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et logistique

Interview

Chez Société des Carrières de Vignats, 35 % du transport passe par le rail

En Normandie, Société des Carrières de Vignats propose de nombreux matériaux à ses clients, principalement dans les domaines des BTP. Une activité dont un tiers des volumes passe désormais par le rail, grâce à une organisation en plateformes embranchées fer. Une réussite multimodale que raconte Geoffroy Colin, président de Société des Carrières de Vignats, en amont de sa participation à la journée « Multimodalité Axe Seine : Accélérons la décarbonation », organisée par Logistique Seine-Normandie, le 16 mars 2022.

Publié le 14 mars 2022 - 18h39
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Société des Carrières de Vignats

Pouvez-vous présenter votre activité et ses volumes ?

Nous appartenons au groupe Basaltes, qui extrait 12 millions de tonnes de matériaux par an depuis 80 sites répartis au niveau national. Le groupe se compose de cinq filiales, parmi lesquelles la Société des Carrières de Vignats et de Normandie, qui regroupe l’ensemble des sites implantés sur les départements de la région normande et qui se divise elle-même en quatre entreprises. Parmi celles-ci, on trouve la Société des Carrières de Vignats (SCV), à la tête de trois carrières, dont la plus grande de la région, qui produit 1,8 million de tonnes par an, tous matériaux confondus. La carrière de Vignats est une carrière historique, dont le lancement remonte à 1865 durant la construction de la voie SNCF qui relie Caen au Mans. Sa phase industrielle se situe durant les années 1970, avec une montée en puissance, pour devenir une des plus importantes carrières de roches massives en France.

 

À quels types d’acteurs vous adressez vous ?

L’ensemble de nos produits est lié au domaine du BTP. Ils sont en majorité dédiés aux travaux publics, aux infrastructures routières, aux aménagements divers des territoires et des villes, aux assainissements... Le bâtiment est également un segment important, et nous livrons de nombreuses centrales à béton pour des chantiers publics ou privés. Enfin, nous sommes un fournisseur historique de ballast pour la SNCF et ses infrastructures ferroviaires, ce qui représente 15 % de nos matériaux fournis. Nous avons ainsi participé à la construction de la voie TGV entre Le Mans et Rennes, de 2013 à 2016, pour laquelle nous avons fourni 50 % du ballast utilisé, soit 850 000 tonnes. Enfin, nous adressons aussi le secteur équin, pour les pistes d’hippodromes et les centres d’entraînement, que nous fournissons en sables spécifiques.

 

Comment s’organisent votre logistique et votre transport et comment y avez-vous introduit le ferroviaire ?
Nous produisons des matériaux pondéreux et leur transport a un impact important sur nos tarifs. Pour la plupart des carrières, le seul mode d’expédition possible est le camion, car nos matériaux voyagent mal et répondent à une consommation de proximité. Les carrières fournissent souvent un rayon de 30 à 50 km autour de leurs centres de production. Le granulat se vend à des tarifs bas et le prix de transport sur des distances plus longues peut faire doubler les coûts, ce qui explique le maillage important de carrières en France. Cependant, toutes ne peuvent pas répondre à tous les usages, et le ballast pour les lignes TGV, par exemple n’est extrait que dans 20 carrières en France. Il nous faut donc penser le transport pour ces matériaux plus rares, qui doivent aller plus loin. Dans ce sens, le ferroviaire peut être un choix intéressant. Depuis l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire en 2006, nous avons fait le choix de travailler avec Euro Cargo Rail (devenu DB Cargo), qui met à notre disposition deux rames complètes pour livrer l’ensemble de nos clients. Chez SCV, 35 % de nos flux passent par le rail, soit plus de 600 000 tonnes. Une partie concerne le ballast pour la SNCF, où le ferroviaire est tout indiqué, mais le reste concerne d’autres clients du BTP, principalement des postes fixes comme les centrales fabriquant des enrobés [mélange de graviers, sables et liant utilisé pour la chaussée des routes par exemple], qui ont des besoins importants et vont pouvoir être approvisionnées de manière régulière. En 2015, nous avons mis en service un nouveau terminal embranché fer, et nous avons investi plus de cinq millions d’euros pour pouvoir disposer ainsi d'une organisation optimisée.

 

Quelles sont les problématiques du ferroviaire ?

La difficulté, c’est que notre activité est activité saisonnière avec des pics de mai à octobre, là où le ferroviaire, avec ses moyens importants et son organisation complexe, a besoin de flux réguliers. De plus, l’absence de souplesse de ce mode ne permet pas de répondre aux chantiers du BTP en général, car nous devons réserver des droits de circulation sur les voies SNCF (appelés des sillons) quasiment un an à l’avance. Une telle régularité et visibilité ne peuvent être possibles qu’avec des points fixes de livraison (centrales d’enrobés ou très grands projets d’aménagements). C’est dans ce cadre que nous avons donc imaginé le concept de plateformes, c’est-à-dire des surfaces de stockage embranchées fer et positionnées près de nos marchés. L’idée est d’approvisionner ces plateformes depuis notre carrière au fil de l’année : cela nous permet de répondre rapidement à des besoins importants lors de la pleine saison, mais aussi d’occuper nos moyens ferroviaires en basse saison pour réalimenter ces plateformes. De cette manière, nous arrivons à garder un taux régulier d’utilisation de nos moyens ferroviaires tout en maîtrisant nos stocks internes. Nous en avons une première à Honfleur, au pied du pont de Normandie, et une seconde dans l’agglomération de Rouen. Elles nous apportent de la régularité et de la souplesse, avec des réserves de quatre ou cinq hectares. Nos clients peuvent s’y approvisionner par camion ensuite jusqu’à leur chantier. La plateforme de Rouen, lancée en 2018, reçoit 250 000 tonnes par an, dont 200 000 arrivent en train.

 

Quels sont vos prochains projets autour de la multimodalité ?

Nous souhaitons lancer une nouvelle plateforme entre Rouen (76) et Mantes-la-Jolie (78). Elle se situera sur une ancienne friche industrielle de 13 hectares, à la fois en bordure de la voie ferroviaire et de la Seine. Nous allons ainsi connecter ce futur site au fluvial avec un appontement pour permettre l’accostage de barges, afin de livrer ensuite des chantiers jusqu’au cœur de la métropole d’Île-de-France. Car l’autre limite du ferroviaire, c’est qu’il doit cohabiter avec des flux voyageurs prioritaires. Si l’axe de Caen à Mantes permet de trouver facilement des sillons, cela devient quasiment impossible en s'approchant de l’Île-de-France. Le fluvial, moins contraignant, nous apparaît donc comme une bonne solution. Cette future plateforme pourra également être ouverte aux autres industriels. En effet, sur nos 13 hectares, seuls 7 ou 8 seront utilisés par notre stockage. Notre idée est de proposer à d’autres acteurs industriels de venir développer une partie de leur activité sur notre plateforme afin de profiter de ses infrastructures ferroviaires et fluviales. Pour nous, c’est une manière d’ouvrir le transport multimodal à des entreprises qui n’ont pas forcément les volumes nécessaires pour amortir ce type d’infrastructure, et qui ne pourraient pas forcément investir seules.

 

> Retrouvez le témoignage de Geoffroy Colin et d'autres professionnels lors de la journée journée d'échanges « Multimodalité Axe Seine : Accélérons la décarbonation », organisée par Logistique Seine-Normandie le 16 mars 2022 à Rouen, en partenariat avec Voxlog. Plus d'informations ici.

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