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[Portrait] Vanessa Clemendot, la supply chain à l’instinct
Le mouvement est intrinsèque à sa vie. New York, Montréal, Paris… Où qu’elle soit, Vanessa Clemendot, senior vice president, global head of supply chain de Sanofi, avance avec authenticité, guidée par une insatiable curiosité. Rencontre avec une experte qui vit la supply chain.
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Romane Coston
Très tôt, Vanessa Clemendot a appris à observer. Depuis les bancs de l’école, où elle s’ennuie considérablement, elle tente de comprendre les comportements des uns et des autres et examine le monde avec curiosité. Déjà très jeune, Vanessa parvient à décoder les attitudes, distinguer l’implicite de l’explicite, analyser les gens, en silence. Un silence nécessaire à la réflexion et surtout à l’action. Car l’inertie n’est pas une option envisageable pour Vanessa Clemendot. Et c’est sans doute ce sens de l’action et cette attention portée aux autres qui l’ont conduit à s’installer à un poste de haut niveau au sein du groupe Sanofi à l’été 2025.
Dans l’entreprise biopharmaceutique, Vanessa Clemendot a pour mission de piloter la transformation de la supply chain et de garantir une distribution fiable et durable des thérapies aux patients du monde entier. Une lourde responsabilité émanant d’un choix très bien réfléchi, qu’elle qualifie elle-même « d’une véritable quête de sens ». « Passer de L’Oréal à Sanofi, c’est passer de faire plaisir à sauver des vies, deux activités complémentaires et deux supply chains différentes. Ce qui m’a motivé, c’est cette notion d’urgence : des patients peuvent être dans des phases extrêmement graves si nous ne sommes pas capables de leur délivrer les médicaments dans les délais impartis. Nous devons donc construire une chaîne d’approvisionnement de plus en plus forte, résistant à l’ensemble des chocs. Cette notion vitale a résonné en moi », partage Vanessa Clemendot.
Nourrir sa curiosité
Un changement radical pour cette professionnelle de la supply chain, riche d’une carrière de 25 ans au sein du groupe français L’Oréal. Entrée chez le géant de la beauté en 2000 dans le cadre de son master en alternance, Vanessa découvre « un terrain de jeu incroyable » où elle apprend puis occupe près d’une dizaine de postes : « L’Oréal a été une école de formation extraordinaire ; j’y ai acquis de la technique mais y ai aussi développé ma curiosité, ma capacité à créer du lien, des alliances, des accords… Cette intelligence de situation m’a fait grandir. Nous étions nourris par le besoin de se réinventer, d’être agile et de voir plus loin que l’immédiat », confie-t-elle.
Visionnaire, rapide et efficace ; après 18 ans de carrière et une exploration des quatre divisions de la société en France, Vanessa Clemendot s’envole en 2018, avec ses quatre enfants et son mari, pour superviser les opérations supply chain du groupe en Amérique du Nord. Elle quitte tout, repart de zéro, portée par une quête de mouvement et son incessante curiosité. La famille s’installe au Québec, y reste quatre ans et entreprend ensuite un nouveau départ à New York jusqu’en 2025 : « J’ai arrêté de compter le nombre de fois où mon tout petit a changé d’école. Toute la famille m’a suivie, ils ont été extraordinaires et se sont dotés d’un sens de la sociabilisation que je ne pouvais pas imaginer. Mes enfants ont appris l’anglais, l’un de mes fils a même passé son bac dans un nouveau pays. Maintenant, tous se demandent un peu “what’s next” ? Je dois avouer que j’ai des élans, il est assez difficile de m’arrêter. C’est viscéral ! », reconnaît avec amusement Vanessa Clemendot.
« Si j’ai un regret, c’est de ne pas l’avoir fait plus tôt, cela ne transforme pas qu’une carrière mais une vie », poursuit-elle. Un avis que partage l’un de ses fils, Maeh, actuellement en deuxième année à L’Edhec Business School, à Los Angeles, et prêt à s’envoler pour une troisième à Singapour. « J’avais 11 ans lorsque nous sommes partis. Honnêtement, au tout début, cela m’a fait bizarre de sortir de ma zone de confort… Mais je le referais sans hésitation. Cela m’a donné le goût de découvrir de nouveaux pays, de m’ouvrir à de nouvelles cultures et de comprendre les différences au lieu de juger. Avant de repartir, elle m’a dit : “Le pire qu’il puisse t’arriver, c’est d’apprendre quelque chose sur toi-même.” Elle avait raison », témoigne-t-il.
Un rôle modèle authentique
C’est sans doute cette conscience et cette estime de soi qui ont également permis à Vanessa Clemendot de trouver son propre équilibre, entre carrière professionnelle riche et vie de famille épanouie. Considérant qu’il faut savoir suivre son instinct et se faire confiance, la directrice supply chain a construit sa propre voie, sans écouter ceux qui lui ont dit non : « Un non, c’est juste un oui avec des conditions. Il faut repousser les murs et les limites, surtout en tant que femme ». Cette condition de femme est une fierté pour Vanessa Clemendot. Nommée parmi les Top 100 Women in Supply Chain en 2024 et 2025, elle considère la diversité en entreprise « comme un impératif business et non pas un “just nice to have” ».
En parallèle de ses activités, elle valorise, lors de conférences, de podcasts et au travers de multiples prises de parole, l’importance du role modeling : « Il n’y a pas un mais des modèles de réussite. Je joue un role model auprès de mes enfants, mais c’est imparfait, je ne suis pas là à toutes les réunions parents/profs. Le role modeling est hyper important, nous avons besoin de nous comparer à des personnes que l’on voit. Nous les femmes, passons notre temps à perfectionner notre expertise, mais sommes plus timides lorsqu’il s’agit de développer notre réseau d’influence. Et pourtant, des espaces existent pour mettre en lumière des exemples de réussite absolument remarquables. Ce rôle dans nos activités est primordial », soutient-elle avec conviction.
Ce positionnement a notamment marqué les esprits à Montréal, d’où l’un de ses anciens collaborateurs a tenu à témoigner de l’empreinte qu’a laissée Vanessa Clemendot après huit années sur le continent américain : « Les femmes ont eu une place très forte dans la société québécoise, et Vanessa s’y est tout de suite sentie bien. Elle a une énergie incroyable. Elle est très authentique, déteste jouer faux et ceux qui jouent faux autour d’elle. Où qu’elle soit, elle sait où elle va », soutient son ancien collègue. Et malgré son départ du groupe, « elle est toujours là, reste disponible. Vanessa est une personne qui a le coeur à la bonne place », conclut-il.