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COP30 : quand la donnée devient le moteur d’une économie circulaire

Une tribune signée par Mathilde Delivré, responsable avant-ventes chez Manhattan Associates.

Publié le 9 décembre 2025 - 15h30
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 UN Climate Change - Kiara Worth, CC BY-NC-SA 4.0 | Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, lors d'une conférence de presse de la COP30 organisée le 20 novembre 2025 à Belém, au Brésil.

Le mois dernier, 197 nations se sont réunies au Brésil pour la COP30, afin de relancer une dynamique mondiale en faveur du climat. Le sommet s’ouvrait sur un constat alarmant : selon les scientifiques, la planète est sur le point de franchir la limite de réchauffement de 1,5 °C fixée par l’Accord de Paris. Les débats mettent désormais l’accent sur l’action concrète. Le commerce durable, longtemps cantonné aux discours, entre dans une phase d’application réelle. Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) illustre cette évolution en redéfinissant les règles du commerce international pour encourager des pratiques plus justes et plus responsables.

 

Depuis plusieurs années, les conférences sur le climat ont souligné la responsabilité de l’industrie retail. La Charte de l'industrie de la mode pour l’action climatique, lancée en 2018 lors de la COP24, fixait déjà un objectif ambitieux visant la neutralité carbone d’ici 2050 dans les secteurs du textile et de l’habillement.


Toutefois, le développement fulgurant de l’ultra fast-fashion, incarnée par des acteurs comme Shein ou Temu, a profondément bouleversé le secteur. Leur modèle repose sur des prix dérisoires, des volumes de production massifs et une logique du jetable, constituant une menace directe pour les objectifs environnementaux. Ainsi, selon l’Ademe, plus de 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde ; une production générant de près de 4 milliards de tonnes de CO² par an. En outre, ces entreprises profitent depuis longtemps de failles commerciales leur permettant d’expédier à l’unité des produits à moindre coût dans le monde entier.


Or les lignes commencent à bouger. L’administration américaine a supprimé cet été l’exemption dite « de minimis » qui facilitait ces pratiques, et le Royaume-Uni envisage de suivre le même chemin. Résultat, les flux logistiques vers les États-Unis ont déjà chuté. En France, une proposition de loi visant à freiner la « fast-fashion » a été adoptée par le Sénat en juin dernier, marquant une étape supplémentaire vers une régulation plus stricte du secteur. À l’heure où les réglementations imposent à la fois une traçabilité sans déforestation et la production de données d’émissions précises pour chaque produit, disposer d’informations fiables constitue un véritable garde-fou.


Le respect de l’environnement, un impératif opérationnel

C’est un signal d’alarme pour tout le secteur. Les consommateurs réclament aujourd’hui transparence, résilience et respect de l’environnement. Les entreprises qui n’adaptent pas leurs modèles risquent d’être rapidement distancées. Pourtant, un décalage persiste entre les ambitions affichées et la réalité du terrain.

 

En effet, bien que la plupart des entreprises déclarent avoir mis en place un plan de transition climatique, seule une minorité intègre réellement la performance environnementale dans la planification opérationnelle. Ce fossé d’exécution s’explique souvent par un manque d’outils numériques capables d’assurer la transparence et la mesure fine des impacts.

 

Ce manque d’équipement s’accompagne souvent d’une difficulté opérationnelle majeure : l’analyse des données. Pour beaucoup d’industriels, cette tâche reste fastidieuse et nécessite des compétences qu’ils ne possèdent pas toujours. Les nouveaux agents IA et les outils de recommandation, tels que les solutions d’identification d’opportunités d’optimisation, permettent désormais de rendre ces données intelligibles et exploitables et aident à la prise de décisions éclairées. Toutefois, ces outils ne peuvent produire pleinement leurs effets que si l’entreprise dispose de données fiables, consolidées et unifiées.

 

Sans données unifiées, il est en effet impossible de mesurer précisément son empreinte carbone, d’optimiser les trajets logistiques ou de démontrer la conformité réglementaire. Le respect de l’environnement ne peut se piloter à l’aveugle.

 

L’efficacité, première étape vers la circularité

La véritable durabilité consiste à éliminer les gaspillages à chaque étape, qu’il s’agisse des kilomètres parcourus inutilement, des espaces de stockage inutilisés ou des retours mal gérés.

 

Prenons l’exemple des retours produits. La plupart des enseignes renvoient encore les articles vers un entrepôt central, faute de données consolidées permettant d’aiguiller intelligemment les flux. Pourtant, une approche connectée pourrait réacheminer un article vers le magasin le plus proche ou vers une zone à forte demande, réduisant à la fois coûts et émissions.

 

Cette logistique inversée incarne la logique circulaire, fondée sur la réutilisation, la réaffectation et l’optimisation. Pour y parvenir, il faut briser la vision linéaire du transport et de la distribution, et connecter enfin les systèmes de gestion des commandes, des entrepôts et du transport. L’efficacité opérationnelle ainsi obtenue constitue le socle essentiel pour déployer une stratégie d’économie circulaire.

 

La transparence, levier de confiance

Le changement réglementaire actuel bouleverse les fondations de la fast-fashion et ouvre la voie vers de nouvelles opportunités. Faire de la visibilité un argument de marque et de confiance devient un atout stratégique. Permettre, par exemple, aux consommateurs de modifier ou d’annuler une commande avant expédition limite les trajets inutiles, accélère la remise en vente des produits et réduit le gaspillage.

 

Ces pratiques sont bonnes pour la planète mais aussi pour la performance économique. Elles répondent aux nouvelles obligations environnementales tout en renforçant la fidélité client.

 

Alors que la COP30 nous a rappellé l’urgence d’une transformation systémique, il est temps que les acteurs du commerce – entreprises comme consommateurs – assument pleinement leur rôle dans la construction d’une économie intelligente, circulaire et durable, guidée non par la surconsommation mais par la donnée et la responsabilité.

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