Transversal
La logistique doit-elle devenir un service public pour rendre les territoires plus intelligents et plus équitables ?
Une tribune rédigée par Katia Crémel, directrice Europe consignes colis automatiques chez Quadient.

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De la métropole à la commune rurale, les flux de marchandises ont désormais une place essentielle dans le quotidien des individus. Alors que certains réseaux traditionnels s’essoufflent, une nouvelle logistique de proximité pourrait jouer un rôle déterminant dans l’équité territoriale.
La logistique du quotidien : une infrastructure discrète mais vitale
Longtemps perçue comme un enjeu strictement industriel, la logistique et les flux de marchandises ont pris une place centrale dans notre quotidien, tirés par l’essor du e-commerce et l’évolution des modes de consommation. Courses alimentaires, médicaments, vêtements, matériel informatique, livres, électroménager… Aujourd’hui, tout transite à l’échelle des individus. Le colis est devenu un maillon permanent de la vie moderne.
Mais si les usages ont changé, les infrastructures n’ont pas toujours suivi – ou en tous cas pas de manière homogène. Certains territoires sont saturés ; d’autres sont délaissés. Entre congestion urbaine et désert logistique rural, la question n’est plus seulement technique. Elle est sociale, territoriale, écologique.
Une fracture logistique à bas bruit
Dans les grandes métropoles, les difficultés sont bien identifiées : engorgement des rues, pollution, sursollicitation des livreurs, mécontentement des riverains, etc. Résultat : les villes cherchent à devenir « smart », à réguler, à mutualiser les flux, à apaiser l’espace public.
Mais en dehors des grandes agglomérations, un autre phénomène se joue : la raréfaction de l’accès. Les commerces de proximité ferment. Les points relais disparaissent. Et avec eux, c’est un accès au e-commerce – donc à la consommation, à la vie économique – qui se restreint.
L’annonce récente de la fermeture de plusieurs milliers de points relais par un acteur majeur du secteur doit alerter : une logistique à deux vitesses est en train de s’installer.
Garantir l’accès aux flux : un enjeu d’équité territoriale
Livrer n’est plus un simple acte commercial. C’est une condition d’accès aux biens essentiels. C’est une question d’équité. Car un colis, aujourd’hui, c’est bien plus qu’un objet. C’est une course de dernière minute pour un parent isolé. C’est une pièce indispensable pour un artisan. C’est un manuel scolaire, un médicament, un outil de travail.
À l’échelle individuelle comme collective, la logistique est devenue un besoin de base. Dès lors, ne devrait-elle donc pas être pensée comme une infrastructure partagée, garante de la cohésion des territoires ?
Complémentarité des solutions
Les réponses ne sont ni uniques, ni uniformes. Elles doivent s’adapter à la diversité des besoins, des géographies et des densités de population. Dans certains cas, cela passera par la cyclo-logistique ou les micro-dépôts urbains. Ailleurs, ce sera le développement de consignes automatiques, installées dans les gares, les parkings de supermarchés ou les bâtiments publics, pour garantir une accessibilité simple, autonome et continue.
Ces infrastructures de livraison partagées (points de retrait autonomes, consignes connectées, hubs mutualisés) permettent de desservir efficacement des zones variées, sans dépendre d’une forte densité commerciale ou de la présence humaine continue. Elles deviennent des points d’ancrage logistique. Elles permettent de concentrer les flux, de limiter les déplacements inutiles, et d’offrir aux habitants un service fluide, sans rupture.
Certaines collectivités s’emparent d’ailleurs du sujet en installant elles-mêmes des consignes connectées. En intégrant la logistique dans leur stratégie territoriale, elles ne l’envisagent plus comme une nuisance, mais comme un levier de résilience, d’attractivité et de service.
Cette logistique – qui est surtout celle du dernier kilomètre – est devenue un maillon stratégique de l’aménagement du territoire, au même titre que les infrastructures numériques ou les réseaux de transport. Le dernier kilomètre n’est plus seulement la fin d’une chaîne logistique. C’est le début d’un projet de société qui n’est pas seulement celui des « smart cities », mais aussi celui des « smart countrysides ».
