Transport
[Reportage] À Sommesous (51), l’Alliance ECTN valide son concept de station-relais sur autoroute
Ceva Logistics, Engie et Sanef, partenaires de l’Alliance ECTN, ont inauguré le 25 avril 2025 leur première station-relais sur autoroute sur l’aire de Sommesous, dans la Marne. Équipée de bornes de recharge électrique pour poids lourds, elle forme l’une des escales d’une boucle de 900 km visant à revisiter le fret routier longue distance pour davantage le décarboner. Explications.

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Ceva Logistics
Après 16 mois d’expérimentation, les membres de l’Alliance ECTN (pour European clean transport network) ont inauguré leur première station-relais sur autoroute. Sur l’aire de Sommesous (A26), le prestataire Ceva Logistics, le fournisseur d’énergies Engie et la société concessionnaire d’autoroutes françaises Sanef ont ainsi réuni, le 25 avril 2025, partenaires, élus et journalistes afin de célébrer la validation de leur concept, et d’en détailler les finalités.
« Travailler sur l'organisation du transport plutôt que sur les seuls équipements »
Leur dispositif expérimental vise à repenser le modèle classique d’acheminement de marchandises par camions sur des centaines de kilomètres, afin d’en faciliter leur décarbonation. Et ce eu égard à trois principales problématiques, comme l’introduit Olivier Storch, directeur général adjoint de Ceva Logistics, logisticien à l’origine de la fondation de l’alliance ECTN : « Nous n’avons pas encore réellement d’équipements nous permettant d’opérer de façon décarbonée du transport routier de longue distance – ce que les constructeurs appellent du heavy-duty –, avec une autonomie et des capacités de traction suffisantes. L’équation économique actuelle ne permet pas non plus à des acteurs du fret routier de transporter, de manière structurelle, des marchandises de façon décarbonée. Le prix d’un poids lourd électrique équivaut pour rappel à plus de trois fois celui d’un camion thermique ; pour l’hydrogène, nous tournons entre 500 000 et 1 million d’euros. Enfin, nous ne disposons pas aujourd’hui des infrastructures suffisantes (de recharge électrique, d’alimentation en biofuel…) sur les principaux axes européens. Nous avons ainsi décidé de travailler sur l’organisation du transport plutôt que sur les seuls équipements. »
Une revisite moderne des réseaux de diligences
Concrètement, le concept ECTN s’inspire du modèle des anciens relais de poste avec la mise en service de cinq stations-relais, implantées directement sur le réseau autoroutier – comme pour celle de l’aire de Sommesous gérée par Sanef – ou à proximité, au sein de quatre agences opérées par Ceva Logistics. Équipés de bornes de recharge pour poids lourds et/ou de stations permettant de faire le plein en gaz naturel bio-compressé (bioGNC), ces terminaux sont implantés sur un corridor de 900 km reliant Avignon à Lille. Le trajet se découpe en quatre segments autoroutiers : Avignon-Lyon, Lyon-Dijon, Dijon-Sommesous, Sommesous-Lille.
Lorsqu’un chauffeur arrive à l’un des relais, il décroche sa remorque pour qu’elle puisse être raccrochée au camion électrique ou au biogaz effectuant le trajet du segment suivant, lequel a pu être rechargé ou avitaillé entre-temps. Une revisite moderne des diligences du XIXe siècle, qui changeaient d’attelage le long de routes régulières.
Un plan de transport améliorant les conditions de travail des chauffeurs
« À l’heure de la zéro artificialisation nette, ce dispositif est extrêmement peu consommateur en foncier, ajoute Arnaud Quémard, directeur général de Sanef, concessionnaire autoroutier de l’aire de Sommesous et d’un large réseau sillonnant principalement le nord et l’est de la France. Très peu d’espaces sont par exemple nécessaires à la recharge des poids lourds. De plus, le temps de transit des marchandises est raccourci, avec des gains d’environ 25 % par rapport à un modèle de transport longue distance classique. Via cette organisation, les chauffeurs n’ont plus à parcourir de longs trajets ; ils effectuent des allers-retours quotidiens sur un segment routier défini. » De quoi améliorer notamment l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle des conducteurs, mais aussi les conditions de travail.
« Dans un plan de transport classique, un chauffeur doit découcher sur un trajet Lyon-Lille, relate ainsi Imen Mehenni, présidente du groupe F.D.E. (France Distribution Express), transporteur missionné par Ceva Logistics pour opérer les camions bioGNC et électriques de l’alliance ECTN. Grâce aux relais mis en place, nos chauffeurs peuvent rentrer chez eux après un trajet. À noter de plus que les allers-retours sont opérés avec des camions très confortables, sans vibration ni bruit de moteur gênants, pour prendre le cas des poids lourds électriques. »
Une expérimentation amenée à faire des émules
Par sa simplicité, le dispositif mis en place entre Lille et Avignon pourrait s’élargir ou se déployer itérativement sur d’autres tronçons. Les responsables des différentes parties prenantes de l’alliance ECTN n’excluent pas ainsi la duplication de leur modèle sur plusieurs autoroutes françaises ou européennes, et enjoignent d’autres acteurs (prestataires, chargeurs, énergéticiens…) à s’inspirer de ce concept.
Trois questions à Clémence Fischer, directrice générale mobilité électrique d’Engie

Comment évolue l’électrification de l’expérimentation ?
Le premier concept a été déployé sans borne de recharge ni camion électrique. Nous avons utilisé des stations bioGNC existantes chez Engie, acteur présent depuis plus d’une vingtaine d’années dans l’avitaillement des véhicules en biogaz ou en gaz naturel. Nous inaugurons aujourd’hui, sur l’aire de Sommesous, les premières bornes de recharge électrique de l'Alliance ECTN implantées directement sur un foncier autoroutier. Certaines bornes présentes chez Ceva ont cependant déjà permis, depuis quelques mois, l’utilisation des nouveaux camions électriques.
Quid des aides visant à accompagner le déploiement d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques ?
Nous sommes au début de l’histoire de l’électrification du transport lourd, avec quelques années de décalage par rapport à celle des véhicules légers. Il y a encore tellement peu de camions électriques qu’il est très compliqué de faire avancer des projets sans les aides de l’Ademe notamment, dont nous avons pu bénéficier au démarrage sur les infrastructures de recharge pour les véhicules légers. Or pour l’instant, nous n’en avons pas pour amorcer celles dédiées aux camions électriques. Des subventions européennes existent, mais financent des projets assez larges et complexes.
Comment suivez-vous l’arrivée des systèmes MCS, pour la recharge ultra-rapide des poids lourds ?
Sur l’aire de Sommesous, nous sommes sur une technologie de type CCS, comme on peut en trouver pour les véhicules légers, avec des bornes permettant tout de même de recharger rapidement les camions, avec un plateau de charge à 400 kW. Sur le MCS, nous sommes en veille active sur plusieurs technologies, européennes en particulier, en cours de développement. Plusieurs fournisseurs de bornes sont en train de mettre en place des démonstrateurs. Au sein d’un de nos laboratoires basés en Belgique, nous pouvons également éprouver en interne la robustesse et la fiabilité de la technologie, avant de pouvoir dans un second temps effectuer des tests sur une première station.
