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et logistique

Interview

Arrêté entrepôts : « Il a fallu mettre d’accord des sensibilités et des gens très différents. »

Neuf mois après l’arrêté du 17 août 2016, le 16 avril dernier était publié au Journal Officiel l’arrêté 91 du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510. Une évolution qui s’inscrit dans une volonté de simplifier la réglementation relative aux entrepôts logistiques. Explications avec Diana Diziain, directrice déléguée d’Afilog.

Publié le 28 avril 2017 - 09h40
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De quelle façon avez-vous travaillé à la rédaction de ce nouvel arrêté ?

Si l’on regarde un peu dans le rétroviseur, on réalise que la naissance d’Afilog est assez consubstantielle à l’arrêté du 5 août 2002*. A l’époque, quelques promoteurs et investisseurs se sont réunis et ont créé Afilog justement pour pouvoir contribuer et réagir aux propositions de rédaction de l’arrêté sur la rubrique 1 510, un document fondateur de toute la réglementation ICPE moderne. Mais évidemment, les besoins des logisticiens changeant avec les modes de consommation des citoyens et les nouveaux schémas logistiques des chargeurs, le législateur a dû faire évoluer à la fois le contenu des rubriques mais aussi les contraintes et règles constructives. Parallèlement, dans le cadre du choc de simplification, le gouvernement a souhaité réduire et compacter le volume de textes. En 2014, Afilog a donc fait de nombreuses propositions dans le cadre du chantier Choc de simplification initié par le gouvernement : augmentation de la taille des cellules, encadrement du délai d’instruction des demandes ICPE, alignement du degré coupe-feu des murs séparatifs, non rétroactivité des modifications réglementaires aux entrepôts existants… En parallèle, deux autres démarches ont été engagées par le gouvernement. D’une part, l’élaboration de la stratégie « France Logistique 2025 » et la préfiguration du comité de filière ont reconnu la logistique comme une filière à part entière et et objet de politique publique. D’autre part, le groupe de travail « entrepôts » de la direction générale de la prévention des risques a travaillé à l’élaboration d’un nouveau texte sur la refonte de cet arrêté entrepôts. Il a fallu mettre d’accord des sensibilités et des gens très différents : représentant des professionnels de la logistique, mais aussi assureurs, services en charge de l’instruction et du contrôle des installations dans les DREAL, sans oublier les services en charge de la Sécurité civile, notamment les SDIS. 

 

Quels ont été les points forts de discussion ?

Nous avons en France une vision très contraignante de la gestion du risque d’incendie. Il existe une base de données qui trace l’ensemble des sinistres… Cette dernière montre une sinistralité extrêmement faible sur les entrepôts conçus depuis 2002. Cela est lié aux contraintes constructives mais aussi à l’obligation d’installer un système de sprinklage sur les entrepôts de moyenne et grande taille. Les débats en groupe de travail « entrepôts » ont notamment porté sur les dispositions de prévention des incendies et les pilotes ont réussi à trouver un point d’équilibre entre le maintien de la sécurité et l’adaptation des dispositions constructives aux nouveaux process logistiques. Nous avons donc pu obtenir de construire plus haut, plus grand et surtout, c’est là tout le génie du texte, de pouvoir déroger à quasiment tous les articles moyennant une étude d’ingénierie. Aujourd’hui, il est possible de demander des dérogations mais la procédure est plus lourde ; elle sera allégée. Nous allons donc dans le sens d’un assouplissement qui nous permet de rester compétitifs vis-à-vis de ce qu’il se passe dans d’autres pays. A ce propos, les services du Ministère ont eu une démarche très moderne. Ils ont réalisé une étude sectorielle comparant les différentes réglementations et les délais d’instruction des dossiers d’autorisation de construire et d’exploiter un entrepôt dans plusieurs pays européens. Cette étude a permis de démontrer que le déverrouillage des règles constructives était essentiel pour rester compétitifs. Quand un acteur majeur européen réorganise sa supply chain, il peut avoir plusieurs choix de pays d’implantation avec pour corrolaireun risque avéré de perte de compétitivité des implantations françaises. Fort de ce constat, le travail de rédaction sur l’arrêté a été suffisamment fin pour donner un peu d’air et permettre une reprise de la dynamique constructive bloquée depuis l’arrêté du 17 aout 2016 pris dans un calendrier très contraint. Nous sortons avec ce texte d’un blocage des développements logistiques en France.

 

Le texte connait-il néanmoins quelques limites ?

Oui, les entrepôts soumis à déclarations ainsi que les bâtiments, tous régimes confondus, construits entre 2002 et aujourd’hui ont vu leur niveau de contrainte augmenter. Pour une PME, réaliser une extension de son bâtiment pour répondre à sa croissance ou rajouter une rubrique peut s’avérer difficile ou coûteux, voire amener à un report du projet ou à une délocalisation. Par ailleurs, les trois régimes ICPE (déclaration, enregistrement et autorisation) ont été fusionnés dans un même texte, avec un système de renvois aux six annexes et aux différents tableaux, ce qui sur la forme est une difficulté pour les exploitants les moins experts, à savoir ceux qui occupent des installations à déclaration. La grande avancée que représente la possibilité de déroger devra faire ses preuves sur le terrain, au moment de l’instruction des dossiers. Nous pourrons mieux évaluer dans quelques mois si le dispositif fonctionne. Enfin, si ce texte apporte plus de souplesse, nous avons perdu plusieurs mois de délai de procédure avec la nouvelle autorisation environnementale unique entrée en vigueur le 1er mars 2017. Auparavant, le permis de conduire était exécutoire avant l’obtention de l’autorisation d’exploiter or désormais, il faut d’abord obtenir l’autorisation environnementale. Nous cherchons donc une manière d’amener à retravailler sur ce sujet et de pouvoir revenir à la disposition antérieure, à savoir la possibilité de mener les deux démarches en parallèle.

  

Quelles sont les prochaines étapes ?

A partir du 12 mai prochain, le groupe de travail entrepôts travaillera sur la révision du guide d’application de l’arrêté. Nous souhaitons dans les mois à venir voir se rénover et se consolider le modèle Flumilog, utilisé lors de tout projet d’entrepôt pour identifier les flux thermiques maximaux et donc les distances aux limites de propriété à respecter. D’une manière générale, le Choc de simplification devra être continué et complété par un effort d’allègement réglementaire. Car si les textes diminuent en nombre, ils augmentent en volume. Plus généralement, le paysage évolue à toute vitesse en termes de politiques publiques, depuis la stratégie « France Logistique 2025 » dont nous souhaitons un atterrissage opérationnel. Plusieurs démarches commencent à prendre forme : un observatoire de la logistique et un comité de filière, les deux en préfiguration, un comité national sectoriel sur la formation transport et logistique, la reprise du programme national transport de marchandises en ville... La prise de conscience politique se traduit en démarches concrètes ; il est temps d’en accélérer le rythme et d’en clarifier l’articulation, les moyens alloués et les résultats attendus. Le futur gouvernement trouvera prêtes les briques élémentaires d’une action publique complète sur la logistique. Avec un zest supplémentaire de pragmatisme, la France pourrait retrouver des couleurs dans le classement de la Banque mondiale sur l’indicateur de performance logistique.

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