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Done : « Notre mission consiste à faciliter le don des surstocks entre entreprises et associations »

Lancé il y a cinq ans par deux amis d'enfance, Guillaume Delory et Thomas Moreau, le projet Done permet de générer de l'impact sociétal, économique et environnemental à travers le don. La startup y voit aussi un marché très significatif : selon ses estimations, 4 milliards d'euros de produits non-alimentaires restent invendus chaque année en France après les opérations de déstockage, et 15 % d'entre eux sont détruits. Thomas Moreau nous détaille l'activité de sa société Done.

Publié le 20 février 2024 - 17h10
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 Done I Guillaume Delory (à gauche) et Thomas Moreau, co-fondateurs et dirigeants de Done.

Pour clarifier les choses dès le départ, êtes-vous une entreprise ou une association à but non lucratif ?
Nous sommes bien une entreprise. Nous nous appelions auparavant « Donnez.org ». Au fil des années, plus nous grossissions, plus nous sentions que notre image sociale et solidaire faisait effectivement penser à une association plutôt qu'à une entreprise. Notre « .org » pouvait aussi laisser croire à un côté artisanal, alors que dans les faits, nous aidions de grands groupes comme Saint-Gobain à déplacer des milliers de palettes d'entrepôts à associations. Nous avons donc décidé de changer de nom pour vraiment refléter nos ambitions. Nous voulions apparaître comme une entreprise solide et efficace, capable de solutionner la problématique du don entre entreprises et associations.

 

Comment vous est venue l'idée de créer Done ?
Avant la création de Done, je travaillais chez Decathlon et avais identifié le problème de destruction des invendus. Les retours clients en bon état que ne pouvions pas remettre en rayons, ou les produits neufs qui ne se vendaient pas même en promo... tout cela finissait à la benne. Je présidais à l'époque une association et ai tout naturellement proposé de donner ces produits à des organismes à but non lucratif, plutôt que de les détruire. Cela me paraissait tenir du bons sens ; de plus, le magasin pouvait récupérer 60 % de réduction d'impôts. Fort de ce constat, avec Guillaume Delory, mon associé et ami d'enfance, nous avons monté notre projet en 2018. Nous estimons que 4 milliards d'euros de surstocks non-alimentaires dorment dans les entrepôts, et que chaque année 15 % d'entre eux sont détruits. Ce marché est considérable. Nous nous sommes ainsi donnés pour mission de faciliter le don des surstocks entre entreprises et associations, quels que soient les types de produits et les volumes, du petit carton aux centaines de palettes.
Nous avons alors commencé en collaborant avec un premier magasin Decathlon et notre intuition s'est confirmée : il est possible de générer de l'impact sociétal, économique et environnemental à travers le don. Nous sommes ensuite passés à trois magasins, puis 30, et 50. En 2020, nous nous sommes ouverts à toutes les sociétés ayant des surstocks, et avons ainsi accompagné Boulanger, Leroy Merlin, Norauto, Saint-Gobain... Aujourd'hui nous donnons de tout : produits neufs, légèrement abîmés, d'occasion, matières premières à revaloriser (carton, plastique, ferraille...), etc.

 

Pouvez-vous résumer Done en quelques chiffres ?
Plus de 1 500 associations travaillent avec nous. En 2022, nous avons sauvé 5 millions d'euros de produits, et réalisé 480 000 euros de chiffre d'affaires. En 2023, nous avons sauvé 10 millions d'euros de produits, soit le double, et avons enregistré un chiffre d'affaires de 1,2 million d'euros.

 

2023 semble avoir été une année charnière pour vous ?
Effectivement. En 2023, nous avons commencé l'année avec 10 clients – des distributeurs de dimension nationale –, pour la terminer avec 130. La récente loi AGEC [loi « Anti-gaspillage pour une économie circulaire » du 10 février 2020, ndlr] nous a beaucoup aidé. Au niveau des effectifs, nous sommes rapidement passés de 15 à 26 collaborateurs.

 

Comment êtes-vous structuré ?
Étant une plateforme digitale sur Internet, nous n'avons qu'un seul site basé à Lille. Pour autant, nous intervenons sur toute la France. Notre organisation se décompose en plusieurs pôles : le pôle IT qui améliore la plateforme, le pôle Commerce en relation avec les entreprises, le pôle Association en constante recherche de projets associatifs à fort impact sociétal – je tiens à souligner que les entreprises peuvent choisir les projets qu'elles souhaitent soutenir –, le pôle Marketing et le pôle RH/Finance.

 

Qui sont vos clients et quel est votre business model ?
Nous sommes totalement gratuits pour les associations. Nos clients sont les entreprises qui jettent leurs invendus : TPE, PME, grands groupes. Nous demandons une commission sur la valeur du stock cédé. Il faut savoir que tout stock dormant est un réel poids pour une entreprise. Le stockage coûte cher, tout comme la destruction des marchandises invendues. Les entreprises doivent comprendre que le don est la solution la plus rentable pour valoriser les surstocks. Nous faisons de la pédagogie auprès des entreprises pour leur donner envie de donner.

 

Pouvez-vous détailler cet aspect pédagogique ?
Nous souhaitons faire de la pédagogie auprès des entreprises pour leur dire de ne pas attendre le dernier moment (en fin d'année) pour donner leurs surstocks, car sinon nous ne serons pas sûrs de trouver une solution au vu des volumes engendrés. Nous les aidons ainsi à découper leurs surstocks en vagues successives, tout au long de l'année, pour faire en sorte que les associations les reçoivent lot par lot, plutôt qu'avec 200 palettes d'un seul coup. Plus nous arrivons à lisser, mieux c'est pour tout le monde.

 

Quels sont vos engagements en matière de RSE ?
De par la nature de notre projet, nous sommes présents sur les trois volets de la RSE : sociétal, économique et environnemental. Nous aidons la société grâce à tous ces dons, permettons aux entreprises d'obtenir des réductions d'impôts, et tous les produits invendus sauvés représentent des tonnes de CO2 également sauvées. Cette année, nous souhaitons aller plus loin sur l'impact environnemental en chiffrant précisément les tonnes de CO2 évitées.

 

Vous avez noué un partenariat avec Geodis, sur quoi porte-t-il ?
Geodis est plutôt un prestataire qu'un partenaire. Nous avons souhaité faire appel à une société experte dans son domaine pour traiter notre partie logistique. Après avoir testé plusieurs professionnels, Geodis est aujourd'hui notre prestataire principal. Nous organisons avec lui le transport depuis l'entreprise directement jusqu'à l'association, en favorisant les dons en local pour limiter au maximum leur impact carbone. La logistique est clairement une pièce maîtresse de notre service. Dans certains cas, l'association va chercher elle-même les dons. Il est également possible que l'entreprise choisisse de recourir à ses propres prestataires de transport.

 

Pensez-vous vous diversifier dans le don de produits alimentaires ?
Nous avons déjà tenté le marché de l'alimentaire, particulièrement contraignant et complexe car il concerne des produits à dates de péremption très courtes et difficiles à gérer. Nous nous sommes finalement dits que nous allions rester sur ce que nous savons maîtriser, à savoir le non-alimentaire.

 

Que prévoyez-vous pour cette nouvelle année 2024 ?
Nous nous sommes fixés comme objectif de sauver 25 millions d'euros de produits cette année, en gardant en tête ces 4 milliards d'euros de produits dormants. Notre deuxième enjeu concerne la scalabilité : nous devons pouvoir croître tout en disposant d'une structure capable de tenir la charge d'activité, avec un service toujours impeccable. Enfin, nous souhaitons gagner en notoriété et être identifié comme une entreprise impactante pour la société sur le marché du don de produits non-alimentaires, en organisant des événements tels qu'une braderie solidaire par exemple.

Beaucoup de pédagogie est encore nécessaire car le mécanisme du don reste très peu connu des entreprises. Nous avons l'ambition d'être l'entreprise la plus impactante pour la société en Europe, donc d'aller chercher toujours plus de produits, et de les transformer en belles histoires pour les associations. Nous songeons à l'Espagne, au Portugal, à l'Italie, à la Belgique et à l'Allemagne, où les règles sont très similaires aux nôtres et où les entreprises connaissent les mêmes problématiques.


Propos recueillis par Voxlog le 15/02/24.

 


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