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La data change la donne

Publié le 12 juin 2015

La multiplication des objets connectés, la puissance du web et des réseaux sociaux entraînent aujourd’hui la supply chain dans une nouvelle dimension : celle de la data. Cette avancée bouleverse les organisations et missions essentielles de la chaîne logistique. Connaissance du comportement des consommateurs, agilité des productions, économie circulaire ou encore impression 3D, la data s’impose au quotidien dans tous les secteurs pour répondre aux enjeux des marchés et échanges de demain.

1. Big data Une nouvelle révolution

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Après la robotisation et l’automatisation, le big data s’impose comme la nouvelle grande révolution de la supply chain. Ces dernières années, la multiplication des objets connectés, des smartphones, la puissance du web et des réseaux sociaux engendrent une croissance exponentielle de ces données digitales en matière de volume, de rapidité et de diversité. Avec pour objectif d’en tirer la quintessence au point que les habitudes et les envies des consommateurs modifient directement l’organisation même des supply chain. Le client est-il le nouveau donneur d’ordres? Quand la data change les données du réel.

C’est le nouveau mot magique : « data ». Littéralement, le big data désigne un ensemble de données devenant tellement volumineux qu’il est diffi cile à manipuler avec des outils classiques de gestion de l’information. Dans un monde numérique capable de capter toujours plus d’informations sur les consommateurs, il reflète l’exploitation en temps réel de très gros volumes de données, un phénomène en pleine expansion. Objets connectés, smartphones, développement du web, réseaux sociaux, les sources de données se multiplient et deviennent une mine d’or inestimable. « Depuis la généralisation d’Internet, on s’est mis à collecter beaucoup d’informations via des supports digitaux. Certains se sont vite rendus compte que cette collecte avait énormément de valeur : les micro-comportements ou micro-actions observés et mis en relation les uns avec les autres dessinent des schémas riches et permettent une certaine prédictibilité des actions des consommateurs en fonction du passé. Au départ, cette utilisation de la data est scientifique afin d’imaginer ce qu’il va se passer demain. Nous le faisons avec la météo depuis longtemps, mais ce qui est nouveau, c’est d’imaginer le big data à travers l’activité des humains et en particulier des consommateurs », précise William Faivre, Pdg de Catalina, spécialisé dans la connaissance client.

 

Une avancée significative due aux évolutions technologiques, comme l’explique Didier Santurette, directeur du développement chez Acsep : « La capacité de traitement des serveurs a largement évolué et n’est plus un frein au traitement et stockage de l’information. La deuxième raison tient aux performances des outils de communication, comme l’Internet immédiat. Aujourd’hui, on est capable d’avoir des solutions en mode SaaS sans posséder serveur chez soi et de travailler en temps réel avec des solutions vocales complètement distantes. Ces éléments favorisent l’émergence de ce que l’on appelait le multicanal, puis le crosscanal et désormais l’omnicanal, c’est-à-dire la possibilité pour le consommateur d’acheter son produit de n’importe où, n’importe quand et pour le fournisseur ou distributeur de pouvoir traiter et gérer un volume de données conséquent, pertinent et de mettre à disposition la bonne personne au bon moment. C’est ça le big data ».

 

Un puissant levier de rentabilité

Le temps réel est désormais la nouvelle cadence de travail pour les supply chain. L’efficacité et la concurrence sont certes guidées par l’innovation mais surtout par la capacité à assimiler les très grands volumes de données afin d’identifier les goûts des consommateurs et de réagir rapidement pour s’assurer que le bon produit est au bon endroit, au bon prix et au bon moment. Ce qui est particulièrement vrai pour les marques qui s’appuient sur des supply chain virtuelles externalisées. Le big data implique d’être capable de définir une réponse spécifique, pour un produit et un client spécifiques, sur un canal spécifique, avec un niveau de marge spécifique et nécessite de pouvoir analyser en temps réel le coût global de cet ensemble produit-client-canal- temps.

 

Depuis que les pionniers Google, Facebook et Amazon ont montré le chemin, toutes les marques et distributeurs, quels que soient leur taille et secteur, tentent de mettre les données au coeur de leur modèle économique. Si elles se révèlent être un puissant levier de rentabilité, encore faut-il savoir les manipuler. Pour Didier Santurette, « le big data impose de vraies contraintes. C’est bien d’avoir plein de données, mais il faut qu’elles soient fiables et pertinentes. C’est pour cela que l’on voit arriver de nouveaux outils et profils tels que Master Data Management ou Data Quality qui permettent par exemple d’assurer un référentiel centralisé entre les différents acteurs pour que tout le monde parle le même langage, ce qui est essentiel et incontournable ». Et William Faivre de continuer : « Il implique de lourdes architectures techniques, des profils d’experts à recruter et surtout de comprendre dans souquelle mesure la data peut aider à transformer une organisation. À l’origine, le business model de la grande distribution préconise les économies à l’achat. Affirmer aujourd’hui que l’important n’est pas ce que vous achetez mais ce que vous vendez, et que le big data vous permet d’acheter les produits qui vont se vendre, alors que jusqu’à maintenant vous n’achetiez que les produits qui étaient les mieux négociés, c’est une vraie révolution ».

 

Le règne du consommateur ?

Prédire, anticiper les souhaits du client et le servir avant même qu’il n’ait exprimé ses désirs signifie-t-il que ce dernier est devenu le roi de la supply chain et qu’il dicte désormais sa loi aux distributeurs ? Avec l’avènement du numérique, le consommateur, hyper connecté et informé, veut pouvoir naviguer sur tous les canaux de distribution, être livré rapidement, pouvoir changer de mode de livraison au dernier moment, être informé en temps réel de la disponibilité des produits, tout comme du statut de sa commande. Il veut surtout qu’on respecte les promesses qui lui sont faites. « Les clients sont de plus en plus exigeants, ils attendent un service, ils veulent le bon produit au bon endroit au bon moment et cette demande est très volatile, avec des achats impulsifs. Les sociétés doivent pouvoir réagir rapidement grâce, en amont, à une supply chain très agile et réactive pour satisfaire les demandes. Nous sommes clairement tournés sur une supply chain orientée client », reconnait Sébastien Vittecoq, directeur supply chain consulting chez GT Nexus.

 

Pour Didier Santurette, « ce client est devenu le roi parce qu’on lui en a donné la possibilité, alors même qu’il n’a rien demandé. Auparavant, s’il n’y avait pas de disponibilité, le consommateur allait dans un autre magasin ou attendait le réapprovisionnement. Maintenant, on lui met une borne interactive en magasin pour lui permettre de consulter le stock immédiatement, de commander le produit et de connaître son délai de livraison ». Un avis nuancé par William Faivre : « Je ne pense pas que l’on puisse dire que le client est le roi. On entend partout qu’il faut mettre le consommateur au coeur de l’entreprise ou des considérations. Le big data permet de concrétiser cette idée-là, mais certains objectifs de l’entreprise peuvent aussi aller en contradiction avec les souhaits du client tel que le choix de l’assortiment, par exemple, qui dépend encore beaucoup de la négociation avec le fournisseur. Dans ce cas, ce n’est pas le consommateur qui dicte le choix de l’entreprise ». Même chose pour Emmanuel Serrurier, directeur général d’Informatica France, fournisseur de solutions d’intégration de données : « Le consommateur a un rôle important à jouer, mais les sociétés ont toujours la plus forte influence. C’est grâce aux informations récoltées des objets connectés que l’on reçoit des suggestions instantanées et pertinentes. C’est à mon avis une relation bien plus équilibrée qu’elle ne l’était avant ».

 

Un partage de données implicite

Les habitudes, les comportements, les envies des consommateurs sont aujourd’hui scrutés. Lors d’une navigation pour un achat, impossible de visiter une page sans recevoir quelques secondes plus tard, des suggestions de produits dans la même gamme par bannière publicitaire, voire par mail. L’appétit des enseignes pour la connaissance et l’information client est féroce. Cette immersion au coeur des habitudes des consommateurs est-elle intrusive ? Tout dépend des situations. « Je ne pense pas qu’il y ait des supports de communication véritablement intrusifs. Cette notion est extrêmement subjective et dépend d’un triptyque émetteur-message-récepteur. Je ne vois aucun problème à ce que mon garagiste me contacte pour me dire que ma voiture est prête plus tôt que prévu après sa révision. Par contre, il est potentiellement gênant que mon caviste, avec lequel j’entretiens de bonnes relations et à qui j’ai laissé mon adresse mail, m’envoie un message sur ma boîte personnelle dans lequel il récapitule tous mes achats au cours du dernier mois et me propose des bouteilles qui pourraient me plaire. Cette démarche non-souhaitée peut se révéler maladroite. Il existe une notion de confidentialité autour de la data connectée. On se trouve aujourd’hui, via les bandeaux publicitaires, les cookies, dans des espèces de deals plus ou moins explicites qui sous-entendent que si vous voulez améliorer votre expérience sur Internet, il faut accepter que nous suivions un peu ce que vous y faites pour que l’on en déduise ce qui pourrait vous plaire. Ce partage de data existe depuis longtemps en dehors d’Internet avec les cartes de fidélité qui fonctionnent de la même manière et permettent de mieux connaître le consommateur en améliorant la proposition commerciale », démontre William Faivre.

 

Le principal atout de concurrence ?

Avec des analyses des données de plus en plus importantes, les entreprises sont plus que jamais en mesure de se projeter, d’envisager leur développement et de prendre des décisions stratégiques de façon instantanée. Cette capacité à avoir une vision claire sur l’ensemble des opérations fait toute la différence entre anticiper ou subir des aléas. Est-ce aujourd’hui le principal atout de concurrence et de compétitivité ? Lionel Albert tempère : « C’est un des éléments constitutifs de la compétitivité. Mais ce n’est pas parce que vous connaissez très bien votre client, que vous arriverez à prévoir ce qui va se passer, que vous serez meilleur que votre concurrent si vous n’avez pas la capacité de réaction. Derrière la notion de big data, il y a aussi une notion de rapidité d’analyse et d’agilité de l’entreprise, pour permettre des rééquilibrages de la production, des simulations de planification. Ce n’est pas simplement la capacité de savoir ce qu’il va se passer, mais aussi celle de réagir à ce qu’il se passe ». Sébastien Vittecoq ajoute : « De nombreuses entreprises utilisent les mêmes fournisseurs, transporteurs, etc. Ce qui peut les différencier, c’est le service client et en ayant toutes ces informations, elles peuvent jouer sur une notion très importante : le on-time-in-full, c’est-à-dire le fait d’être capable de livrer une commande au bon endroit, à la bonne heure et dans sa totalité. Il est extrêmement important de pouvoir se différencier par le service ».

 

Le virage de l’analyse de données est obligatoire pour toute entreprise, quels que soient sa taille et son secteur. Si tous ne sont pas exposés de la même façon, certains domaines sont bouleversés et le big data ouvre de nouvelles perspectives : « Les entreprises ont peu de compétences en interne. Certains gros prestataires sont doués pour ça, mais il est difficile d’avoir des experts du big data. Il faut avoir suffisamment de données récurrentes et de questions liées pour que ce soit intéressant et pouvoir financer une étude complète. Comment bien stocker la donnée, la rendre accessible pour pouvoir interagir et l’interpréter. Ces défis ne sont pas naturels et dans ce domaine, les ressources les plus rares sont les profils compétents. La demande autour des métiers du big data explose », conclut William Faivre. Analyste, avocat, journaliste ou encore scientifique de la donnée, la data est décidément en train de changer la donne de notre société.

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