Belharra : la nouvelle vague

Le 27 janvier 2025, après quelques années de repos, la mythique vague Belharra déferle au large d’Urrugne, sur la côte basque dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Devenu légendaire, le spot attire les surfeurs du monde entier. Figure emblématique pour les Basques, Belharra a aussi inspiré, il y a près de 20 ans, trois amoureux de la région, ingénieurs, désireux d’accompagner les entreprises du territoire dans leur performance opérationnelle. « Belharra a une histoire assez simple. Nous avons créé l’entreprise en 2006 avec la volonté de mener un projet collectif sur le Pays basque. Ici, l’industrie du surf est extrêmement puissante. Nous avons très vite compris un de ses besoins : la gestion et le suivi de ses productions externalisées en Europe et dans le monde. Aujourd’hui, Belharra est éditeur d’une solution SaaS dédiée, compte 25 personnes et une vingtaine de clients, nationaux et internationaux. Nous avons conservé un esprit pionnier de startup, pour coller au marché, anticiper le besoin et construire une solution dont la légitimité repose sur l’adaptation très précise aux attentes de l’industrie textile », introduit Patrick Bourg, associé fondateur de l’entreprise.

Très tôt, Patrick Bourg et ses associés comprennent que dans le secteur, un tunnel entre la commande fournisseur et l’arrivée des marchandises entraîne une perte de contrôle du cycle de production. Ils développent alors e-SCM Solutions, un portail fournisseurs capable de gérer les approvisionnements, centraliser les demandes et remplacer tous les fichiers Excel, fax et échanges de mails déjà sources à l’époque de nombreuses difficultés dans le suivi des dossiers. « L’une des premières missions a consisté à bien vérifier que les productions étaient bien faites chez les fournisseurs avec qui les marques avaient contracté. Nous étions déjà dans cette notion de traçabilité avec une préoccupation éthique : qui produit et comment ? Nous avons également introduit une supervision du planning de production des fournisseurs pour être certains de réceptionner les produits en temps et heure dans les entrepôts, de supprimer l’effet tunnel et de centraliser l’information. » Ce premier outil est développé en co-construction avec Rip Curl, qui menait alors un projet de centralisation des achats au niveau mondial. La solution est installée en Europe et en Australie et assure le suivi de toutes les productions de la marque : lunettes, bagagerie, combinaisons de surf, vêtements homme, femme et chaussures. « Conscients de la capacité de notre solution et de son adéquation avec les besoins des acteurs du secteur, nous nous sommes mis à prospecter. Assez vite, d’autres clients tels qu’Eden Park ou Petit Bateau nous ont permis de vérifier que l’outil pouvait servir différents types de marques et de modèles économiques dans le monde du textile ».

Dix ans après avoir conçu e-SCM Solutions, en 2016, la société reçoit l’appel entrant d’un grand groupe de luxe français. « Cela a été une opportunité très forte pour le business et nous avons alors pris conscience de la pépite que nous avions entre les mains. C’est à ce moment précis que nous avons décidé de nous transformer : passer d’une entreprise de services à un éditeur de solutions. » Belharra opère alors un véritable changement, avec la mise en place d’une nouvelle organisation pour accompagner sa croissance et la hausse de clients. Des investissements sont réalisés afin de structurer le volet commercial, marketing et de recruter des équipes.

Servir l’avenir de l’industrie textile au travers d’une supply chain éthique et performante

Une évolution qui survient également seulement trois ans après l’effondrement, le 24 avril 2013, du Rana Plaza, au Bangladesh. Un drame qui amène de plus en plus les marques à reprendre progressivement en main la maîtrise de leurs approvisionnements, sécuriser les conditions de travail, la qualité des matières premières et à répondre à la prise de conscience des consommateurs. « En digitalisant les process supply chain au travers de notre solution, nous créons de la valeur en permettant aux industriels du textile de centraliser de la donnée, d’assurer une traçabilité complète et une audibilité de leur production, depuis les commandes de matières premières jusqu’à la livraison en entrepôt », ajoute Patrick Bourg. La solution répond alors naturellement aux besoins accrus de transparence, permettant également aux marques de s’adapter aux nouvelles contraintes réglementaires ou à l’obtention de labels mais aussi, plus récemment, à la hausse des droits de douane : « D’actualité en actualité, la difficulté à mettre en place des process d’approvisionnement favorisant l’éthique, la performance économique et répondant aux contraintes réglementaires est démontrée », assure le dirigeant. Pour ce faire, l’entreprise participe aux travaux de la Chaire Bali, réunissant des acteurs de l’industrie textile mode et luxe désireux de collaborer pour une mode circulaire, transparente et agile. À ce titre, en 2023, Pantxika Ospital, docteure consultante au sein d’e-SCM, la Chaire et un professeur de l’école d’ingénieurs Estia ont réalisé une étude concernant les potentialités du Passeport Numérique pour les produits textiles. Ce travail a été retenu par le parlement européen pour réaliser une étude complémentaire. Grâce à ces travaux, e-SCM s’est dotée d’un nouveau module permettant de collecter toutes les données nécessaires pour démontrer la conformité des produits traités avec la loi Agec, avant même sa promulgation.

Et l’innovation ne s’arrête pas là. Depuis trois ans, l’entreprise développe également un projet baptisé « e-SCM Scale Up » afin de marquer le changement d’échelle de sa solution et de se lancer à l’international. À ce titre, les équipes accompagnent désormais la marque Hummel, équipementier danois, désireux de se doter du portail fournisseurs e-SCM. Le projet recouvre aussi d’autres dimensions : une restructuration de toute l’architecture technique et applicative de l’outil, ainsi qu’un projet pilote autour de l’intelligence artificielle dont les résultats devraient être dévoilés d’ici fin 2025. « Heureusement que l’on a rêvé un peu il y a 20 ans. Aujourd’hui, nous disposons de ces années d’expérience pour servir une mode que nous espérons de plus en plus éthique et durable, au travers d’un outil en perpétuel évolution », conclut Patrick Bourg.