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Appels d'offres intralogistiques : l'union fait la force
La Banque de France a sélectionné pour son nouveau centre fiduciaire (NCF) automatisé de la Courneuve (93) l’offre d’Alstef et de ses deux sous-traitants désignés sur ce projet, Fives Intralogistics et BA Systèmes. Cet exemple illustre une tendance à l’union ponctuelle entre acteurs du secteur logistique qui, bien qu’elle existe depuis des années, s’observe aujourd’hui plus fréquemment de par la complexification continue des projets d’intralogistique.
1. Le centre de la Courneuve, Un chantier exigeant
Coffre-fort qui traitera, dès son ouverture prévue en 2018, plus d’un milliard de billets, le centre fiduciaire de la Courneuve fait appel à une infrastructure matérielle et technologique spécifique à un environnement ultra-sécurisé et fortement automatisé. Les acteurs retenus sur ce projet doivent travailler de concert pour répondre le plus efficacement possible à des demandes singulières.
Suite à l’émission d’un appel d’offres public européen pour la fourniture de l’équipement logistique de son centre fiduciaire Nord de France, la Banque de France a constaté une réticence, un apeurement des candidats après envoi du cahier des charges. Sur ce centre situé à Sainghin-en-Mélantois (59), elle n’a reçu que deux réponses parmi les six aspirants ayant initialement répondu à l’appel d’offres. « Cela fut pour nous une grande surprise, indique Thierry Para, directeur du projet “Nouveaux centres fiduciaires” de la Banque de France. Les candidats se sont dit que ce projet était trop complexe et ils craignaient que notre institution leur impose une organisation “bureaucratique”. Ils pensaient que nous allions leur demander des tas de réunions et de comités de pilotage, que les discussions dureraient et ralentiraient leur travail. Enfin, ils allaient devoir s’insérer dans un groupement avec des très grands groupes du bâtiment. Ils se sont dit que ça allait être le Petit Poucet contre l’ogre. » Les fournisseurs intralogistiques doivent en effet travailler sous les directives du maître d’oeuvre et du constructeur, pour ajuster leurs équipements et leurs solutions aux dimensions du bâtiment, aux spécificités de son aménagement intérieur et à ses impératifs de sécurité.
Toutes ces contraintes pouvant les faire fuir se retrouvent sur d’autres projets de cette dimension. Thierry Para mentionne l’exemple de l’Allemagne, qui a initié un projet de centre fiduciaire identique à celui de la Banque de France dans la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et qui a en premier lieu « eu un appel d’offres infructueux pour les mêmes raisons. » Pour son nouveau centre fiduciaire de la Courneuve, la “Banque des banques” françaises a tiré les leçons de ce premier revers. Elle a simplifié son cahier des charges et misé sur l’accompagnement pas à pas pour fédérer les entreprises autour de cet autre chantier d’envergure. Elle a ainsi reçu six offres pour le centre de la Courneuve, soit trois fois plus que pour celui du Nord.
Entretenir de bonnes relations
Pour répondre à l’appel d’offres de la Banque de France, le concepteur et fabricant français de systèmes automatisés de manutention et de stockage Alstef s’est accompagné de Fives Intralogistics pour la fourniture des robots polyarticulés, le convoyage des colis et la palettisation, ainsi que de BA Systèmes pour le transfert des palettes de billets via des chariots autoguidés. « Nous avons répondu au nom d’Alstef sur l’ensemble de la prestation à la Banque de France avec ces deux sous-traitants désignés, indique Pierre Marol, Pdg d’Alstef. Ils étaient clairement mentionnés dans notre appel d’offres et ont participé avec nous à la mise au point du dossier technique ainsi qu’aux réunions de clarification de l’offre avec le client. »
Alstef et BA Systèmes travaillent déjà ensemble, en partenariat avec le concepteur de systèmes intralogistiques mécanisés, informatisés et robotisés Syleps à l’élaboration d’une plateforme logistique automatisée pour la Sica, groupement de producteurs de légumes, située à Saint-Pol-de-Léon, dans le Finistère (29). « Dans le cadre du projet de la Sica, nous travaillons ensemble sur deux commandes séparées, relate Jean-Luc Thomé, président de BA Systèmes. Nous avons un certain nombre de projets comme celui-ci. Alstef fait du transtockeur, du stockage de palettes et du convoyage, et nous fournissons les chariots sans conducteurs ; nos solutions sont complémentaires. » Leur expérience commune fut un atout majeur pour rassurer la Banque de France sur leur capacité à communiquer, à avancer ensemble.
De son côté, Fives avait initialement été consulté par la Banque de France pour répondre à son appel d’offres sur le projet de la Courneuve. « Nous savions parfaitement apporter certaines composantes de la solution mais nous n’étions pas en mesure de fournir par nous-même plusieurs autres, en particulier les fonctions de stockage automatique et d’AGV, détaille Bertrand Faure, directeur commercial de Fives. Nous avons donc dans un premier temps décliné l’appel d’offres de ce client. Nous avons été contactés ensuite par Alstef qui nous a proposé de travailler avec eux pour réaliser une partie seulement de la solution, à savoir les lots transitique colis et robots poly-articulés, que nous savons bien faire. » Les dirigeants de Fives et Alstef, bien qu’ils n’aient pas collaboré jusqu’alors, ont eu l’occasion d’échanger et d’apprendre à se connaître lors de réunions et de tables rondes thématiques organisées par le Cisma (Syndicat des équipements pour la construction, les infrastructures, la sidérurgie et la manutention).
Ainsi, après avoir étudié l’appel d’offres de la Banque de France pour le centre de la Courneuve, Pierre Marol s’est mis en relation avec le directeur général de Fives pour lui proposer une association : « J’ai directement contacté Philippe Verne que je connais bien, notamment grâce aux relations que nous entretenons au Cisma, relate le Pdg d’Alstef. Il m’a tout de suite dit “oui” sur le principe et nous avons ensuite regardé techniquement les limites de fournitures des uns et des autres. Sur des projets de collaboration comme celui-ci, il est important de bien travailler ensemble et donc de bien se connaître. La relation intuitu personae au niveau du management est importante. Il faut également que les équipes de réalisation entretiennent de bons rapports. » Le groupement s’est alors naturellement constitué, de par la bonne entente des trois sociétés mais aussi grâce à la complémentarité de leurs solutions.