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Immobilier
Parce que le foncier et la main-d’oeuvre coûtent cher, parce qu’en logistique il faut aller toujours plus vite, les entrepôts s’équipent de machines leur permettant d’optimiser leurs coûts et de limiter les erreurs. L’automatisation et la robotisation se banalisent. Avec quelles conséquences sur la conception des bâtiments ?
1. Automatisation, robotisation : Les bâtiments prennent de la hauteur
Lorsqu’on demande aux spécialistes de l’immobiliser logistique si le développement de la mécanisation et de la robotisation a, ou aura, des conséquences sur la conception des bâtiments, tous commencent par s’exclamer : « vaste sujet ! » Ensuite les avis divergent, avec d’un côté ceux qui tablent sur l’émergence de nouvelles normes, et de l’autre ceux qui pensent qu’il restera possible d’utiliser le parc actuel et que seuls quelques aménagements seront à réaliser pour accompagner les changements.
« La robotisation existe depuis longtemps, mais c’est une niche sur le marché de l’immobiliser logistique », constate Olivier Barge, vice president head of development France chez Prologis, qui estime que les demandes spécifiques liées à l’automatisation resteront à la marge dans les années à venir, parce que la robotisation demande des investissements lourds et que les process ne sont pas souples dans leur évolution. « Faire des bâtiments spécifiques est un pari dans un secteur qui évolue très vite. Continuer avec des bâtiments classiques et les adapter à l’automatisation me paraît plus raisonnable. » Ce qui n’empêche pas Prologis de concevoir des entrepôts en construisant autour du process d’automatisation pour répondre à certaines demandes. Cela donne naissance à des bâtiments de grande hauteur, plus de 40 mètres de hauteur contre 13 à 15 pour des bâtiments standards.
Une nouvelle façon de concevoir des bâtiments
Si les demandes de projets avec des process susceptibles d’avoir des conséquences sur la construction des bâtiments restent en nombre limité, Thierry Milon, directeur général adjoint chez GSE constate cependant une demande récurrente depuis cinq ans. Ce qui l’a conduit à travailler différemment. « Pour ces projets, il est indispensable d’intégrer très en amont le process pour avoir une vision globale. On n’est plus dans une logique où l’on a un système d’automatisation et on met le bâtiment autour, ni à contrario dans une réflexion où l’on a un bâtiment et on doit y intégrer le process », GSE travaille avec le partenaire concepteur du process et celui du bâtiment afin de prendre en compte les contraintes de chacun. « Les projets réussis sont ceux où toutes les contraintes ont été réfléchies et coordonnées en amont », assure Thierry Milon qui ne se risque pas à pronostiquer si les projets avec automatisation se multiplieront dans les prochaines années. Pour lui la France rattrape son retard en la matière, mais l’automatisation en logistique est encore loin d’être une généralité. « L’offre a progressé et la tentation peut être là, mais cela reste un investissement conséquent qui demande une vision à long terme », conclut-il.
Un axe de développement à saisir
Philippe Arfi, directeur France Goodman voit quant à lui dans l’automatisation de la logistique une opportunité de développement : « Nous avons un portefeuille loué à 90 % et sommes à la recherche de nouveaux développements. Si nous arrivons à suivre cette tendance, nous aurons des opportunités plus nombreuses qu’auparavant, parce qu’il ne sera plus possible d’utiliser le parc existant. » Ce qui implique parfois de miser sur ce que pourront être les nouvelles normes de demain. « Lorsque nous avons fait une tour pour les retours d’Amazon, le géant du e-commerce, c’était un pari. Nous pensions que cela pouvait devenir un standard pour une partie de nos clients. » Et l’histoire semble lui donner raison, car travailler en hauteur permet un gain économique.
Les demandes spécifiques resteront limitées
Jérôme Lesur, directeur conseil grands comptes logistiques chez CBRE relativise l’impact de l’automatisation sur la conception des bâtiments. Les trois quarts des activités logistiques demandent peu de mécanisation, et pour celles-ci les bâtiments ne vont pas changer. Même si la robotisation se développe, elle n’impose pas nécessairement de modifications visibles explique-t-il : « Pour mécaniser un entrepôt traditionnel, il suffit parfois de réaliser de petits aménagements. » Mais le représentant de CBRE admet que pour un pan de la logistique il faudra développer des bâtiments adaptés à un process plus exigeant. « Pour ceux-là, il ne s’agira plus de faire rentrer le process dans le bâtiment, mais de construire un bâtiment autour de l’automatisation. » La construction réalisée pour Toys “R” Us en est l’illustration. Le plan process a nécessité la construction d’un bâtiment en T de grande longueur avec un stock en hauteur. La limite du système étant que lorsque les utilisateurs demandent de l’ultra spécifique, cela les contraint parfois à investir dans leurs propres bâtiments ou à donner plus de visibilité au bailleur. Pour Toys “R” Us le contrat de location est de 12 ans. « On ne peut pas faire de spécifique sur une durée trop courte », justifie-t-il.
Le standard ne correspond plus à certains besoins
« Toys “R” Us n’a pas souhaité acquérir son bâtiment, préférant pouvoir se concentrer sur les ouvertures de magasins », explique Vincent Gourlin, senior developpement director chez IDI Gazeley, concepteur du projet. Le distributeur de jouets voulait rationaliser ses flux en ayant un seul entrepôt cross canal à la place de trois précédemment. Ce bâtiment doit lui permettre de recevoir ses marchandises à l’import puis de livrer en BtoB, BtoC et vers les magasins. « Le bâtiment fait 50 000 m², moins que le total des trois entrepôts que Toys “R” Us louait précédemment. Il est donc plus économique à l’usage. » Pour Relay, à Marly-la-Ville (95), IDI Gazeley a acheté un bâtiment ancien et l’a rasé pour redévelopper un entrepôt avec un process important. « Cela a permis de faire du sur-mesure sans compromis », analyse-t-il. Mais les exigences de clients nécessitant des bâtiments hors normes restent une exception. « Nous avons beaucoup d’exemples d’automatisation où les process ont pu entrer dans des cellules classiques », confirme Vincent Gourlin. Il serait donc possible de réaliser du clé en main dans des bâtiments standards moyennant quelques aménagements.