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La faveur au report modal ?

Publié le 12 mai 2021
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Face à un transport routier qui reste majoritaire, le ferroviaire et le fluvial ont aussi leur carte à jouer dans la construction du transport du futur. Également intégrés aux aides annoncées par l’État dernièrement et pris en compte dans ses mesures phares en faveur de la transition écologique, les acteurs du report modal attendent beaucoup des déclarations institutionnelles.

Création de France Logistique, tenue du premier Cilog, plan pour le fret ferroviaire, Charte d’engagement pour les ports français… L’année 2020 aura vu la mise en place de nombreuses initiatives et mesures en faveur de la filière. Pour Jérôme Leborgne, directeur général de Fret SNCF, cela relève d’un « alignement des planètes concernant le transport ferroviaire de marchandises » de l’ordre de l’« inédit, aussi bien au niveau français (Plan de relance, Convention citoyenne pour le climat) qu’au niveau européen (Green Deal) ».

 

Un enjeu écologique fort

Durant la crise sanitaire, le rail aura bien su « jouer sa carte », admet Denis Choumert, président de l’AUTF (association des utilisateurs de transport de fret), celui-ci ayant permis « d’assurer des niveaux de performance très élevés puisqu’il n’y avait pas la concurrence des passagers ». Selon Jérôme Leborgne, Fret SNCF a ainsi été en mesure, durant le premier confinement, de montrer toute son utilité et son efficacité opérationnelle « ce qui a généré une prise de conscience des enjeux du fret ferroviaire ». Plus largement, Fret SNCF a également pu réaliser un train entre la Chine et la France afin d’acheminer du matériel sanitaire : « Cette opération a montré les capacités de transport ferroviaire de marchandises à pouvoir opérer à dimension internationale, et de façon fiable et durable », poursuit-il. En tant que premier acteur de transport de marchandises dans l’Hexagone et deuxième en Europe, l’entreprise va ainsi bénéficier en partie, à l’instar de ses concurrents, des aides annoncées par l’État dans le cadre du soutien au secteur. « Ces aides, qui tombent certes dans une période de crise où notre activité a baissé, vont notamment permettre à Fret SNCF, en complément de ses transformations internes, de passer le cap d’ici à 2023, et de poursuivre son développement », explique Jérôme Leborgne. Un soutien étatique traduisant un enjeu écologique qui « n’a jamais été aussi fort », selon le directeur général de Fret SNCF : « Le combat contre le réchauffement climatique et pour la décarbonation n’a jamais suscité d’aussi fortes attentes, aussi bien de la part des pouvoirs publics que des clients du transport de marchandises ».

 

Éric Hémar, président de l’Union TLF (Union des entreprises transport et logistique de France) et d’ID Logistics, se montre plus sceptique face à ces annonces. Une enveloppe bien vide selon lui si elle ne s’accompagne pas d’une réflexion générale sur le sujet : « On ne fera pas de bascule si on ne s’interroge pas : où va-t-on implanter de nouvelles zones logistiques ? Comment va-t-on les organiser et les alimenter ? Et comme ce sujet-là n’est pas porteur, on préfère annoncer des mesures complétement inapplicables sur le transport ferroviaire. Il faut bien comprendre que le ferroviaire a une vraie pertinence dans un transport massifié qui implique une logique d’organisation du territoire ». Un sentiment partagé par Cécile Michaux, déléguée générale du Pôle d’intelligence logistique en Rhône-Alpes qui n’hésite pas à évoquer « des déclarations d’intentions » : « On ne se pose pas la question des usages, de l’infrastructure, des marchandises pertinentes à transporter par le fer comparé à la route. Il faut connaître finement chaque secteur d’activité pour le savoir : fret conventionnel, transport combiné, autoroutes ferroviaires, ce ne sont pas les mêmes wagons… ». Face à des mesures qu’elle juge « trop cloisonnées », elle déplore « un manque de vision de la part des pouvoirs publics » lié non pas au gouvernement actuel mais à la difficulté globale de « penser la logistique et l’aménagement du territoire ».

 

Le transport combiné qualifié d’« avenir »

Dans ce contexte, le transport combiné rail-route aura su démontrer ses avantages au quotidien, estime Ivan Stempezynski, président du GNTC (Groupement national des transports combinés). Celui-ci observe « une vraie reconnaissance de la filière » s’appuyant sur les travaux menés durant le premier semestre 2020 : « Nous avions réuni tous les acteurs du ferroviaire afin de réfléchir aux éléments nécessaires à la sauvegarde de notre activité et à la relance du fret ferroviaire en France. Ce rapport a été constitué autour d’une dizaine d’axes et remis à notre ministre de tutelle Jean-Baptiste Djebbari courant juin. Une partie des axes du plan de relance du fret ferroviaire est issue de réflexions et de préconisations de ce rapport. Donc, effectivement, il y a eu une vraie prise de conscience suivi d’annonces tout à fait intéressantes ».

 

Car la pandémie aura également contribué à souligner l’importance du transport combiné, qualifié d'« avenir » par le Premier ministre Jean Castex lors de son déplacement sur le terminal de Valenton (94) en juillet 2020. En termes d’image, la crise sanitaire lui aura été favorable : « Même si nous en avons également souffert comme la plupart des activités, ce confinement aura permis de présenter les avantages de notre technique qui étaient méconnus, ignorés, pas suffisamment considérés », détaille Ivan Stempezynski. Élu le 18 juin dernier à la tête de l’organisation professionnelle GNTC représentant l’ensemble de la filière du transport combiné de fret et de l’intermodalité en France, une des « missions prioritaires » du mandat de ce nouveau président consiste d’ailleurs à « l’institutionnalisation et à la reconnaissance de l’organisation auprès des pouvoirs publics ». Plutôt confiant dans le travail instauré en partenariat avec les institutions – « Nous trouvons audience entre autres auprès de la DGITM [Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer] avec qui nous travaillons sur certains éléments comme le maillage territorial des futurs terminaux ferroviaires que nous devons implanter pour soutenir la croissance » –, Ivan Stempezynski n’en demeure pas moins prudent : « Il y a eu d’autres plans de relance au cours des dernières décennies comprenant des annonces fort intéressantes mais nous savons que si, juste derrière, on ne prend pas acte et on ne travaille pas sur le fond avec les acteurs, cela restera lettre morte. Nous avons appris de ces expériences. Nous faisons maintenant le siège des institutions pour aller plus loin sur les sujets que nous avons déterminés comme étant prioritaires ».

 

Encourager le mode fluvial

Du côté du fluvial, chez Voies navigables de France, les dernières mesures annoncées vont « dans le bon sens », estime Dominique Ritz, directeur territorial de VNF Bassin de la Seine. « 175 millions [dotation attribuée en faveur du fluvial par le Plan de relance] c’est déjà excellent même si je ne suis pas certain que cela couvre la totalité de nos besoins ». Ce mode d’acheminement « un peu tombé dans l’oubli depuis la fin des années 60 avec l’essor du tout camion », s’est « ressaisi », ces derniers temps, le rendant aujourd’hui « capable de répondre aux enjeux de nos sociétés modernes », notamment avec l’apparition d’une batellerie plus industrielle avec des bateaux modernes de grande capacité, doublée d’une meilleure maîtrise de l’organisation de la chaîne logistique. Si Dominique Ritz observe que les pouvoirs publics prennent de plus en plus conscience de l’intérêt du fluvial, il juge que cette perception demeure plus faible que sur le ferroviaire : « Beaucoup de gouvernants ne connaissent pas encore notre mode d’acheminement, ou considèrent qu’il est trop lent, pas assez efficace. Or, la voie d’eau est un mode extrêmement performant pour s’inscrire dans les chaînes logistiques car d’une très grande fiabilité : lorsque vous avez un rendez-vous, en utilisant la voie d’eau, vous allez pouvoir l’honorer à 99,9 % », décrit-il.

 

Bien que disposant d’un maillage moins important que le ferroviaire, le fluvial a sa carte à jouer sur les 2 500 km de voies à grand gabarit dont il dispose au niveau national, estime Dominique Ritz : « On peut faire des choses extraordinaires sur le fluvial et on aimerait bien que le politique s’en rende compte et nous accompagne à travers le message qu’il porte et en pénalisant le transport par camion dans certains secteurs, au profit de la voie d’eau ou du ferroviaire, via l’introduction de zones de protection de qualité de l’air ». Il est possible que cette pression qui commence à s’exercer conjointement de la part des clients, des actionnaires ou des pouvoirs publics, pousse un certain nombre d’acteurs privés à se réinterroger, et à faire croître l’intérêt pour les modes massifiés. Les moyens pour encourager et contribuer à leur développement, pourraient alors passer, selon Dominique Ritz, par la mise en place de « conditions » dans les marchés réalisés par les territoires pour que les entreprises se fassent livrer leurs matériels par la voie d’eau : « Lorsqu’une zone d’activité se développe, on peut imaginer des clauses pour que les redevances d’occupation soient moins élevées lorsque vous recourez à un mode de transport massifié propre. Cela peut aussi passer par des indicateurs de performance sur les produits vendus, en fonction de la manière dont ils ont été acheminés », émet-il.

 

Appel à la concertation

La prise de conscience sur le sujet reste donc encore insuffisante, et les acteurs du secteur attendent pour la plupart davantage de vigueur de la part du politique, pour aller encore « plus loin en termes de communication » : « Nous sommes en discussion avec un certain nombre de villes – Nantes, Toulouse, Lille, Strasbourg – sur le sujet de la logistique urbaine. On s’aperçoit que la décision des acteurs économiques sur leur mode de transport va également dépendre de la pression exercée sur le sujet par l’autorité politique », explique Dominique Ritz. Face à cette transition nécessaire, la dynamique des communautés s’avère inégale, d’où la nécessité d’un relai gouvernemental. Si l’ensemble des acteurs souligne que l’essentiel des préoccupations se retrouvent en grande partie dans les 16 mesures ayant découlé du Cilog en décembre dernier, un appel à la concertation reste prédominant : « Il ne faut pas penser en “silos”. Il est évoqué le développement du fret ferroviaire, la transition écologique du fluvial ou du routier mais qu’en est-il du développement de l’intermodalité ? Comment améliorons-nous notre offre “commerciale” intermodale auprès de nos clients ? Comment pouvons-nous faire évoluer la réglementation afin d’inciter à la complémentarité des modes ? interroge Sonia Dubes, présidente de Logistique Seine-Normandie, le réseau des professionnels de la supply chain dans la région. De nouvelles infrastructures et des motorisations vertes ne suffiront pas », termine-t-elle.

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