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Entrepôts

Le chariot du futur vers une large automatisation

Tous en rêvent mais la fabrication de chariots totalement autonomes va encore prendre quelques années. D’ici là, les fabricants travaillent à l’automatisation des engins de manutention qui remplaceront les opérateurs sur les tâches à faible valeur ajoutée. Dans l’entrepôt de demain, les solutions en mode « dual » pouvant passer du manuel à l’automatique en un clin d’œil vont se multiplier.

Publié le 10 août 2018 - 09h00
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Jungheinrich

À quoi ressemblera le chariot du futur ? Bien malin qui pourrait se projeter à 2025, répondent en substance les fabricants de matériels de manutention. S’ils ne souhaitent pas dévoiler les recherches sur lesquelles planchent leurs équipes R&D, ils esquissent tout de même quelques pistes de travail. Tout d’abord, une bonne partie de la manutention passera par davantage d’automatisation. Le parc des AGV (automated guided vehicle), ces appareils ne comprenant pas d’intervention humaine, est en augmentation constante depuis quatre ans. Combien comptabilise-t-on de véhicules à guidage automatique dans l’Hexagone ? « Sur les 72 000 chariots actifs sur le marché français, nous devons compter environ 800 AGV, estime Renaud Buronfosse, délégué général du Cisma. Pour arriver à un décompte précis qui distinguera les AGV des chariots conventionnels automatisés, nous finalisons, d'ici à la fin de l'année, une enquête avec notre confrère allemand, le VDMA. » Avec la poursuite de la construction de plateformes XXL, le développement soutenu du e-commerce et des livraisons express, qui nécessitent une plus grande productivité, le mouvement devrait s'amplifier.

 

De l'intelligence sur le chariot standard

Seconde certitude, les fabricants vont continuer à transformer leurs chariots standards en AGV. Le mouvement, entamé depuis plusieurs années, concorde avec leur volonté de répondre aux besoins très précis de leurs clients. « Avec la poursuite de l’automatisation des entrepôts, l’enjeu est d’automatiser les tâches de transfert, de stockage et de convoyage qui sont à faible valeur ajoutée, souligne Aude Deso, responsable d’activité AGV chez Jungheinrich. Pour cela, nous développons tout en interne car notre objectif est de maîtriser à 100 % le produit que nous livrons à nos clients. » La palette des AGV automatisés du constructeur allemand va ainsi continuer à s’élargir. L’idée est d’aller plus haut. Lors du dernier Cemat 2018, Jungheinrich a présenté le EKX 516a, un chariot dont la levée atteint les 13 mètres, disponible sans cariste. Il propose également la commande EasyPilot Follow sur ses préparateurs de commandes horizontaux. Cette technologie semi-automatique permet au chariot de suivre son opérateur afin de lui éviter des déplacements inutiles. Résultat : une productivité en hausse de 30 %.

 

« Les industriels sont intéressés par des transpalettes et gerbeurs automatisés qui interviennent en sortie de chaîne et de convoyeur pour transférer les pièces vers des zones de stockage ou d’expédition », détaille Christian Sauzin, directeur marketing de Fenwick-Linde. Dans la gamme Fenwick Robotics, le R-Matic, un chariot à mat rétractable, vient de rejoindre d'autres chariots automatisés tels que le L-Matic (gerbeur) et le P-Matic (tracteur). Il peut transporter automatiquement des marchandises palettisées jusqu'à 1,6 tonne à une hauteur de 10 mètres. « Dans le stockage en hauteur, l’enjeu est la productivité, indique Christian Sauzin. Les chariots tri-directionnel avec leur mât et leur châssis renforcés sont parfaits pour une solution automatisée. Concernant les rétractables robotisés, nos développements se concentrent sur la stabilisation du mât le plus rapidement possible pour le prélèvement et la dépose de palettes. » Hervé Huyghe, responsable marketing produits des chariots de magasinage chez Toyota Material Handling France, prédit « une montée en gamme des chariots conventionnels qui deviendront plus autonomes. Avec la démocratisation des batteries lithium-ion, la gestion de l’énergie se simplifie car elles ne nécessitent pas de maintenance, et autorisent de fréquentes charges d’opportunité évitant les permutations quand l’application le permet. »

 

Les fabricants cherchent à améliorer tous les aspects des chariots « classiques » comme la stabilité accrue de l’engin et le développement de l’électronique dans la sécurité mais aussi le contrôle de la vitesse de déplacement, la stabilité en fonction de la charge, la position du cariste avec le mat et le volant, ainsi que des interfaces davantage multimédia… « Nous travaillons à créer des aides et des assistances permettant de rendre les opérateurs plus efficaces tout en apportant une valeur ajoutée aux clients, souligne Hervé Huyghe. Nous sommes extrêmement attentifs à ce que ces aides puissent s’adapter à des environnements changeants et à tous les types de caristes, même les intérimaires. » 

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Toyota

Le Graal du chariot autonome

Pour arriver à l’autonomie totale des chariots, c’est une autre affaire. Les recherches avancent sans que personne n’ose lancer une date de sortie. « Partout où il existe un chariot, nous travaillons pour passer de l’automatisation à l’autonomie », souligne Fabien Bardinet, PDG de la société Balyo. Pour l’instant, cette start-up française transforme les chariots standards de son partenaire Fenwick-Linde en chariots de manutention robotisés (automatisés) grâce à sa technologie embarquée Driven by Balyo. Ces modèles n’ont pas besoin de lignes au sol ou de réflecteurs pour s’orienter. Équipés d’un lidar (télédétection par laser), les chariots robotisés se localisent en comparant en temps réel ce qu’ils voient avec la carte des éléments fixes qu’ils ont mémorisée le jour de l’installation. Ce système de navigation appelé géoguidage leur permet de s’adapter plus facilement à de nouvelles trajectoires. Particulièrement complexe, cet enjeu doit être complètement résolu avant d’envisager de parler d’autonomie. « Nous travaillons en continu sur l’amélioration de la perception de l’environnement par le chariot, souligne Guy Caverot, directeur innovation et robotique de BA Systèmes, spécialisé dans les AGV et l’autonomie. L’objectif est d’arriver à la fusion des données issues de différents capteurs comme les caméras et les lidars, permettant une navigation robuste des AGV. » Balyo indique qu’il a 350 chariots automatisés en circulation dans le monde. Le potentiel est énorme. « Nous estimons que les chariots robotisés représenteront 20 % du parc mondial en 2030, poursuit Fabien Bardinet. Nous partons des modes d’emploi des techniciens Fenwick, notre partenaire, et modifions la technologie pour que la maintenance soit la plus simple possible. »

 

À l’avenir, le chariot autonome sera capable de hiérarchiser les commandes par lui-même et de prendre des décisions concernant le meilleur itinéraire et l’approche optimale. Les possibilités offertes par ces robots sont immenses. Les algorithmes d’apprentissage en profondeur (le deep learning) permettront d’anticiper divers scénarios potentiels à grande vitesse en déclenchant l’action adéquate. « L’intelligence artificielle peut aider à prévenir les accidents du travail et les dommages corporels ou matériels », se réjouit Aude Deso de Jungheinrich. Le fabricant pourrait équiper ses futurs chariots autonomes avec de nouveaux équipements comme, par exemple, la caméra Blaxtair, qu’il propose déjà sur ses engins standards. Cet appareil, qui ressemble à une grosse paire de jumelles, est posé à l’arrière ou à l’avant d’un chariot et repère tout piéton entrant dans un rayon de huit mètres grâce à une intelligence artificielle. « Le système stoppe le véhicule et prévient l’opérateur qui peut se concentrer sur sa tâche et n’est pas obligé de regarder l’écran », explique Franck Gayraud, PDG d’Arcure, le concepteur de Blaxtair.

 

Vers l'internet des chariots

Toutes les opérations des chariots autonomes pourront s’effectuer dans un environnement connecté avec un envoi des données des chariots en temps réel vers l’opérateur (quand il y en aura un) et le responsable de l’entrepôt. Autre avancée majeure à venir, les véhicules autonomes fonctionneront dans un réseau de production numérisé et communiqueront donc à la fois avec le système de gestion des engins, les logiciels de gestion des entrepôts et les autres appareils (« machine to machine »). Les managers supply chain bénéficieront de plus en plus d’informations sur lesquelles baser leurs décisions opérationnelles, comme la taille de leur flotte, la réduction des coûts, la rationalisation des processus, l’amélioration de la sécurité ou la maximisation de la productivité. Les fabricants travaillent très activement sur l’amélioration des systèmes de gestion de flotte dynamique qu’ils présentent depuis deux ans. « La gestion de flotte dynamique basée sur le cloud permet de gérer et d’analyser efficacement et individuellement les données des chariots élévateurs, souligne Jean-Jacques Boulet, responsable marketing chez Aprolis. Le système prend en compte, par exemple, l’état de charge de la batterie pendant toutes les opérations de conduite et planifie les périodes de recharge pour un usage optimum ». 

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Still

Des humains toujours présents d'ici dix ans

L’entrepôt et l’usine 4.0 seront-ils alors vidés de toute présence humaine ? Pas vraiment. « Le scénario qui verra un ballet de chariots de manutention évoluant automatiquement au gré des commandes et guidés par la seule électronique embarquée, capables de se déplacer et de se positionner en totale autonomie dans les bâtiments industriels, se produira dans un certain nombre d’entrepôts mais pas forcément dans la majorité », explique Renaud Buronfosse du Cisma. Dans toutes les études prospectives, les postes d'opérateurs et de manutentionnaires, souvent considérés à faible valeur ajoutée, seront les plus touchés par l’automatisation des entrepôts à l’horizon 2025. « En plus d’un nombre croissant de chariots automatisés dans les entrepôts pour les flux simples, nous prévoyons une forte évolution dans le domaine de la sécurité et de l’ergonomie des chariots conventionnels qui se fera au profit des employés », indique Jean-Jacques Boulet. La société propose le système QuickPick Remote du fabricant Crown. Muni d’un gant équipé d’une télécommande, l’opérateur clique pour ordonner à la machine d’avancer toute seule et suit celle-ci, ce qui réduit les TMS lors des opérations de picking. « Les fabricants vont aussi travailler sur la réduction du poids des chariots avec des mats plus légers qui ne seront pas forcément en acier », souligne Guy Caverot de BA Systèmes.

 

Still commercialise l’iGo neo CX 20, un chariot qui suit le préparateur de commandes pas à pas dans son travail et va jusqu’à la première ou la deuxième position de palettes à sa demande. « L’assistant prenant en charge le déplacement et la conduite, l’opérateur peut se concentrer sur son travail, ce qui augmente les performances tout en réduisant les erreurs de préparation », indique Stéphane Boutron, responsable communication de Still France. L’opérateur peut décider s’il souhaite utiliser l’appareil en mode manuel ou autonome, ce qui est signalé par un signal led. D’autres fabricants veulent développer à l’avenir les chariots en mode « dual » pouvant passer immédiatement d’un mode automatisé à manuel et réciproquement. De quoi augmenter la flexibilité des chariots à différents environnements. Mais cette solution posera d’autres défis. Elle impose, entre autres, de penser à l’endroit où mettre et protéger les différents capteurs comme les lasers et unités de radio-fréquence pour qu’ils ne gênent pas l’opérateur lorsqu’il est en mode manuel. « Je crois beaucoup à cette solution car elle offre de la souplesse aux clients et répond à de nouveaux usages », estime Guy Caverot. « On peut imaginer un opérateur conduire un chariot puis s’arlarêter et appuyer sur un bouton pour que le chariot accomplisse une mission automatiquement comme décharger un camion ou réagencer des palettes », indique Franck Gayraud.

 

L'épineux retour du investissement

Quels que soient les scénarios qui se dessineront à l'avenir, le coût sera l’un des critères de choix des chariots automatisés voire autonomes. Car l’investissement est loin d’être neutre. Un chariot préparateur de commandes fonctionnant avec le gant QuickPick Remote peut afficher un prix 50 % supérieur à son équivalent sans gant. « Le seuil de rentabilité se situerait autour de 100 000 euros pour un robot autonome installé en France avec un roulement de trois équipes, indique Fabien Bardinet. Sur cette base, le retour sur investissement peut être atteint en treize mois. » Hervé Huyghe, responsable marketing produits des chariots de magasinage chez Toyota Material Handling France, ajoute que la totalité de l’équipement est à prendre en compte, à savoir l’outil roulant et l’environnement informatique qui pèse lourd dans le budget. « Pour justifier un retour sur investissement, les entreprises les plus intéressées disposeront d’organisations de travail en deux ou trois équipes, samedi et dimanche compris », complète-t-il. Ces véhicules autonomes s’adressent donc à un segment de clientèle bien particulier. « Même s’ils ne sont pas encore nécessaires dans de nombreux cas, comme par exemple lors d’un engagement très faible des matériels ou pour des applications non répétitives, nous ne sommes qu’au début de l’essor des chariots automatisés », indique Christian Sauzin. D’ores et déjà, les fabricants mettent en avant « l’automatisation abordable » et devraient proposer de nombreuses solutions de location d’AGV dans les prochaines années pour séduire non seulement les grandes entreprises mais aussi les PME.

Le chariot couteau-suisse de Still, un avenir possible ?

Dévoilé en 2014, il a beaucoup étonné à l’époque. Véritable couteau-suisse de la manutention, le CubeXX réunissait six chariots en un : un tracteur, un transpalette, un chariot élévateur, un gerbeur, un gerbeur à double niveau et un préparateur de commandes. Ce prototype a été conçu après une étude menée par Still en 2011 auprès d’ingénieurs et d’universitaires. « Nous sommes partis des tendances de sociétés, des technologies naissantes et de l’importance de l’énergie pour concevoir un chariot qui réponde à de multiples besoins », souligne Stéphane Boutron, responsable communication de Still France. Résultat, un engin dont le maître-mot est la flexibilité avec la possibilité de passer d’une fonction à l’autre très rapidement et un pilotage qui peut être manuel, semi-automatique ou automatique. Même si le fabricant précise que cet appareil n’a pas pour but de voir le jour en l’état et, malgré l’incrédulité de la concurrence, il y voit un possible chariot polyvalent. « Il ne correspond pas aux usages actuels des chariots, rétorque Stéphane Boutron. Mais les possibilités offertes par les nouvelles technologies, l’importance de la protection des données, la raréfaction des espaces et les changements sociétaux vont dans ce sens. »

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