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Adoption du projet de loi de « simplification » : quels potentiels impacts sur la logistique et le transport ?
Le 17 juin 2025, l’Assemblée nationale a voté majoritairement en faveur du projet de loi de « simplification de la vie économique ». Son adoption définitive pourrait impliquer une extension de l’autorisation d’exploitation commerciale aux entrepôts logistiques et de e-commerce, ainsi que la disparition des ZFE. Explications.

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Sebleouf via Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0
« Simplifier les démarches et la vie des entreprises » (1). Tel est l’intitulé du projet de loi ayant été soumis à l’Assemblée nationale le 17 juin 2025. Les députés viennent de l’adopter en première lecture par 275 voix pour, 252 voix contre et 21 abstentions. Sept de ces derniers, avec autant de sénateurs, devront par la suite se retrouver en commission mixte paritaire (CMP) afin de s'accorder sur une version finale du texte en vue d’une adoption définitive.
L’épineuse révision des autorisations d’exploitation commerciale des entrepôts
Cette ambition de « simplification » n’est point prise comme telle par les entreprises de la logistique et du transport qui y trouvent plutôt des complications, voire des sanctions. Le 22 mai, de nombreuses organisations professionnelles du secteur avaient fait part de leur désaccord sur certains amendements. « Concrètement, en l’état actuel de la rédaction du texte (article 25 bis A, alinéa 16), il est prévu que soient soumises à autorisation les créations ou extensions de surfaces logistiques supérieures à 800 m², dès lors que les biens qui y sont stockés sont livrés aux consommateurs à la suite d’une commande issue du e-commerce », s’inquiétaient ainsi conjointement d’importants organismes représentant la filière (2).
Juste après l’adoption primaire du projet de loi, l’Union TLF a monté le degré d’alerte : « Nous tirons la sonnette d’alarme ! », s'est exclamé le 17 juin Jean-Thomas Schmitt, président de l’association professionnelle, en précisant que le texte voté « fait peser une contrainte inédite sur le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement en France ».
Dans une lettre adressée le 21 mai à Éric Lombard (3), Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle, les différents organismes de la filière logistique et transport avaient déjà souligné que ce projet de loi était « à contre-courant des priorités du Gouvernement en matière d’accompagnement des entreprises et de soutien aux efforts de réindustrialisation. » L’une des principales contradictions mise en avant ? « À terme, [la disposition] risquerait de provoquer une délocalisation progressive des plateformes logistiques vers des pays frontaliers aux régulations moins contraignantes. » Les rédacteurs du courrier ont aussi rappelé que « les entrepôts logistiques ne sont pas des lieux de vente. Ils n’accueillent pas de clientèle, les marchandises n’y sont ni exposées ni présentées par des vendeurs et ils ne peuvent en aucun cas être assimilés à des commerces physiques. »
Vers une disparition des ZFE ?
En adoptant le projet de loi dit de « simplification de la vie économique », les députés signataires ont aussi tranché en faveur de la fin des zones à faibles émissions ou ZFE. Un revers pour le Gouvernement, ayant décidé de voter contre, vu plusieurs de ses alliés se détacher de ses consignes et arracher une majorité à peu de voix près.
Pour les acteurs du transport et de la logistique, ce retour en arrière suscite aussi des interrogations. Beaucoup d’entre eux avaient déjà investi en conséquence, changé les fameuses vignettes « Cir’Air » de leurs camions et VUL (avec d’importants investissements dans la modernisation et la décarbonation de leur parc de véhicules) en accord avec une réglementation supposée évoluer, et non disparaître.
En octobre 2022, l’Union TLF proposait déjà dix propositions pour ne pas rater le déploiement des ZFE. « Engagés dans la transition énergétique depuis de nombreuses années, nos professionnels du transport et de la logistique souhaitent à travers ce document contribuer à la réussite des ZFE-m aux côtés des collectivités ! », assurait-elle. Des prestataires de rang mondial avaient aussi partagé leurs désirs de transition. « En prévision de la création de la future zone à faibles émissions (ZFE) de Lille, d'ici 2025, XPO a investi dans des véhicules de transport entièrement électriques », témoignait par exemple en 2023 la filiale française du géant américain du fret et de la logistique.
À noter en conclusion que l'agence nationale Santé Publique France ne cesse de rappeler que la pollution de l’air, responsable d’environ 40 000 décès prématurés en France chaque année, reste un facteur de risque majeur (4) et que les efforts doivent être poursuivis dans tous les secteurs économiques. La disparition des ZFE, qui contribuent à diminuer les émissions de particules fines et d'oxydes d'azote dans de nombreuses métropoles (5), irait à contre-courant des politiques de santé publique.
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(1) Projet de loi de simplification de la vie économique, vie-publique.fr, 17 juin 2025
(2) À savoir : l’Union des entreprises transport et logistique de France (Union TLF), France Logistique, Afilog, l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), la Confédération des grossistes de France (CGF), la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), le Conseil du commerce de France (CDCF), la Fédération française des franchises (FFF), la Fédération pour la promotion du commerce spécialisé (Procos), l’Alliance du commerce et l’Union Sport & Cycle (USC).
(3) Extension de l’autorisation d’exploitation commerciale aux entrepôts logistiques et de e-commerce : un risque majeur pour la compétitivité et la souveraineté économique française, 21 mai 2025
(4) Asthme, accident vasculaire cérébral, diabète… quels impacts de la pollution de l’air ambiant sur la santé ? Et quel impact économique ?, Santé Publique France, 2025
(5) Qualité de l'air, inégalités sociales… Quel bilan pour les zones à faibles émissions ?, France 24, 17 juin 2025
