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Immobilier
Réglementation environnementale 2020 (RE 2020), décret tertiaire, décret Bacs… Couche après couche, le millefeuille législatif français touchant à la performance énergétique des bâtiments ne cesse de s’épaissir. Appliquées aux entrepôts, les réglementations évoluent vite, et demandent aux différents acteurs de l’immobilier logistique de s’y préparer, en s’accompagnant d’experts ou en les recrutant en interne. Le décret tertiaire en particulier imposera, d’ici à 2030, des objectifs de réduction de 40 % de la consommation énergétique finale des bâtiments du secteur. À grand renfort de solutions technologiques et techniques, déjà déployées ou en cours de mise en œuvre, tout un écosystème poursuit ainsi la transformation et la modernisation des parcs logistiques français. Une obligation autant qu’une nécessité, à l’heure de l’efficacité, de la sobriété et de l’exemplarité.
1. Décret tertiaire : quels changements pour l’immobilier logistique ?
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APRC GroupVisant à réduire la consommation énergétique des bâtiments du secteur tertiaire, le décret tertiaire fixe des objectifs de diminution à plusieurs échelons (dont un premier en 2030), en fonction d’une valeur relative à partir d’une année de référence, ou de valeurs absolues. Explications.
Le dispositif « Éco-énergie tertiaire », plus communément désigné sous l’appellation « décret tertiaire » (car issu d’un décret publié le 23 juillet 2019), astreint de nombreux acteurs professionnels à réduire progressivement les consommations d’énergie des bâtiments à usage tertiaire. Précisant les conditions d’application de la loi Élan (pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), il concerne les bâtiments et parties de bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m². Ses modalités s’appliquent ainsi à quasiment tous les entrepôts tricolores.
« Le décret tertiaire impose des économies d’énergie à différents échelons : -40 % en 2030, -50 % en 2040 et -60 % en 2050. Et ce en se fondant soit sur des années de référence comprises entre 2010 et 2022, soit sur des valeurs absolues », introduit et synthétise Philippe Pantanella, directeur fluides d’APRC Group, société pluridisciplinaire spécialisée dans la conception et la construction de bâtiments, en particulier logistiques. Le responsable ajoute que différents arrêtés, « publiés tardivement », ont précisé en 2024 lesdites valeurs absolues pour le secteur logistique, selon les typologies des actifs : entrepôts ou messageries à température ambiante, bâtiments logistiques du froid...
« Nous étions tous complètement perdus »
« Dès les années 2021-2022, il a fallu décrire la consommation de son année de référence, et donc imaginer quels étaient ses objectifs pour 2030. Personne ne savait comment s’y prendre, nous étions tous complètement perdus », se remémore Marc Esposito, directeur innovation (numérique et environnementale) chez le contractant général en immobilier d’entreprise GSE. « Il a fallu attendre la publication successive de quatre arrêtés pour enfin connaître les valeurs absolues. Or celles-ci jouent un rôle essentiel dans les déclarations des consommations d’énergie des entrepôts. En effet, il est souvent plus difficile de sélectionner une année de référence. Car cela implique de connaître avec précision l’ensemble des consommations d’un bâtiment, à une époque où les GTB [pour gestion technique du bâtiment, cf. page 3] n’étaient pas ou peu mises en place. »
Des déclarations à effectuer sur une plateforme étatique
Pour être en conformité avec le décret tertiaire, les différentes parties prenantes (propriétaires et preneurs à bail) doivent effectuer leurs déclarations sur une plateforme étatique nommée « Operat ». Piloté par l’Ademe, ce portail en ligne de recueil et de suivi des consommations d’énergie du secteur tertiaire est régulièrement mis à jour, en fonction notamment des différents arrêtés publiés au Journal officiel. Mais aussi avec les retours constructifs de ses utilisateurs. « Nous réalisons nos déclarations pour chacun de nos bâtiments, avec ses exploitants », témoigne Hasna Berkia-Guez, directrice RSE de Barjane.
Membre actif de l’association Afilog, représentant de nombreux acteurs de l’immobilier logistique français, la société à mission partage ainsi régulièrement, avec le concours de la profession, des commentaires ou des demandes de modification aux services de l’État. « En tant que foncière, vous ne pouvez pas disposer sur la plateforme d’une vision consolidée de l’ensemble de vos sites ; il faut les éplucher un par un. Autre facteur d’amélioration : si une personne, comme votre locataire par exemple, fait une modification en ligne, vous n’en êtes pas informé. La base de données existante est très riche, mais il y a des détails à parfaire, notamment pour en faciliter l’exploitation », expose la cheffe d’orchestre de la politique environnementale et sociale de Barjane, groupe étant à la fois investisseur, aménageur et développeur de parc d’activités et de bâtiments, essentiellement logistiques et industriels.
Focus
Diverses modalités de calculs en valeur absolue
Concrètement, les entreprises assujetties au décret tertiaire peuvent s’appuyer sur des calculs en valeur absolue, via la méthodologie dite « Cabs ». Et ce dans l’optique de ne pas outrepasser un seuil de consommation d’énergie finale, exprimé en kWh par m² et par an. Spécifique à chacun des entrepôts, ce seuil dépend, entre autres, « des horaires d’ouverture, de la température, de la surface… », vulgarise Antonin Chrétien, directeur de projets chez Systenza, la filiale ingénierie du groupe EOL spécialisée dans l’assistance à maîtrise d’ouvrage et l’optimisation énergétique des bâtiments logistiques. « Si les déclarants ont installé une GTB conforme au décret Bacs [cf. page 3], ils sont aussi censés monitorer l’ensemble des usages de leurs entrepôts, notamment ce que l’on appelle des “équipements de process” ou “process” tout court. Cela inclut : les locaux de charge, les convoyeurs, les Autostore, les robots-shuttle, etc. Si leurs consommations sont bien suivies, les calculs seront plus aisés. »
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