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Supply chain : secteur en manque d’attractivité cherche talents

Publié le 5 avril 2018

8. Des nouveaux métiers de la supply chain vont naître des flux et des robots

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De l’usine au domicile du client en passant par les entrepôts, toute la chaîne logistique est bouleversée par la numérisation et l’automatisation. Pilote de flux, manager de service, data scientist ou encore responsable de maintenance cobotique… Panorama des fonctions qui s’imposeront d’ici dix ans.

De l’Europe à l’Asie en passant par les États-Unis, la révolution de la supply chain est en marche. Elle s’opère sous la double pression de la numérisation et de l’automatisation. « De manière générale, la numérisation a permis d’accélérer les flux et de connecter les différents opérateurs, qu’ils soient chargeurs, prestataires, clients finaux ou intervenants tiers comme les pouvoirs publics », commente Pascal Zammit, le directeur supply chain de Michelin. Dans dix ans, 70 % de la population mondiale sera urbaine, un phénomène qui aura des conséquences sur la logistique des vingt derniers kilomètres jusqu’aux derniers hectomètres. « Les régulations des pouvoirs municipaux seront alors au coeur des réflexions logistiques », poursuit Xavier Derycke, vice-président supply chain transformation du groupe Rexel, fournisseur de matériel électrique. Autre conséquence attendue, les entreprises orienteront leurs transports vers des flux économes en CO2. Dans une étude sortie l’an dernier, l’université du Michigan a calculé qu’une amélioration de 1 % du taux de remplissage des camions permettrait un gain de 15 milliards de dollars annuels à l’échelle des États-Unis. Avec une gestion mutualisée des entrepôts qui devrait s’amplifier, les managers de la supply chain travailleront avec des tiers pour s’assurer que le produit arrive chez le client, entreprise ou particulier, à l’heure prévue. Un impératif ! « Les clients, surtout la nouvelle génération, sont très exigeants quant à la disponibilité du produit. Nous sommes en train de passer d’une supply chain orientée usine à une supply chain orientée client », poursuit Pascal Zammit.

 

Dans les usines et les entrepôts à l’horizon 2025, le tableau sera bien différent de celui d’aujourd’hui. La fédération internationale de la robotique prévoit 2,3 millions de robots installés d’ici 2020. L’usine du futur verra l’implantation croissante des « cobots », ces robots collaboratifs qui deviendront une aide courante pour les opérateurs. Également présents dans des entrepôts, ils ne seront pas plus difficiles à manipuler qu’un smartphone. « Nous ne sommes qu’au tout début du passage des chaînes mécanisées à l’intervention des robots, indique Augustin Gueldry, fondateur du cabinet de conseil Colicoach, orienté autour des enjeux liés au e-commerce et à l’impact du numérique dans la supply chain. Avec plus de 80 milliards d’objets connectés d’ici 2020, c’est un véritable Internet des objets qui automatisera une grande partie de la production jusqu’au picking en entrepôt. »

 

Des changements dans l’entrepôt…

Comment évolueront alors les métiers ? Les fonctions à faible valeur ajoutée comme les manutentionnaires sont menacées. Sur les 185 métiers que compte l’industrie, plus de la moitié ont une forte probabilité d’être automatisés, soit trois millions d’emplois à la trappe, estimait une étude de France Stratégie, l’organisme de prospective rattaché à Matignon, publiée en toute discrétion en juin 2016. « Sous la pression de l’automatisation robotisée des processus, ces “robots logiciels” qui automatisent les tâches fastidieuses sans valeur ajoutée et font gagner jusqu’à un tiers du temps de travail à l’employé, les métiers opérationnels seront peu à peu délaissés. On s’orientera vers des métiers de planification des tâches ou de programmation des automates, à plus grande valeur ajoutée, qui pourraient être des architectes des processus », commente Julien Dutreuil, directeur associé chargé de la partie retail, omnicanal et supply chain au sein du cabinet de conseil Bartle. Les humains ne disparaîtront pas pour autant des entrepôts. « Dans les bâtiments logistiques, des ingénieurs et des techniciens de maintenance préventive devront administrer et réguler les automates, les robots et les convoyeurs dès que les capteurs les auront prévenus qu’une intervention est nécessaire, ajoute Xavier Derycke. Le chef d’équipe traditionnel, ce sera bientôt terminé ».

 

Ces spécialistes en maintenance seront formés en interne et pourront aussi être des prestataires de sociétés extérieures. « Si j’ai cinquante pneus de moins sortant de mon magasin, qui en sera responsable ? se demande Pascal Zammit. Le principal enjeu du responsable d’entrepôt sera d’aligner les objectifs de tous ces intervenants. De managers de productivité, nous allons passer aux managers intégrateurs. » Selon la spécialisation de l’entreprise, « une fonction de pilote de la robotique pourrait aussi se créer et réaliser en direct l’exploitation de la supply chain. Il aura ainsi une grande agilité à faire évoluer les systèmes automatisés, en tenant compte des aspects opérationnels, financiers et business », prédit Augustin Gueldry.

 

… dans le transport ...

Le transport devrait connaître une évolution similaire, poursuit Pascal Zammit, qui verrait bien naître un manager de transport, au moins pour les entreprises de taille intermédiaire. « Au lieu d’aller directement vers le point A de votre client, vous passerez par différentes chaînes intégrées, ce qui nécessitera de synchroniser les flux de nombreux acteurs afin que la commande soit bien livrée. La numérisation va engendrer des nouveaux types de fonctions où les responsables maîtriseront peu les moyens matériels mais gèreront les flux de ces actifs, ce qui est assez éloigné de la culture du logisticien ». Ce rôle de pilote de flux transports changera encore davantage de nature quand se développeront les acheminements par camions automatisés. On peut imaginer une flotte de porteurs autonomes descendre les Champs Élysées chargés de marchandises avec de petits véhicules électriques allant livrer des palettes et bacs aux portes des magasins. « Les entreprises devront adapter rapidement leurs bases logistiques et la manière dont elles accèdent à la ville », souligne Pascal Zammit.

 

« Il va falloir des acteurs pour contrôler cette automatisation de l’exécution logistique, ajoute Manuel Davy, fondateur de Vekia. Ces pilotes de flux, un peu plus transverses qu’aujourd’hui, vont évoluer et devenir plus techniques comme les contrôleurs aériens car j’estime que d’ici trente ans, près de 90 % des tâches seront automatisées ». Avant d’en arriver à cette échéance, la fonction de « designer de réseau logistique » devrait s’imposer dans les prochaines années afin de calculer au plus juste l’emplacement des entrepôts (qui seront éventuellement éphémères aux abords des villes ou dans leur centre) ainsi que les plans de circulation. Si ce travail est bien souvent fait en coopération avec des consultants, ce rôle devrait intégrer les entreprises. « Les flux sont de moins en moins stables et les scénarios doivent être réévalués tous les quatre à six mois avec des entrepôts de stockage qui vont changer de locataire de plus en plus souvent », indique Julien Dutreuil. « Le responsable du service client va se développer dans la supply chain étendue, promet Xavier Derycke. Les services individualisés vont se renforcer et notre service client devra offrir des créneaux de livraison adaptés. » Autre terme mais fonction semblable chez Michelin où Pascal Zammit évoque le « service manager », qui développe les solutions pour optimiser les schémas logistiques par rapport aux besoins des clients. « Le service manager est un expert, assez courant dans le monde anglosaxon, qui offre le meilleur de sa supply chain pour ses clients selon les contraintes de celui-ci ».

 

… et les directions supply chain des entreprises

Et que dire des autres fonctions supply chain au siège des entreprises ? L’ampleur de l’impact des « big data » est difficile à estimer sur chaque fonction en détail. Seule certitude, cela va impliquer de nouveaux métiers et compétences car « le digital permet une compréhension beaucoup plus fine de la demande, de la consommation, explique Jean-Michel Guarneri, président de l’Aslog (association française de la supply chain et de la logistique). Grâce à la collecte de datas, nous sommes bien mieux capables de prévoir la demande en temps réel et précisément là où elle se trouve. On dispose donc alors les bons stocks au bon endroit, et dans les bonnes quantités. L’analyse de la data est un vecteur majeur apporté par le digital à la fonction supply chain. » La majorité des consultants parle ainsi du métier de « data scientist » : « Il est au croisement de l’informatique pour les outils, des mathématiques et du métier pour l’expérience logistique de terrain », analyse Julien Dutreuil. Face à cet hybride, qui émerge tout doucement et continuera dans les prochaines années, le consultant assure que presque toutes les organisations auront besoin de ce collaborateur qui aura pour mission d’agréger les datas de différentes sources et d’organiser une meilleure gouvernance et exploitation de ces dernières. Le fournisseur de matériel électrique Rexel, dispose d’« une équipe de data analysts qui ne sont pas uniquement spécialisés sur l’aspect physique de la supply chain mais qui analysent aussi les flux sur notre site internet comme, par exemple, le nombre de produits qu’un internaute regarde ou quand il arrête sa navigation », indique Xavier Derycke. Les analystes sont présents à différents étages des entreprises. « Avant, nous avions des pilotes de flux physiques, maintenant, nous avons des analystes qui labourent les données et sortent des états complets de stocks en un clin d’oeil », souligne Christian Sanchez, directeur supply chain chez Frans Bonhomme, négociant spécialisé réseaux.

 

Certains prédisent l’arrivée du métier d’« analyste supply chain », plutôt dans les enseignes de distribution. Appelé également « coordinateur logistique » ou « data miner », il inclut une composante d’analyse de la donnée liée à l’activité et à la prise de décision afin de garder une performance idéale selon des indicateurs de performance. Cela peut être la disponibilité des produits en magasin ou la réactivité du processus sur les phases de la production à la livraison… Mais cette mission va très vite évoluer dans les prochaines années sous la pression du machine learning, qui permet de créer de nouveaux indicateurs de performance. Sitôt apparu, le métier sera déjà transformé… Quant au directeur supply chain, ses compétences évolueront dans la lignée de la transformation de son domaine de spécialité… Mais il le sera de moins en moins. « Il est déjà transversal et fait le lien entre les ressources humaines, le marketing et les achats pour accélérer les flux, estime Christian Sanchez. Il anticipera les achats et organisera la performance des flux pour mettre à disposition les produits le plus vite possible. La disponibilité n’est plus un débat. C’est l’accélération des flux vers un client dont le comportement d’achat est rendu chaque jour plus exigeant par les nombreuses sollicitations concurrentielles ». Le principal changement sera, sans aucun doute, sa montée en puissance aux comités exécutifs des plus grandes entreprises. Preuve que la supply chain sera devenue essentielle à la croissance du chiffre d’affaires de toutes les entreprises.

 

JBG

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Le data alchimist : Il maîtrise l’exhaustivité des flux d’information (data, processus et outils) et il est capable de les exploiter pour en extraire de nouvelles valeurs ajoutées pour les clients de l’entreprise.

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