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Comerso : la logistique au service de la solidarité

Poubelles remplies de nourriture, aspergées d'eau de javel : la problématique du gaspillage alimentaire en France s'est répandue dans les mentalités par une poignée d'images chocs. Face à une économie qui produit trop et des populations qui vivent avec pas assez, associations et enseignes de grande distribution essaient d'agir main dans la main. Une logistique du don qui est au cœur de l'activité de Comerso et de sa solution de transport et de collecte des invendus. Entretien avec Pierre-Yves Pasquier, co-fondateur de Comerso, pour retracer l'histoire d'un projet généreux et novateur.

Publié le 17 juillet 2017 - 13h00
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Comerso

Deux inconnus dans une voiture qui, sans le savoir, vont dans la même direction. Quand Pierre-Yves Pasquier évoque la genèse de Comerso, lui-même semble surpris. « J’ai rencontré Rémi Gilbert en 2011, en faisant du co-voiturage. On fait difficilement plus hasardeux ! », s’en amuse-il. Les deux hommes ne se doutent alors pas que deux ans plus tard, ils vont créer ensemble leur propre entreprise. Tout part d'un constat fait par Pierre-Yves Pasquier dès 2009 : « A l’époque, je travaillais chez Danone en fonction commerciale. Je m’étais rendu compte que la grande distribution jetait énormément de produits, principalement par manque de solutions. J’avais alors ce rêve de créer un service qui permette aux entreprises et aux associations de se retrouver pour régler ce problème de gaspillage. » Ça tombe bien : Rémi Gilbert fait du conseil dans la création d’entreprise. Alors quand ils commencent à discuter, les idées fusent : « Je l'ai saoulé d'un bout à l'autre du trajet à propos de ce projet », raconte Pierre-Yves Pasquier. « Deux semaines plus tard, il m'a recontacté pour me dire qu'il avait réfléchi et qu'il pensait que mon idée avait du potentiel ». Deux années de préparation sont nécessaires au duo avant de débuter leur activité. « Nous étions complémentaires : Rémi s'occupait de la partie administrative tandis que j'étais axé sur le commercial et l'organisation logistique », explique Pierre-Yves Pasquier. « Il a fallu tout écrire de A à Z : les brevets, le modèle, l’organisation générale. On a finalement pu démarrer Comerso en octobre 2013. »

 

Faire le lien

Ce que propose Comerso, c'est une solution externalisée de gestion et de collecte des invendus. Son rôle : faire le lien entre des entreprises qui ont des stocks d'invendus et des associations qui ne sont pas toujours en mesure d'assurer une logistique performante pour la collecte. L'activité de Comerso se concentre principalement sur les produits alimentaires aux dates de péremption courtes (70 % dispatchés entre 33 % de boucherie et charcuterie, 19 % de fruits et légumes, et 18 % de crèmerie) et produits d'épicerie, mais l'entreprise a étendu ses services aux produits non-alimentaires (textile, chaussures, hygiène) depuis le début de l'année 2017. Du côté des entreprises, 80 % des dons proviennent de grandes et moyennes surfaces (GMS), 10 % d'industriels (alimentaires et non-alimentaires) et 10 % de coopératives et d'agriculteurs. Parmi les entreprises notables qui ont fait confiance à Comerso, on trouve Intermarché, Leader Price ou encore Système U. « Notre activité concernait uniquement l'alimentaire auprès des GMS durant nos premières années d'activité, mais nous avons eu des demandes nouvelles au fil des prospections commerciales », raconte Pierre-Yves Pasquier. À l'été 2017, Comerso travaille avec près de 300 entreprises et 300 associations, réparties sur l'ensemble de la France métropolitaine. Un ratio équilibré qui permet de répondre aux besoins des donateurs et des receveurs.

 

La supply chain solidaire mise en place par Comerso se décline en deux grands volets. Tout d'abord une partie numérique avec une plateforme digitale permettant une gestion fiscale et juridique, tout en assurant la traçabilité et la sécurisation des dons. « Notre logiciel sert à lier offre et demande. Nous permettons aux entreprises de s’assurer une évacuation quotidienne de leurs marchandises et aux associations un approvisionnement en fonction de leurs besoins », détaille Pierre-Yves Pasquier. Mais cette gestion prend tout son sens grâce à la prise en charge complète du transport, avec une flotte de camions et des chauffeurs qui s'occupent du transfert des marchandises. « Nous ne sommes pas qu’une start up numérique, nous avons un vrai aspect logistique », assure Pierre-Yves Pasquier. Et c'est cette supply chain bien rodée qui fait la force de Comerso.

 

Travail à la chaîne (du froid)

Toute l'organisation logistique de Comerso débute par un système de bacs de collecte des invendus. « Nous avons très vite compris que notre système ne fonctionnerait pas s’il demandait du travail supplémentaire aux collaborateurs dans les GMS, qui sont déjà très occupés. Que le produit soit donné ou jeté, il fallait que l’impact et le process logistique soit le même », détaille Pierre-Yves Pasquier. « C'est pour cela que Comerso met à disposition des magasins des caisses normées en polypropylène alimentaire, équipées de puces RFID à identifiants uniques. Tous les matins, ces caisses sont simplement remplies de marchandises, scannées et récupérées par nos camions. » La technologie RFID est cruciale dans le parcours logistique puisqu'elle permet de tracer les marchandises physiquement du point de départ jusqu’au point d’arrivée tout en maintenant un suivi constant de la température des marchandises afin de préserver l'intégrité de la chaine du froid. De quoi assurer un transfert de responsabilité et de propriété optimal entre le magasin et l’association.

 

Pour le transport, Comerso a fait appel à un prestataire extérieur, le Réseau Envie. « On ne s’improvise pas transporteur logistique du jour au lendemain. Nous voulions être irréprochables sur la qualité de transport, d’autant que nous travaillons principalement avec des produits en fin de vie, donc très fragiles », raconte Pierre-Yves Pasquier. « Les connections avec Envie se sont faites assez vite. Ce transporteur travaille principalement sur les D3E (Déchets d'équipements électriques et électroniques), dans une optique d'économie circulaire proche de la nôtre. Ils étaient intéressés par le transport alimentaire et ils ont développé leur système avec nous. Aujourd'hui, tous nos transports se font en camions frigorifiques à température contrôlée » Mais ce partenariat présente aussi un autre intérêt social dont Pierre-Yves Pasquier est fier : «  Aujourd'hui, nous avons 50 chauffeurs qui sont tous issus de l'insertion professionnelle. Pour nous, il s’agissait de boucler la boucle vertueuse que nous avons crée avec la solution Comerso. » Tous les matins, les chauffeurs sont informés des caisses prêtes à être récupérées et un ordre de tournée est généré automatiquement. Un picking quotidien dans le respect des normes sanitaires qui va directement aux associations. « Nous travaillons beaucoup en amont avec les associations afin de comprendre leurs besoins, leurs volumes et leur logistique. Ce travail préparatoire nous permet une meilleure organisation opérationnelle avec elles au quotidien et un approvisionnement adapté ». 

 

Des dons qui rapportent

Et ça marche : en 2016, Comerso a collecté 4 millions de repas, soit près de 3 000 tonnes de marchandises. Et les prévisions de 2017 sont de l'ordre de plus de 10 millions de repas redistribués. « Depuis notre création, nous quadruplons notre activité d’année en année. Pour l'instant, nous sommes dans nos prévisions pour continuer ce rythme en 2017. C'est la récurrence de nos partenariats qui permet une telle croissance : lorsque nous intégrons de nouvelles entreprises dans notre système, nous continuons également les partenariats précédents. », explique Pierre-Yves Pasquier. Il faut dire que le système Comerso est aussi intéressant financièrement pour les entreprises. « Passer par Comerso représente tout d'abord une économie de 30 à 50 % au niveau du traitement des déchets auprès de prestataires. De plus, avec le système du mécénat d’entreprise, celles-ci bénéficient d'un crédit d'impôts égal à 60 % de la valeur de leurs dons. De plus, nous sommes payés au succès, à la valeur de la marchandise récoltée. Nous prenons une part aux entreprises qui finance l'intégralité de notre activité, mais celle-ci est totalement amortie par les économies réalisées.» Côté association, Comerso assure la gratuité totale du service d'approvisionnement. Un « parti-pris » de l'entreprise dès sa création.

 

Avec ses 18 salariés en CDI répartis dans des fonctions commerciales, administratives et logistiques, Comerso poursuit donc sereinement son développement avec déjà quelques projets d'extension. « À court terme, il s’agira de continuer de développer l’activité en France avec des recrutements et de nouveaux partenariats. Nous voulons également essayer prochainement de déployer notre solution sur quelques pays européens. Et éventuellement, beaucoup plus loin dans le temps, aller s’attaquer au continent américain ! » En attendant de traverser l'Atlantique, Pierre-Yves Pasquier se réjouit de voir que la question du gaspillage alimentaire est une problématique prise en compte par la grande distribution. « Aujourd'hui, Comerso a trouvé son public et le marché des invendus s’est ouvert avec beaucoup d’enthousiasme. Les entreprises ont compris qu’elles avaient un rôle à jouer, d'autant les consommateurs sont maintenant très sensibles aux actions RSE (Responsabilité sociétale des entreprises). Pour nous, l'économie circulaire représente l’avenir. Nous sommes persuadés que dans quelques années, la logique de remettre des produits invendus dans l’économie sera devenue la norme. C'est en tout cas le projet sociétal dans lequel s'inscrit Comerso. » 

Comerso en chiffres

■ Créée en octobre 2013 ;

■ 4 millions de repas distribués en 2016 et 10 millions prévus pour 2017 ;

■ 18 collaborateurs en CDI et 50 chauffeurs en réinsertion professionnelle ;

■ Près de 300 entreprises partenaires, dont 80 % de GMS ;

■ Près de 300 associations partenaires réparties sur toute la France métropolitaine.

 

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