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Décarbonation et digitalisation : les nouvelles technologies comme catalyseur d’une supply chain plus verte ?

Une tribune signée par Sébastien Marie, associé du cabinet de conseil BearingPoint et expert en supply chain et logistique.

Publié le 13 mai 2024 - 15h00
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 sorin via stock.adobe.com

Aujourd’hui un constat s’impose, nous demeurons loin de l’objectif de la neutralité carbone du secteur de la supply chain à l’horizon 2050 malgré les dernières annonces positives (une baisse de 4,8 % des émissions globales en 2023). Le transport de marchandises représentait 9 % des émissions carbones en France en 2021. Dès lors, les acteurs de la supply chain vont devoir accélérer leurs efforts afin d’atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne, qui prévoit par exemple une réduction de 45 % des émissions carbones des poids lourds à l’horizon 2030. Bien sûr, les acteurs de la logistique ont déjà entamé leur transition grâce à d’importants investissements ou à des premières mesures de leur empreinte carbone. Quels sont les leviers disponibles conciliant digitalisation et décarbonation ?

 

Les nouvelles technologies digitales, un investissement nécessaire pour transporter moins

Les prises de conscience en matière d’impact environnemental (le fameux scope 3 pour la supply chain) incitent les acteurs de la logistique à remettre en question leur mode de fonctionnement. La rapidité et la quantité de marchandises transportées ne sont plus les seuls leitmotivs des transporteurs ou des chargeurs qui n’hésitent plus à présenter cette sobriété comme un argument marketing bousculant ainsi les dogmes établis. Les efforts de décarbonations sont désormais des critères prépondérants, parfois plus importants que la gestion des coûts, dans le choix d’une solution de transport.


Une meilleure gestion des données permet d’alimenter les intelligences artificielles génératives (GAI) et de baser leur machine learning sur un historique fiable. Concrètement, ces GAI permettent de réduire les niveaux de transport grâce à une analyse précise des besoins. L’anticipation des ventes permet donc de limiter les stocks de sécurité à des niveaux plus faibles et donc de limiter les transports non essentiels. De même, une meilleure allocation des stocks permet d’éviter le transport en urgence et donc plus polluant pour répondre aux pénuries. Le plan de transformation de l’économie française va même jusqu’à prévoir un scénario de baisse de la demande en transport d’environ 25 % (baisse de la consommation, productions de proximité etc…).

 

De nouveaux réflexes pour transporter mieux

Les nouvelles technologies redéfinissent la manière d’appréhender la supply chain au global. En effet, la visualisation des données et l’utilisation de jumeaux numériques permettent de cartographier l’ensemble de la chaîne et de tester en amont de nouveaux processus opérationnels. Cette meilleure connaissance des points de blocages permet de développer de nouveaux modes opérationnels afin de tendre vers plus d’efficience et donc de diminuer de facto les émissions carbones. Par exemple, la communication inter-systèmes/inter-acteurs permet de mutualiser les zones de stockage mais aussi les livraisons notamment dans la gestion du dernier kilomètre, qui est paradoxalement le plus polluant (le transport est responsable de 30 % des émissions de CO2 de Paris).


L’intelligence artificielle peut également intervenir pour limiter les émissions carbones des transports, par exemple en déterminant l’itinéraire le plus efficient en fonction de données de circulation et météorologiques. Ainsi, les nouvelles technologies permettent d’avoir une chaîne logistique plus flexible où les efforts peuvent être partagés entre chargeurs/logisticiens.

 

De nouvelles innovations pour transporter autrement

Les technologies digitales ne sont qu’un levier parmi d’autres dans lesquels les acteurs de la logistique ont investi. En effet, beaucoup ont aussi pris des mesures afin de développer les carburants alternatifs pour leur flotte. Par exemple, XPO Logistics s’est doté de 165 camions électriques Renault tandis que Louis Dreyfus Armateurs s’est associé à Airbus pour développer des navires propulsés grâce à la force vélique. Zephyr et Borée réalise des rotations transatlantiques avec ses porte-conteneurs pouvant utiliser la propulsion vélique grâce à ses voiles rigides.


En parallèle de leurs investissements dans ces énergies décarbonées, les professionnels de la logistique développent les capacités ferroviaires. C’est dans cette optique qu’est né le projet « Boursedurail » début 2024 avec pour mission de mettre en relation les différents acteurs du rail afin d’optimiser leurs convois.


Le transport n’est pas le seul maillon de la chaîne logistique où se concentrent les efforts de décarbonation. Les bâtiments tels que les entrepôts sont devenus un élément à part entière des stratégies de verdissement avec notamment l’émergence des bâtiments passifs voir positifs qui permettent de compenser les émissions des autres activités.


Les initiatives sont multiples et la décarbonation de la supply chain ne pourra se faire que sous le prisme d’une combinaison de toutes approches et la coopération entre les acteurs de la chaîne pour mutualiser leurs efforts. L’erreur serait de mettre de l’énergie dans une solution unique en faisant le pari qu’elle résoudrait toute l’équation CO2 de la supply chain. Il faut plutôt diversifier les investissements pour à la fois transporter autrement, transporter mieux, transporter moins.


Les différents types de solutions n’ont pas le même type d’impacts et agissent sur des horizons différents. C’est donc bien en jouant sur l’ensemble des leviers qu’on atteindra l’ambition de neutralité carbone dans le secteur en 2050.

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