Entrepôts
L'automatisation, facteur de réduction de la pénibilité
Face à l'ardeur de nombreux métiers du secteur logistique, l’automatisation apporte des réponses concrètes pour améliorer les conditions de travail, la sécurité et l’ergonomie des postes, et ainsi de lutter contre la multiplication des accidents du travail et des troubles musculo-squelettiques.
1. TMS, accidents du travail... : L'automatisation à la rescousse
Préparateur de commandes, cariste, livreur… Tous ces métiers du secteur logistique ont un point commun : ils demandent une bonne condition physique. De par les ports de charges et les déplacements qu’ils exigent, ils sont fortement exposés aux accidents du travail et certains des plus grands maux de l’entrepôt : les troubles musculo-squelettiques. L'équipement en systèmes d'automatisation peut permettre d'en diminuer la virulence.
Le bruit des machines guide les pas du personnel. Des véhicules fourmillent dans des allées ordonnées. Des cartons et des palettes circulent en un ballet orchestré méthodiquement. L’entrepôt logistique, dans sa représentation primaire, n’est pas un lieu propice à l’épanouissement et au bien-être. Aujourd’hui, une comparaison à la chaîne de production des Temps Modernes de Charlie Chaplin serait exagérée. Il subsiste néanmoins, malgré une nette amélioration des conditions de travail, une cadence et une pression psychologique qui pèsent sur les corps et les esprits. « Cette pression liée à toujours plus de productivité explique la difficulté à trouver des ressources manutentionnaires dans les entrepôts », explique Alain Bussod, directeur du développement des ventes de Savoye Europe, division du groupe Legris spécialisée dans l’ingénierie, la conception et l’intégration de solutions et de services logistiques, qui développe : « C’est un secteur que nous connaissons bien, certains clients dans les métiers difficiles de la chaîne du froid nous relatent leurs difficultés à garder un effectif stable. “Sur cinq intérimaires le lundi matin, il en reste trois à midi pour au final un, qui reviendra le lendemain matin” cite un de nos clients. »
Afin de remédier à cette casse, financièrement et moralement lourde tant pour les employés que pour les dirigeants, les métiers les plus durs tendent à se tourner vers l’automatisation et la robotisation, poursuit Alain Bussod : « Nous nous intéressons également aux risques psycho-sociaux et aux troubles musculo squelettiques qui, la plupart du temps, sont conjugués aux conditions de travail difficiles et aboutissent à des charges mentales importantes. En effet le triptyque “Qualité – Productivité – Réactivité” au coeur de notre modèle économique nous conditionne, nous industriels, à être innovant technologiquement pour augmenter le confort de travail tout en conservant un niveau de productivité élevé. Ainsi nous intégrons et développons des interfaces Homme/Machine aux couleurs passives pour diminuer l’agressivité environnante ; inventons des univers aux bruits feutrés pour les ménager et finalement rendre les taches plus humaines même si l’Homme est de plus en plus baigné dans un environnement mécatronique. Pour moi la logistique est en train de vivre ce que le monde de l’industrie automobile a vécu il y a 30/40 ans : là où les opérateurs de montage boulonnaient les ponts des voitures les bras en l’air pendant des heures, aujourd’hui ce sont des robots polymorphes qui subissent ces tâches ingrates qui ont tant abimé nos concitoyens par le passé. Tous les métiers très difficiles s’automatiseront et se robotiseront. Nous avons passé un cap ; compris que l’automatisation transformait le travail et pouvait créer de la valeur en générant de nouvelles compétences. »
Le cas des "goods-to-man"
La suppression de certains maux par l’automatisation n’empêche pas la création de nouveaux problèmes. En effet, même assisté dans son travail, un opérateur n’est pour l’instant pas encore exempt de tâches manuelles usantes sur le long-terme. Bertrand Faure, directeur commercial France de Fives Intralogistics, évoque le cas des systèmes de préparation goods-to-man, où les articles sont acheminés directement vers les opérateurs : « Sur les goods-to-man on s’est aperçu il y a quelques années que les phénomènes de piétinement fatiguaient presque autant un opérateur que la marche. Si vous avez installé une solution où votre opérateur ne se déplace plus, ne marche plus, mais passe huit heures par jour à piétiner sur place et à faire ce que l’on va appeler des micro-déplacements, cela peut être tout aussi néfaste pour lui. » Les micro-déplacements se retrouvent partout dans la préparation de commandes : avec le piétinement, mais aussi dans la manipulation régulière de petits objets sur les convoyeurs, dans l’éclatement des produits, dans l’ouverture et la fermeture des emballages.
Ces tâches simples mais harassantes, par leur répétition, participent largement à l’apparition des troubles musculo-squelettiques, « la deuxième plus grande catastrophe industrielle après l’amiante » d’après l’expression utilisée par François Mondou, directeur général de la société d’ingénierie SDZ France et directeur du génie industriel du département ingénierie des infrastructures logistiques à l’École nationale des ponts et chaussées.
Pour autant, les leviers permettant d’augmenter le confort de travail aux postes goods-to-man sont « heureusement multiples », confirme Alain Bussod : « Notons, par exemple, le tout électrique qui supprime le bruit des équipements, les élastomères absorbant complexes aux mêmes propriétés, les capteurs de validation sensitif (sans pression aucune), les écrans aux couleurs douces, les revêtements de sol antifatigue, le design ergonomique du poste supprimant les gestes tendineux et cardio-contraignant. Et même si toutes ces innovations sont longues et coûteuses pour le fabriquant, la mise en situation réelle reflète que les opérateurs ayant “goutés” aux postes PTS (Picking Tray System – solution modulaire de stockage et déstockage de colis ou de bacs par navettes, ndlr) ne souhaitent plus retourner aux marches-arrêts incessants des postes de picking, packing ou même shipping. On observe également une appropriation de l’outil de travail où il n’est pas rare de voir des objets personnels orner les postes goods-to-man pour, dixit des préparateurs, “marquer le terrain” un peu comme si la machine devenait “leur”. »
Focus
Les TMS, un lourd problème
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont des disfonctionnements de l’appareil locomoteur, affectant les tissus mous comme les nerfs, les tendons et les muscles. Ils se traduisent par des douleurs localisées répétées, une fatigue musculaire, une raideur du corps, entraînant une difficulté à réaliser des opérations manuelles ou/et à se déplacer. Ils peuvent, dans les cas les plus graves, provoquer des handicaps irréversibles.
Pour aller plus loin, la brochure « Vous avez dit TMS ? » de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail, publiée en 2011, donne des indications chiffrées précises sur les TMS en France (au travers des données fournies par la Cnamts) :
■ en France, en 2012, plus de 46 000 nouveaux TMS indemnisés ;
■ 50 % laissent des séquelles (incapacité permanente partielle) ;
■ près de 100 000 accidents du travail sont des lombalgies (mal de reins aigu ou chronique) ;
■ plus de 10 millions de journées perdues ;
■ coût direct : plus d’1 milliard d’euros.