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Portrait

Jean-Louis LOUVEL : Il ne faut pas juger du bois par l'écorce

Sans un diplôme en poche, Jean-Louis Louvel aurait pu avoir une carrière en dents de scie. Les trois handicaps initiaux du président fondateur de PGS Group (Palettes Gestion Services), « pas de formation, pas d’argent et pas d’expérience » vont cependant devenir une force pour cet autodidacte qui, depuis qu’il a trouvé sa branche, ne l’a jamais lâchée.

Publié le 18 avril 2016 - 17h15
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À 16 ans, Jean-Louis Louvel arrête l’école après une année de formation en tailleur de pierre. Sa carrière, il va se la forger à grands coups de bon sens. En mars 1993, ce Normand fonde avec deux amis une petite entreprise de reconditionnement de palettes d’occasion à Saint-Étienne-du-Rouvray (76). Tenace, Jean-Louis Louvel écume dix-sept banques avant de trouver un agent enclin à lui fournir un prêt d’amorçage de 20 000 francs pour subvenir aux besoins vitaux de sa société. « Par chance le reconditionnement à l’époque n’était pas très capitalistique : vous aviez besoin d’un camion en location, un chariot en location, un tout petit peu de trésorerie pour financer votre stock et votre petit outillage, explique-t-il. Ce n’est pas comme la fabrication et la scierie qui nécessitent de très lourds investissements. » Sa grande aventure peut ainsi démarrer.

 

Jean-Louis Louvel part d’un constat : la filière du reconditionnement de palettes est complètement atomisée, avec des acteurs régionaux effectuant de longs trajets pour livrer leurs clients. Il décide alors de créer un réseau de proximité pour réaliser des économies de transport substantielles et offrir à ses clients des services efficients et parfois même innovants. « C’est comme ça qu’en quelques années, nous avons maillé le territoire français », raconte-t-il. Une conquête progressive, calculée, pleine de petites et de grandes acquisitions, de capitalisations de ressources humaines riches en expériences.

 

Avancer ses pions

Stratège dans l’âme, Jean-Louis Louvel a toujours un coup d’avance. Ce féru d’échecs, amateur du jeu de plateau Risk, fait primer la planification minutieuse à la précipitation. « Je n’ai pas la prétention de dire que je suis intelligent, affirme-t-il. En revanche j’ai la prétention de dire que je suis vraiment pourvu de bon sens. » Pour passer inaperçu par rapport à ses concurrents de l’époque, toutes les agences qu’il crée avec ses associés portent des noms complètement différents. Une manière astucieuse de dissimuler sa croissance. Jusqu’au jour où il décide de regrouper toutes ses agences sous un même nom : PGS (Palettes Gestion Services). « Nous avons pris du poids, et grâce au maillage que nous avions constitué dans le reconditionnement nous avons pu travailler avec des clients nationaux. » PGS, tel un séquoia dans une forêt d’arbustes, dépasse alors tout le monde.

 

Mais pour continuer à croître, l’entreprise doit se renouveler. Car le reconditionnement, même avec de gros volumes, demeure une activité à faible valeur ajoutée. D’autant plus que la palette d’occasion ne trouve pas toujours preneur. « Quand je visitais 10 clients, sept étaient intéressés par mes produits, trois ne voulaient que de la palette neuve, expose-t-il. Et dans les sept qui achetaient de la palette d’occasion, certains voulaient aussi de la palette neuve. Je ne pouvais pas les servir. » Afin de satisfaire cette demande, l’entrepreneur reprend en l’an 2000 trois petites fabriques et scieries, Technipal Bretagne, Normandie et Champagne. Une opération d’envergure qui permet à PGS de devenir le premier fabricant et reconditionneur de palettes du pays. « En dehors de PGS, il n’existe aujourd’hui en France toujours aucun fabricant de palettes qui soit également reconditionneur et encore moins de reconditionneurs qui fassent de la fabrication, ces deux métiers étant radicalement opposés », affirme-t-il. Les trois sites Technipal vont permettre à PGS, dans un premier temps, de dessiner une ligne stratégique au coeur de la France et d’élargir son portefeuille de clients.

 

Prendre le problème à la racine

Des petites scieries, cela sied à une petite activité. Mais pour continuer à se développer sur la palette neuve, augmenter et soutenir ses besoins de fabrication, PGS a besoin de garantir ses approvisionnements en matière première, en sciages. En 2009, au plus fort de la crise, la société entre au capital de Beynel, la plus grosse entreprise française de sciage à palettes. Et PGS entraîne une dizaine d’entreprises dans son sillage. Elle intègre des exploitations forestières, fait de l’acquisition et de la gestion de forêts. Elle réalise une grande vague d’opérations de croissance externe de 2009 à 2013 afin de renforcer sa capacité de production et de répartir ses risques sur l’ensemble du territoire. En cas d’incendie ou de tempête sur un site, un autre peut prendre la relève et continuer d’assurer les livraisons.

 

Toutes ses acquisitions, Jean-Louis Louvel les réalise en y intégrant les équipes des sociétés reprises, dans une optique de mutualisation des savoir-faire. Une confiance et un respect dans l’humain que ses collaborateurs lui rendent tous les jours. « J’ai trié et réparé des palettes, j’ai été manutentionnaire et cariste ; tout ce que mes collaborateurs font, je l’ai fait avant eux, relate-t-il. Les employés ont un profond respect pour cela, pour notre histoire. Ils savent que tout ce que nous avons, nous l’avons construit de nos mains. Et nous le remettons tous les jours sur la table dans l’entreprise, c’est ce qui responsabilise nos décisions. » Son réseau français fortifié presque à son maximum et sa gamme de produits enrichie de palettes bois, métal, carton, moulée, PGS est partie à l’assaut de l’Europe avec la conquête du marché belge, puis a fait une grande percée en Espagne. Elle initie aujourd’hui un développement à l’international.

 

Cette ascension fulgurante réjouit son président fondateur mais ne l’étonne pas : « Il y a 20 ans je travaillais avec l’usine d’à côté qui m’achetait des palettes. Il y a dix ans j’étais à la Défense (92) avec mes collaborateurs pour traiter des marchés nationaux. Maintenant, j’ai une équipe internationale qui est dans les avions tous les jours pour traiter des marchés européens et parfois même beaucoup plus éloignés. » Déjà proche des 250 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé avec une équipe de 1 300 collaborateurs, le développement fulgurant de PGS annonce-t-il l’avènement prochain, dans le secteur de la palette, d’un « Louvel » ordre mondial ?

 

 

Crédits photo : © Martin Flaux/PGS

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