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Entrepôts

Quelles perspectives pour les AMR dans un marché de la supply chain toujours plus exigeant

Une tribune signée par Ottavio Rivelli, SVP sales & operations software South Europe chez Körber business area supply chain.

Publié le 6 novembre 2023 - 15h00
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 Körber

Passée la curiosité et le fantasme d’entrepôts peuplés d’AMR (autonomous mobile robots ou robots mobiles autonomes), la supply chain est confrontée à la réalité de la difficulté d’intégration de ces technologies. Dans le même temps, la croissance du commerce en ligne, les délais de livraison toujours plus courts, la course à l’innovation, le manque de personnel dans les entrepôts, conduisent tôt ou tard le directeur d’entrepôt à considérer le déploiement d’une stratégie AMR. Réflexion sur les défis que représentent les AMR pour la supply chain.

 

AMR, plus qu'une tendance ?

Les deux années de pandémie mondiale ou encore le blocage du Canal de Suez par l’Ever Given, ont rappelé l’importance de la logistique dans l’économie mondiale. Ces catastrophes ont aussi montré que les systèmes d’information existants ne parvenaient pas toujours à répondre à l’urgence. Les AMR ont alors été perçus, par beaucoup, comme la réponse à certains des nouveaux défis de la logistique. Depuis, le marché de la robotique a connu une accélération qui se poursuit aujourd’hui encore : pour preuve, selon le rapport World Robotics 2022 de l’International Federation of Robotics (IFR), les installations de robots industriels ont atteint dans le monde un niveau record de 517 385 unités en 2021, contre 166 000 dix ans auparavant. Depuis 2016, le stock mondial de robots industriels a progressé en moyenne chaque année de 16 % !

 

Mais, il convient de nuancer : si les chiffres traduisent une croissance ou une forte demande, ils ne disent rien de la complexité du déploiement des AMR. C'est surtout le cas lorsque nous sommes confrontés à des entrepôts équipés de solutions logicielles et d'automatisation non « APIsables ». Une architecture de système hétérogène exige beaucoup d'efforts et de connaissances spécialisées lors de l'exploitation... Or, aujourd’hui, les organisations ne souhaitent plus de technologies isolées, mais capables de s’interfacer à d’autres systèmes. À défaut de disposer d’AMR interopérables, il ne s’agirait pas de renoncer à son projet de transformation pour autant, mais d’opter pour une plateforme permettant de centraliser différents systèmes. Cette fonctionnalité indépendante du fabricant d’AMR pourra permettre d’orchestrer différentes technologies de stockage : AMR, systèmes vocaux, transport de matériels, pilotage des ressources, etc. Une seule application qui permettrait d'attribuer automatiquement les tâches en fonction de l'adéquation, de la destination et de la charge de travail actuelle.

 

Devant ces difficultés, comment choisir son fournisseur ou l’éditeur qui vous accompagnera dans ce déploiement ? Au moment d’opter pour une solution AMR, le premier piège réside dans une focalisation excessive sur le matériel. En fin de compte, le robot doit seulement fonctionner, l'intelligence se trouve dans le logiciel. Ensuite, la prudence est de mise dans le choix de la technologie. Elle doit une fois de plus être interopérable et évolutive.

 

Les AMR à l'épreuve des ressources humaines 

Seule une entreprise sur trois dispose d’un personnel suffisamment formé à l’utilisation des AMR, d’après les chiffres d’une étude Körber, Benchmarking supply chain 2022*, parue en 2022. Toujours d’après cette source, un professionnel de la supply chain sur trois déclare perdre au moins 50 % de son personnel d’entrepôt chaque année. Nous mesurons ici toute la difficulté du déploiement d’un projet AMR. Le coût ? L’investissement de départ pour une automatisation fixe est bien plus important. Soulignons aussi que les AMR sont généralement intégrés à l’entrepôt en mode RaaS (robot-as-a-service).

 

Il y a une autre inquiétude. Quand nous parlons d’AMR, nous sommes presque toujours confrontés au débat d’un remplacement de l’homme par les machines. Quoi que l’on dise, il existe des opérations où la dextérité, l’appréciation ou l’œil humain sont irremplaçables. Il y a donc des tâches que les robots ne feront jamais aussi bien que l’homme.


Technologie ou non, il y a une réalité que nous ne pouvons ignorer : les entrepôts restent des univers marqués par la pénibilité et le port ponctuel de charges très lourdes. Et pour preuve, l’Assurance maladie annonce le chiffre d’une augmentation de 60 % des troubles musculo-squelettiques entre 2003 et 2022. D’après le sociologue David Gaborieau repris dans le numéro de juin-juillet 2023 du magazine Socialter, « [l’arrivée des machines transforme des postes de travail en travail posté. Si les machines peuvent se déplacer, les ouvriers, eux, restent statiques et sont affectés à des tâches répétitives...] » Nous trouverons toujours des arguments pour limiter l’utilisation des robots. Nous pourrions, par exemple, reprendre celui visant à soutenir que l’accélération des processus, loin de soulager les opérateurs, entraîne une intensification des opérations demandées aux manutentionnaires...

 

Il existe plusieurs types d’AMR qui pourront, selon les usages, aider l’employé : les robots de picking (goods-to-man) qui permettent de mouvoir les produits de l’espace de stockage vers l’opérateur ; les cobots ou robots collaborateurs, qui se déplacent de façon autonome pour se placer à l’emplacement prévu, jusqu’à ce qu’un opérateur prenne le relais ; quant au convoyage, il pourra donner l’impression d’effacer l’humain : le robot conduit les charges d’un point A vers un point B en toute autonomie.

 

Selon nous, dans le débat de l’AMR, ce qui importe, c’est d’impliquer les employés le plus tôt possible au processus. En général, sauf cas exceptionnel, l'accueil réservé aux assistants robotiques est très positif. Beaucoup d’organisations recourent aux AMR avec le projet d’optimiser non seulement les processus opérationnels, mais aussi le bien-être général des collaborateurs. C'est surtout le cas dans les domaines où des tâches exigeantes sont effectuées manuellement. Les bénéfices ? Gain de productivité, réduction des risques de blessures, limitation des trajets au sein des entrepôts, etc.

 

En somme, si le marché peut bénéficier des AMR, ils suscitent encore beaucoup d’interrogations.
Il s’agirait aussi, pour tout projet d’intégration, de s’interroger sur la perception que pourront en avoir les employés et d’en évaluer la faisabilité technologique.

 

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* Benchmarking supply chain 2022 – Perspectives mondiales sur la complexité et la performance de la supply chain. Dans cette étude, Körber a mandaté Roland Berger, consultant en management pour réaliser un sondage en ligne de 244 professionnels de la supply chain en Europe et en Amérique du Nord. Les répondants ont déclaré avoir un rôle de management au sein de la supply chain dans une entreprise d’au moins 500 collaborateurs.

 

À propos de l'auteur

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© Körber

Ottavio Rivelli est SVP sales & operations software South Europe chez Körber business area supply chain et a été à l’origine de la création de la filiale française en 2010. Riche de 30 années d’expérience dans l’édition de solutions logicielles pour la supply chain, ses points forts incluent la gestion des sociétés d’intégration et éditeurs, la vente des solutions pour la supply chain ainsi que le pilotage de grands projets.

 

Avant de rejoindre l’équipe Körber supply chain à Lyon, Ottavio Rivelli a obtenu un B.A. en management et en informatique à la Webster university Genève. Il a ensuite travaillé pour plusieurs éditeurs supply chain en France et au Brésil. Il a occupé plusieurs postes tout au long de sa carrière, en commençant comme chef de projet, puis responsable R&D, responsable commercial et enfin directeur général.

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