinage et aménagement de la maison. Depuis le début de l’année 2023 et après une petite période de rodage, le magasin Leroy Merlin de Chelles, en Seine-et-Marne, livre désormais tous les vendredis des palettes de produits divers issus de retours clients, ou des fins de série à la suite de changements de gamme.

 

Un intermédiaire qui a changé la Done

Ces arrivages réguliers ont été permis grâce à l’intermédiation de Done (entreprise française auparavant connue sous le nom et l’URL « donnez.org »), qui collabore avec le Secours populaire de Cergy-le-Haut depuis octobre 2021. Cette jeune pousse d’origine lilloise aide les entreprises à offrir leurs surstocks, invendus, invendables et retours clients à des associations, ce qui leur procure de multiples avantages. Un bénéfice financier en premier lieu ; Done s’occupe de la prise en charge administrative, avec une récupération de près de 60 % de la valeur des produits (en prenant en compte ses frais de service et ceux du transport) via une réduction d’impôt. Sans compter les économies que réalisent les sociétés à donner leurs articles prenant la poussière plutôt qu’à devoir gérer et payer leur fin de vie. Une optimisation des ressources logistiques également, en diminuant les stocks dormants en entrepôts. Done se charge si nécessaire de la logistique et du transport, via son principal partenaire Geodis, qui va récupérer les produits dans les entrepôts des entreprises pour les acheminer directement aux structures. Enfin, leur intermédiation contribue à lutter contre les différentes formes de gaspillage et à améliorer l’impact solidaire, sociétal et environnemental de ses organisations partenaires.

 

« Je suis à l’équilibre et c’est vraiment gagnant-gagnant »

« La mise en relation s’est passée sur Linkedin, relate Mathieu Grouchy, leader marché (chef de secteur) chez Leroy Merlin France – Chelles, en charge de l’équipe “impact positif” de son magasin, spécialement dédiée à la réduction des impacts environnementaux via la recherche de solutions de seconde vie des produits en particulier. J’ai dit oui tout de suite, car j’ai eu un bon ressenti et appréciais la façon dont Done fonctionnait avec les associations, en accord avec notre démarche “impact positif”. Il ne faut pas cacher non plus qu’il y a un avantage fiscal non négligeable. Quand je donne une palette qui m’a coûté 1 000 euros, 550 euros sont déjà remboursés en crédits d’impôts, sans compter les coûts évités liés au traitement des articles. Je suis à l’équilibre et c’est vraiment gagnant-gagnant. Cela bénéficie au Secours populaire et de mon côté ça me fait du volume en moins, du stock mort d’évité. »

 

Le trio fait des émules

Dans son entrepôt de 413 m² accueillant du public, Laurence Sauve du Secours Populaire se démène tous les jours avec son équipe de bénévoles pour assurer les nombreuses tâches de manutention et proposer un service continu pour ses près de 450 familles bénéficiaires. « Nous sommes en train de discuter avec une société qui pourrait nous faire un don pour installer des racks afin de placer les palettes avec notre gerbeur et de ne pas perdre en surface, espère-t-elle. Nous avions auparavant budgété pour la réalisation d’une surface en hauteur mais le devis s’élevait à 42 000 euros… » La responsable de l’antenne ne refuse aucun don, et s’arrange toujours pour pouvoir leur trouver une place sans bloquer les rayonnages. Les antennes de l’association issues de la même aire géographique communiquent entre elles en cas de livraisons excessives, et se donnent ou s’échangent des articles pour répondre aux besoins de leurs demandes locales, toujours dans une logique d’économie circulaire et solidaire. Depuis le début de la relation tripartite entre le Secours populaire, Done et Leroy Merlin, 33 000 euros de valeur de biens ont été donnés par le magasin de Chelles [chiffres de juillet 2023]. Impressionnés par les résultats financiers, sociaux et environnementaux de ce circuit vertueux de flux considérés comme dépréciés commercialement, d’autres Leroy Merlin issus du même bassin de consommation que Mathieu Grouchy s’intéressent à sa démarche initiée avec Done, et escomptent la reproduire.

 

Focus

Trois questions à Thomas Moreau, cofondateur de Done

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Comment les entreprises faisant appel à Done procèdent-elles pour vous communiquer leurs produits destinés à la donation ?

Nous avons développé une plateforme en interne. Les entreprises y déposent leurs fichiers Excel et y renseignent le conditionnement : « J’ai X produits à donner, ce qui représente Y palettes ». Nous nous chargeons de rechercher des associations locales pour les recevoir. Les sociétés peuvent ensuite télécharger le récapitulatif des dons pour assurer la traçabilité des produits. Ce dernier détaille l’ensemble des données utiles : produits, références agences/filières impliquées, associations réceptrices, montants, etc… Nous leur fournissons également un dossier administratif recoupant l’ensemble des reçus fiscaux générés avec l’intégralité des conventions. En cas de contrôle de l’administration, les entreprises sont ainsi en mesure de prouver que leurs dons ont bien été expédiés à tel endroit, avec toutes les informations nécessaires.

 

Comment sélectionnez-vous vos prestataires en charge de la logistique et du transport ?

Nous avons de prime abord essayé de nouer des partenariats locaux avec des sociétés de transport pour l’acheminement des dons. Cela n’a pas très bien fonctionné, à cause de la difficulté à centraliser les dons et les expéditions. Nous avons aussi voulu nous tourner vers des acteurs associatifs comme la Croix Rouge, mais ils n’arrivaient pas à absorber assez de volume. Ce n’est que début 2022, en tissant des liens avec Geodis, que nous avons réussi à trouver un partenaire assez robuste, idéal tant en termes de capacité de centralisation, de prix que de compétences. Nous aimerions réinclure des transporteurs associatifs, mais ils ne sont pas assez compétitifs.

 

Quelles sont vos perspectives d’évolutions pour les mois et années à venir ?

Nous souhaitons accélérer notre développement sur le marché du don non-alimentaire en France, car il y a un réel besoin : quatre milliards de produits dorment aujourd’hui dans les entrepôts. Bien que ce premier semestre 2023 fut riche en contacts, avec des PME comme avec des grands groupes, nous ne sommes même pas sûrs d’avoir dépassé 1 % de ce chiffre ; la marge de progression est énorme. Nous nous intéressons aussi à une expansion européenne. L’Espagne, l’Italie et le Portugal commencent à attirer les entreprises vers le don : elles disposent d’une règlementation fiscale intéressante, bien que moins avantageuse que celle de la France. L’Espagne par exemple propose 30 % de réduction d’impôts. Moitié moins qu’en France certes, mais cela permet déjà de disposer d’un système gagnant et encourageant que ce soit pour l’entreprise, l’intermédiaire et l’association ; de favoriser le don plutôt que de jeter. Nos regards se tournent également vers l’Allemagne et les Pays-Bas, pays avec des entrepôts cumulant beaucoup de stocks dormants.


Crédit photo : © Done

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