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La Charrette, vers une nouvelle approche logistique des circuits courts

Réunissant producteurs, transporteurs et intermédiaires, la bourse de fret La Charrette se veut le premier réseau logistique des circuits courts, axé sur une volonté de répartition juste et transparente de la valeur. Laura Giacherio, sa présidente, revient sur l’histoire et l’évolution de la jeune société.

Publié le 6 janvier 2022 - 09h28
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L'équipe de la Charrette de g. à d. : Marie Giacherio, Charline Vial-Jaime, Lucie Achard et Laura Giacherio

À l’origine de la bourse de fret La Charrette, il y a deux sœurs, Laura et Marie Giacherio qui ne sont issues ni du monde de la logistique, ni de celui de l’agriculture, mais des finances et de la communication. Un atout selon Laura Giacherio, présidente de La Charrette : « Nous avons tout réappris sans essayer d’appliquer ce qui existait ailleurs dans d’autres industries, pour envisager la logistique locale comme une logistique spécifique ». La réflexion naît en 2016, avec la volonté de créer un système en circuit court entre producteurs et consommateurs ou clients professionnels. Après avoir observé l’existant en France, les co-fondatrices comprennent deux choses : « Tout d'abord, qu’il y avait déjà beaucoup d’initiatives qui étaient lancées sur cette mise en relation, mais aussi que tous ces systèmes étaient très contraignants, pour le producteur, l’acheteur, ou les deux à la fois. Nous nous sommes demandé pourquoi aucun ne semblait pratique, économique et logique et nous avons mis le doigt assez rapidement sur l’absence totale de logistique à disposition de ces initiatives locales ». Face à ce problème qui semblait partagé par l’ensemble des entreprises du secteur et au peu d’intérêt suscité par la problématique, Laura (au poste de directrice générale) et Marie décident de s’embarquer dans cette aventure de la logistique des circuits courts.


« Un Blablacar pour les producteurs »

Première action mise en place, la rencontre avec plusieurs centaines de producteurs autour d’Annecy en Haute-Savoie, leur région natale, pour mieux comprendre les rouages du système. « Très vite a émergé la nécessité de mutualisation entre ces acteurs, car nous avons rapidement identifié que les producteurs qui faisaient du circuit court se déplaçaient régulièrement avec des camions qui n’étaient pas optimisés pour aller dans des bassins de consommation communs », poursuit Laura Giacherio. À la clef : aller chercher les économies à travers cette mutualisation pour parvenir à davantage de fluidité dans le circuit court. Sur cette base, un site de co-livraison est lancé en 2017, « une sorte de Blablacar pour les producteurs » sur lequel est développée une assurance spécifique avec Groupama pour assurer les produits. Durant trois ans, le travail se poursuit : « Nous avons énormément élargi notre communauté et nous avons été vus comme une solution à la fois durable, pratique et efficiente sur le terrain par les producteurs ». La notoriété de La Charrette va croissante et, en plus des producteurs, d’autres profils se tournent vers la jeune société, parmi lesquels acheteurs et collectivités qui identifient de plus en plus la logistique comme le maillon indispensable dans le développement du local. Le bilan réalisé début 2019 souligne néanmoins le peu de co-livraisons effectuées. « Nous avons donc refait un tour sur le terrain et nous avons compris qu’il existe des obstacles dans le circuit court qui ne sont pas forcément économiques. Aujourd’hui, cette logistique est organisée en grande partie par les producteurs. Et s’il faut l’externaliser, cela s’avère très compliqué car ils ont l’impression que tout à coup cela leur coûte de l’argent alors que cela n’était pas le cas avant. C’est un frein psychologique qui va bloquer beaucoup d’initiatives ». Là où le bât blesse pour les producteurs, c’est sur le développement des flux existants et non dans leur structuration : « Les trajets qui vont d’un producteur à un acheteur professionnel sont complétement marginaux à l’échelle de la France, cela n’a donc aucun intérêt de s’acharner à vouloir structurer ces flux-là. Nous avons ainsi complétement changé notre façon de réfléchir à la logistique locale en 2019 avec l’objectif de créer une solution pour développer les circuits courts et nous avons réalisé que leur essor passait par des intermédiaires locaux », détaille la co-fondatrice.


Modéliser la logistique locale

Soucieuse d’« envisager la logistique dans son ensemble », c’est-à-dire comme une solution globale intégrant la livraison, mais aussi tout un système de facturation, d’anticipation et de prise de commandes, La Charrette se rapproche alors des intermédiaires travaillant avec les producteurs pour livrer ensuite les acteurs professionnels. « Ils nous ont indiqué que leur gros problème était justement la logistique, car ils étaient en relation avec des groupes de producteurs et d’acheteurs professionnels mais personne n’était en mesure de leur proposer quelque chose d’efficace et d’adapté à leur besoin ». En effet, les gros transporteurs se montrent souvent inadaptés aux enjeux du circuit court et du local où les volumes sont plus faibles, n’impliquant donc aucune réalisation d’économie lors de mise en place de tournées et de mutualisation de l’offre et de la demande. « Sur la livraison, on s’est également rendu compte que le local fonctionnait quand il y avait une relation humaine. Nous avons donc cherché comment répondre à cette demande-là ». La société commence alors à déployer en 2019 un réseau de petits transporteurs indépendants, des entreprises locales dotées de quelques véhicules. Elle procède avec eux à des tests de réalisation de tournées avec des intermédiaires. « De 2019 à l’été 2021, nous avons modélisé la logistique locale, du producteur jusqu’à l’acheteur professionnel en passant ou non par une plateforme. Nous avons abouti à une dizaine de grands modèles, utilisant soit des véhicules légers, soit des poids-lourds, effectuant de la ramasse puis un passage par une plateforme et du dernier kilomètre ou alors une ramasse, une préparation dans le camion et une livraison dans la foulée, du cross-dock, etc. » Ce faisant, La Charrette continue à miser sur le local. « En général, les circuits que nous organisons sont au plus court, c’est-à-dire avec le moins d’intermédiaires et le moins de kilomètres possibles. Nous avons compris que le local en direct resterait marginal, ce qui se développe aujourd’hui, c’est le circuit structuré qui va organiser des producteurs et des acheteurs à l’échelle la plus locale possible ». Avec, à la clef, une répartition juste de la valeur et une transparence sur les opérations : d’où viennent les produits, combien a été rémunéré le producteur et qui est l’intermédiaire entre ce dernier et le consommateur...


Étoffer le réseau de partenaires

La société repose désormais sur deux systèmes : d’un côté, la bourse de fret sortie en octobre pour créer « un maximum de relation long terme à l’échelle locale avec les communautés de producteurs et de transporteurs », de l’autre un service pour les intermédiaires : « Ils font une demande de tournée et donnent ses caractéristiques : type de produits, contenants, où sont les producteurs, les clients, est-ce qu’il y a une plateforme ?… Il y a ensuite un retour de notre part avec une étude de faisabilité. Nous allons regarder quel modèle est le plus efficace pour eux et, sur cette base, nous allons faire une demande sur notre bourse de fret en interne à tous nos transporteurs en local. Nous revenons ensuite vers l’intermédiaire en lui indiquant les modèles logistiques envisageables et les partenaires possibles ». Avec presque 2 000 transporteurs et 7 000 producteurs, le travail de La Charrette s’axe désormais sur l’étoffement de son réseau de partenaires, qui peuvent être des groupements de producteurs, des petits grossistes locaux, des acteurs dématérialisés mais organisant des écosystèmes soudés entre producteurs et acheteurs professionnels, des plateformes physiques… : « Et nous avons même des acteurs de l’agroalimentaire qui s’intéressent à nous. Ils nous disent que le futur passera par le local, avec de petits volumes et que leur logistique n’est absolument pas adaptée ». D’où la nécessite de se tourner vers une nouvelle approche logistique que souhaite apporter La Charrette. « La bourse de fret va aider les acteurs qui commencent à générer des flux en local à venir trouver un partenaire pour professionnaliser leur logistique avec des modèles où l’on dépasse rarement les 10 % de coûts sur les valeurs transportées, comparés aux circuits courts habituels plutôt à 25 %. Nous avons donc la bonne offre et nous la déployons auprès des acteurs qui ont les flux, mais ils sont encore aujourd’hui peu nombreux », observe Laura Giacherio. Cependant, la jeune société les voit arriver massivement, la crise sanitaire ayant constitué un coup de boost avec une appétence décuplé vers le local. « Nous nous attendons à ce que dans les prochains mois, notre activité explose », anticipe-t-elle.

 

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