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Un important colloque européen se tiendra à Paris pour parler de devoir de vigilance des entreprises et de supply chain

Le Comité français pour l’Union paneuropéenne (Paneurope France), avec le soutien de l’agence de normalisation spécialisée dans le devoir de vigilance ANDV, organise le 26 avril 2024 un colloque d’ampleur (dont Voxlog est partenaire média). Ministres, chercheurs, juristes, avocats et autres experts issus de tout le vieux continent viendront échanger, débattre et apprendre autour des enjeux fondamentaux liés à la CS3D, la prochaine directive européenne sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises. Ils se réuniront au Conseil économique, social et environnemental (CESE), à Paris.

Publié le 21 février 2024 - 08h50
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Fred Romero via Flickr, CC BY 2.0 DEED | Le palais d'Iéna, à Paris, abrite le Conseil économique, social et environnemental (CESE), troisième assemblée de la République française au sein de laquelle siège la société civile organisée.

Un rebattage de cartes complet pour les multiples acteurs des supply chains. Un changement de paradigme pour les grandes entreprises françaises, européennes mais aussi mondiales, ainsi que pour leurs fournisseurs de toutes tailles et de tous rangs. Des sanctions conséquentes en cas de violations des droits humains, et/ou d’atteintes avérées à l’environnement. C’est ce qu’annonce, en substance, la prochaine CS3D (pour Corporate sustainability due diligence directive), aussi appelée directive CSDD, relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. « La CSDD marque une avancée cruciale dans l’intégration des enjeux durables et éthiques au cœur des enjeux des entreprises », expliquait ce début d’année dans une tribune Vincent Tribondeau, directeur commercial France de Prewave, plateforme globale de gestion des risques supply chain. Cette directive oblige les entreprises à réfléchir sérieusement à leurs impacts sur les droits de l'homme et l'environnement. » Bien qu’elle soit encore sujette à de nombreuses pressions et à des revirements imprévus (cf. notre encadré ci-dessous), cette directive, qui sera sûrement assouplie sous certains angles par rapport à son périmètre d’application initial, devrait sauf autres revers majeurs être adoptée prochainement par le Conseil de l'Union européenne.

 

Un colloque paneuropéen et pluridisciplinaire sur le sujet

« Des contraintes supplémentaires pour les entreprises françaises et européennes ou des opportunités différenciantes ? », expose le Comité français pour l’Union paneuropéenne (aussi connu sous le nom Paneurope France), qui se concentrera surtout sur la fin de sa question rhétorique. Créé en 1960 par Georges Pompidou et Alain Peyrefitte – ce groupe de réflexion émane de l'Union paneuropéenne internationale, fondée en 1926 à Vienne* – et toujours bien actif aujourd’hui, il s’appuie sur l’ANDV, agence œuvrant pour la simplification des normes sur le devoir de vigilance, afin d'organiser un colloque le 26 avril 2024 au Conseil économique, social et environnemental (CESE), siégeant au palais d’Iéna à Paris. « Nous allons inviter 300 complience officers (responsables de la conformité) d’entreprises, qui sont notre cible principale, indique Jérôme Ripoll, complience officer – vigilance pour l’ANDV et modérateur de l’événement. De nombreuses personnalités politiques européennes prendront la parole, comme Dubravka Šuica, vice-présidente de la Commission européenne et femme politique croate, la sénatrice française Martine Berthet, le député européen et homme politique roumain Cristian-Silviu Buşoi… « Trois interprètes seront présents pour assurer une traduction en simultanée via des casques audio, explique Jérôme Ripoll. Car lorsque Dubravka Šuica ne parlera qu’en anglais par exemple, Sandrine Gaudin, vice-gouverneure de la Banque de développement du Conseil de l'Europe, s’exprimera en français. » Seront également conviés des chercheurs, des responsables de cabinets de conseil, des avocats ou encore des économistes, ayant chacun une expertise dans le droit, la durabilité et/ou les questions de protection sociale notamment.


Des opportunités différenciantes

L’ensemble des parties prenantes de ce colloque se concentrera donc à étudier les « opportunités différenciantes », comme indiqué en préambule du programme de l’événement, plutôt que les « contraintes supplémentaires » que pourraient, selon leurs détracteurs, impliquer la CSRD** et surtout la CS3D. « Nous voulons absolument démystifier ces deux directives, présentées par certains cassandres comme une grande problématique, alors que c’est vraiment ce qui va changer le monde, l’économie sociale, solidaire et responsable. C’est la première fois que l’Europe met en place – outre la CSRD à son échelle, avec une harmonisation de la déclaration extra-financière –, une mesure d’impact aussi importante sur le droit humain et l’environnement », rappelle Jérôme Ripoll. « En établissant des normes communes, le texte vise à uniformiser les règles du jeu économique au sein de l’Union européenne et au-delà : un enjeu crucial pour que les entreprises qui négligent le développement durable n’obtiennent pas un avantage injuste par rapport à celles qui investissent dans des pratiques responsables », expliquait également dans son avis d’expert Vincent Tribondeau de Prewave, qui prône l’anticipation pour l’ensemble des acteurs de la supply chain : « Assurer la conformité à la CSDD sera un processus long et complexe et représente un défi de taille pour les entreprises, auquel il vaut mieux qu’elles se préparent dès maintenant ».


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* Formée avant le Conseil de l’Europe (1949), cette association née après la Première guerre mondiale faisait aussi écho, sans pouvoir deviner la suite de l’Histoire, à un besoin de coopération supranationale sur le continent européen afin de tenter d'assurer la paix.


** La directive européenne CSRD, pour Corporate sustainability reporting directive, ou directive sur la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises, fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier. Ratifiée le 6 décembre 2023 par la France et applicable depuis le 1er janvier 2024, elle modifie la directive sur la publication d’informations non financières (NFRD) en concernant les grandes entreprises ainsi que les PME cotées en bourse. Dans un article de juin 2023 (mis à jour en décembre 2023), la CCI Paris Île-de-France en détaillait les tenants et les aboutissants : « L’adoption de la directive CSRD est née du besoin de disposer, sur des thématiques non purement financières, de données exploitables. Jusqu’alors les informations fournies par les entreprises en matière sociale, environnementale et de gouvernance répondaient à des normes élaborées par des acteurs privés. En pratique, elles sont trop nombreuses et diverses, ce qui les rend impropres à des comparatifs utiles et fiables. La directive traduit également la volonté de l’Union européenne d‘intégrer plus étroitement les entreprises à la réalisation de son Pacte Vert, en les incitant à être plus responsables et plus transparentes. »

 

Une directive toujours en cours de négociations entre États membres

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Le 9 février 2024, les 27 pays membres de l'Union européenne ont reporté à une date ultérieure et inconnue leur décision sur l’adoption de la CS3D. « La raison du report est l’intention de l’Allemagne de s’abstenir en raison des positions prises par les ministres allemands de la coalition appartenant au parti libéral-démocrate, Freie Demokratische Partei, 3e parti de la coalition gouvernementale allemande, et dont le chef, Christian Lindner, est le ministre des Finances du gouvernent allemand actuel, expliquaient Muriel Féraud-Courtin et Gisèle-Aimée Milandou, avocates spécialisées dans le droit des affaires et exerçant pour le cabinet Deloitte, dans un article publié le 14 février 2024. Ce dernier, aux côtés du ministre de la justice, a exprimé son opposition au texte européen, répondant positivement aux principales associations d’entreprises allemandes invitant le gouvernement allemand à s’opposer à l’adoption de la CS3D. […] Le nœud (gordien de toute évidence !) du problème tient, non pas au principe du devoir de vigilance, mais à son champ d’application. » Toujours en cours de négociations, la directive devrait sauf nouveau coup de théâtre être adoptée dans le courant de l’année, pour une application effective potentiellement à partir de 2026. Elle devra avant tout obtenir le vote final avec « la majorité qualifiée » du Conseil de l'Union européenne (aussi appelée « double majorité »), requérant simultanément un vote favorable de 55 % des États membres, soit 15 pays sur 27, qui représentent au moins 65 % de la population totale de l'Union européenne.

De lourdes sanctions possibles pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations

Si la CS3D est mise en application dans son périmètre actuel, une entreprise qui ne respecterait pas ses obligations pourrait être sanctionnée d’une amende allant jusqu’à 5 % de son chiffre d’affaires mondial. « La législation s’appliquera aux entreprises de l’UE et aux sociétés mères de plus de 500 salariés et ayant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 150 millions d’euros, expose le Parlement européen dans un communiqué de presse. Les obligations s’appliqueront également aux entreprises de plus de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 40 millions d’euros si au moins 20 millions sont générés dans l’un des secteurs suivants : la fabrication et le commerce de gros de textiles, d’habillement et de chaussures, l’agriculture, y compris la sylviculture et la pêche, la fabrication de denrées alimentaires et le commerce de matières premières agricoles, l’extraction et le commerce de gros de ressources minérales ou la fabrication de produits connexes et la construction. Elle s’appliquera également aux sociétés de pays tiers et aux sociétés mères ayant un chiffre d’affaires équivalent dans l’UE. »

 

 

Crédit photo : © EU2017EE Estonian Presidency via Flickr, CC BY 2.0 DEED

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