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La supply chain à l'heure de la résilience

Publié le 29 juin 2020

Tout en accélérant certains mouvements d’ores et déjà en marche comme la digitalisation et l’e-commerce, la crise sanitaire aura fait apparaître plusieurs leçons majeures. Un retour aux fondamentaux avec le multisourcing mais également une approche plus fine de la gestion des risques, et une revue systématique de la supply chain end-to-end.

1. Retour sur une crise en plusieurs temps

« Il y a eu deux phases dans la réponse des supply chains des industriels à la crise, introduit Olivier Bonneau, associé supply chain chez Deloitte. Jusqu’à fin février ces derniers ont tenté de la gérer de manière classique en réallouant les unités de production ou de stocks entre leurs différentes usines ou points de stockage, de distribution, de vente, et, lorsque cela devenait nécessaire, en utilisant leurs stocks de sécurité ». Face à cette situation, une forte dispersion dans la capacité à réagir des différents acteurs est alors observée : « Ceux qui possédaient des supply chains matures, dotées de technologies avancées pour une vision de bout en bout, ont su se montrer plus résilients, plus longtemps », juge-t-il. La seconde période, avec l’établissement du confinement, a vu surgir un nouveau type de défi : « Des ruptures d’approvisionnement en amont, au départ liées aux fournisseurs, puis aussi aux capacités de transport à l’international, et rapidement ensuite aux capacités de production locale. La chute de la demande a enfin indéniablement réduit l’activité », poursuit-il. Il s’est avant tout agi de définir, en plein coeur du confinement, comment assurer les activités minimales, avant de réfléchir à une reprise. À ses prémices, le premier sujet de discussion a concerné la gestion des opérations à très court terme : que faire des productions arrêtées comme dans l’automobile qui a complétement stoppé ses chaînes de production ? Mais l’urgence et les questionnements étaient également sanitaires : comment assurer la sécurité et la santé du personnel ? « Puis très rapidement dès le mois de mars, les questions des industriels se sont focalisées sur la gestion de la reprise juste après-crise : comment reprendre des activités complètement arrêtées, parfois pour la première fois, et surtout quand ? L‘évolution moyen – long terme n’était logiquement pas à l’agenda », détaille Olivier Bonneau. Avec en filigrane, la problématique : Comment gérer cette sortie de crise progressivement ?

 

Les trois temps de la crise

Car la pandémie de Covid-19 aura montré la diversité de ses impacts selon les filières : « La situation a été très variée en fonction des secteurs d’activité et même à l’intérieur des entreprises, confirme Olivier Dubouis, managing director du cabinet de conseil en supply chain management Diagma. Selon les produits, certains clients ont eu à gérer des pics d’activité alors que d’autres se sont retrouvés avec du stock. » Face à ces situations variées, la filière aura néanmoins dû montrer ses capacités d’adaptation et d’agilité : « On a, par exemple, observé une explosion du e-commerce dans le textile alors que les magasins étaient fermés. Cela veut dire que les entreprises ont dû se réorganiser autant que possible avec une partie des équipes sur l’e-commerce, l’autre en chômage partiel », évoque-t-il. Si les impacts du confinement se sont avérés très variables d’un secteur industriel à l’autre, Elisabeth Auzanneau, associée de Diagma, observe néanmoins certains points communs : « Toutes les entreprises ont été amenées à gérer leur activité dans l’urgence car le confinement a été brutal. La priorité a été : que doit-on arrêter et quelles sont les activités essentielles à maintenir ? Comment projette-t-on notre futur pour décider de ce que l’on fait avec nos équipes ? ».

 

Le maître mot essentiel durant les différentes étapes et soubresauts de cette crise aura été l’adaptabilité. « Toute la complexité a alors consisté pour les organisations, quelles qu’elles soient, à gérer les trois temps de la crise : le temps court face à l’urgence, le temps moyen avec la sortie du confinement et le temps long qui implique une nécessaire réflexion stratégique », résume Laurent Giordani, associé chez Kyu Associés. Face à la première vague chinoise auront été amorcés les questionnements sur notre dépendance vis-à-vis de ce territoire, nos schémas industriels en place, ainsi que sur notre capacité de visibilité et de maîtrise de nos fournisseurs : « Un premier électrochoc qui a mis les organisations en mouvement. Et, en février, tout le monde était en train de cartographier ses fournisseurs et commençait à chercher des solutions alternatives », analyse Xavier Roussel, senior manager du cabinet de conseil Kyu Associés. Ont suivi deux autres vagues successives : l’Europe puis les États-Unis. « Plus la supply chain est internationale, plus cela implique des degrés de problématiques multiples selon les périodes de confinement étalonnées pour chaque pays, les producteurs ou marchés client concernés, ainsi que les moments où ils en sortent… En revanche, cette gradation permet également de tester des dispositifs à l’échelle d’un pays et de réaliser un retour d’expérience ».

 

Accélératrice de transformations

Pour certains, cette période aura par ailleurs eu l’avantage de mettre à jour des capacités d’adaptation parfois insoupçonnées, avec la mise en place de dispositifs nouveaux en quelques semaines, qu’elles auraient pensé devoir étaler sur plusieurs mois en temps normal : « Les entreprises se sont rendu compte qu’elles pouvaient être plus agiles. Une notion d’agilité, qui a été contrainte et forcée par la crise, mais qui devrait demeurer. Par exemple, dans l’une de nos missions portant sur l’évolution du réseau de distribution d’un client, nous avions formulé des hypothèses en début de mission sur l’e-commerce. Elles ont été revues et augmentées pendant la crise et un scénario à la hausse a été pris en compte sur le long terme », décrit Olivier Dubouis. Si le renforcement du e-commerce et la virtualisation des échanges à distance observés pendant l’épisode épidémique s’avèrent sans doute plus structurels que conjoncturels, la crise aura néanmoins endossé un rôle d’accélérateur de ces deux mouvements. « Il existait encore de nombreux freins dans certaines entreprises sur l’aspect télétravail. Lors de cette crise, tout le monde a été mis au pied du mur pour expérimenter comment collaborer efficacement à distance. Et, finalement passées les problématiques d’accès sécurisée aux systèmes d’information, de gestion managériale et de continuité du lien social, il s’est avéré que cela fonctionnait mieux que prévu. Ces réflexions seront donc impactantes », analyse Xavier Roussel.

 

Olivier Bonneau chez Deloitte se montre convaincu de l’accélération du mouvement de la digitalisation au sortir de ce confinement pour mieux appréhender la reprise, l’utilisation de ces nouvelles technologies venant répondre à des problèmes opérationnels : « Le principal défi de l’après-crise consiste en la bonne interprétation des signaux de la demande et en leur bonne utilisation dans des scénarios de reprise des opérations (fourniture de matières, de matériaux, d’équipements, de produits semi-finis jusqu’à la distribution des produits auprès des clients). Une simulation rendue d’autant plus aisée que les entreprises auront mis en place de nouvelles technologies leur permettant de capturer ces signaux. Celles qui auront su le faire vont prendre une longueur d’avance sur les autres… » 

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