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Innovation

La logistique santé enfin stratégique

Publié le 22 juillet 2015

En dix ans, la logistique est passée du statut de parent pauvre à celui de partenaire privilégié au sein des établissement de santé et aux côtés des acteurs du secteur. Longtemps considérée comme de la simple intendance, son expertise et ses performances sont enfin reconnues et recherchées dans un milieu historiquement cloisonné.

1. Logistique santé La quête de l'expertise

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Hier oubliée, aujourd’hui recherchée, voilà l’importance prise par la logistique au sein des établissements de santé et dans l’esprit des acteurs du secteur depuis quelques années. Une entrée remarquée, mais un retard considérable à combler face à certaines industries, telles que l’agroalimentaire, qui ont réfléchi depuis plus de 30 ans à l’optimisation de leurs chaînes d’approvisionnement.

« Ce retard est le résultat du clivage entre logique privée et publique, mais il se réduit d’année en année. Depuis toujours, l’hôpital cherche à bien soigner et être aux côtés de ses patients, quitte à mettre la gestion des stocks au second plan. Le fait est que la fonction logistique n’existait pas ou n’était prise en compte que par le transport. Le pharmacien était son propre logisticien de médicaments. Ce n’est que depuis une dizaine d’années que l’on commence à voir de vrais ingénieurs logistiques débarquer dans les établissements de santé et remettre en cause les schémas de transport et de stockage établis par les unités de soins », explique Grégory Lecaignard, product manager chez a-SIS, rejoint sur le sujet par Thomas Tschinschang, directeur commercial de KLS : « La logistique a longtemps été considérée comme de la simple intendance. Mais depuis le Plan hôpital 2007 puis 2012, nous observons un réel investissement avec l’arrivée, entre autres, de responsables logistiques issus du privé ou bénéficiant d’une formation scolaire logistique spécifique. Nous étions jusqu’alors confrontés à des hôpitaux uniquement humanistes avec une priorité donnée aux patients et une gestion de stocks secondaire. Aujourd’hui, cette idée a évolué : ce n’est plus parce que l’on pense optimisation que l’on ne va pas pouvoir bien soigner. Au contraire ».

 

Un plan hôpital

Annoncé lors de la rentrée 2003, le Plan hôpital 2007, qui visait à moderniser l’offre des établissements de soins, apparaît comme le point de départ d’une mutation générale de la santé et a entrouvert la porte au logisticien. « Il a permis de poser les sujets sur la table, de passer un cap et d’investir. De nombreuses collaborations se sont signées après cette annéelà avec des périmètres d’application larges, tant au niveau des plateformes mutualisées, des pharmacies d’établissement que des unités fonctionnelles de soins. Avant 2007, nous n’évoluions pas sur une recherche globale », se souvient Thomas Tschingschang.

 

Pourtant, certains établissements planchent sur la question depuis une vingtaine d’années. Par exemple, l’éditeur et intégrateur a-SIS équipait déjà de WMS des hôpitaux comme Angers (49) ou Tours (37) dès 1995. Malheureusement, ces initiatives isolées n’ont été suivies que tardivement au niveau de la filière entière, comme l’explique Valérie Marchand, en charge du pôle santé chez GS1, organisme mondial spécialiste des méthodes de codage dans la chaîne logistique : « Nos premiers travaux sur le sujet remontent à 2000. Certains hôpitaux avaient commencé à mettre en place des plateformes logistiques gérées par des personnes issues du conseil, de la distribution, etc. Ces initiatives ont rencontré un certain nombre de difficultés, essentiellement liées à la méconnaissance de leur intérêt dans le secteur et de l’effet de rationalisation des processus que cela pouvait engendrer. Néanmoins, les nouvelles réglementations orientées sur l’amélioration des organisations et la traçabilité des produits ont tout changé et ont eu un effet boule de neige ».

 

La traçabilité au coeur du sujet

Aujourd’hui, la logistique s’invite dans toutes les unités et services pour apporter les meilleurs soins au patient et processus aux établissements. Optimisation des flux, gestion des stocks, identification des médicaments et dispositifs médicaux, réapprovisionnements, la sécurité et la traçabilité pharmaceutiques sont deux sujets majeurs des prochaines années : « En France, en Europe et à l’international, le législateur impose une plus grande traçabilité sur les médicaments. L’année 2011 a vu l’obligation de code-barrer les boîtes de médicaments, par un code Datamatrix, les informations GTIN (c’est-à-dire l’identification du produit, du lot et la date limite de péremption). À terme, nous aurons une sérialisation des boîtes de médicaments grâce à un numéro de série en plus du code Datamatrix. La traçabilité devient de plus en plus importante, jusqu’à savoir que tel patient a pris tel comprimé. C’est déjà le cas aux États-Unis où est mis en place le e-pedigree, c’est-à-dire un document électronique de traçabilité qui rassemble toutes les transactions logistiques. Il impactera l’ensemble de la supply chain, du laboratoire jusqu’au consommateur en passant par le fabricant et la pharmacie puisque chaque partie prenante devra fournir un document à l’administration américaine en cas de contrôle. Ce n’est pas simple à mettre en place, mais cela va finir par arriver », lance Grégory Lecaignard, de a-SIS.

 

Face aux États-Unis, au Brésil, au Danemark ou encore à l’Australie qui ont déjà mis différents systèmes en place, la France n’est pas la plus en avance sur les sujets de traçabilité. Elle se cale sur le calendrier européen en matière de sécurisation des médicaments et de lutte contre la contrefaçon avec pour objectif la mise en place de nouvelles réglementations à horizon 2017.

 

Lâcher certaines tâches

Paradoxalement, même si la fonction logistique n’a plus à faire ses preuves quant à son apport en matière d’efficacité dans de nombreux secteurs, elle doit encore se faire une place dans la santé, notamment à l’hôpital. « Si l’hôtellerie est plutôt moteur car plus au fait des questions de logistique, il y a encore quelques résistances du côté des pharmacies. Au-delà de l’installation d’un WMS, les changements d’organisation et les problématiques de mutualisations peuvent faire peur à certains pharmaciens. Leur rôle est extrêmement important dans un hôpital, ils peuvent influencer la direction d’un établissement dans ses choix puisqu’ils sont garants d’un point de vue législatif et judiciaire de la traçabilité des produits au sein des différentes unités. Il existe encore une crainte envers l’utilisation de nouveaux systèmes et l’abandon d’anciennes solutions métier qui ne sont pas de bons logiciels de gestion de stock, mais restent de bons logiciels de validation de prescriptions ou d’ordonnances appréciés par les pharmaciens », note Grégory Lecaignard.

 

Même sentiment au CHRU de Montpellier (34) qui a mis en place la solution Gildas de KLS et installé l’an dernier 11 stockeurs automatisés pour assurer la traçabilité des produits, de la stérilisation aux blocs opératoires : « Il faut que les organisations, les différentes unités de soins se penchent beaucoup plus sur la logistique. Elle n’a jamais été réellement prise en compte. Quel que soit le projet, elle a toujours été faite par les soignants, regrette Dominique Peyremorte, cadre supérieur de santé du bloc. La logistique est stratégique et contribue à la performance. Mais je ne suis pas certaine que ce soit compris de tous. C’est acté dans les propos, mais pas encore totalement sur le terrain. Nous, soignants, devons évoluer car on nous demande de faire de la qualité tout en diminuant nos effectifs. Il va donc bien falloir que l’on lâche certaines tâches pour se concentrer sur le patient ». Cette demande semble tout de même de plus en plus entendue : hier oubliée, la fonction logistique s’est installée dans la quasi totalité des CHU de France, notamment par l’intégration d’ingénieurs logisticiens au plus près du patient, au coeur des unités de soins.

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