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et logistique

Transversal

La supply chain à l'heure de la résilience

Publié le 29 juin 2020

2. Une revisite nécessaire de sa supply chain face aux risques

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La crise aura par ailleurs mis en lumière la dépendance de la France sur certains approvisionnements, notamment en matière de supply chain pharmaceutique. À l’aune des bouleversements provoqués par ce tsunami sanitaire mondial, certains parlent déjà de démondialisation et de relocalisation en masse sur le territoire hexagonal. De fait, si certaines relocalisations pourraient avoir lieu, Laurent Giordani nuance le propos : « Il n’y a pas tant de secteurs pour lesquels elles seront nécessaires, pertinentes et profitables. Il n’y aura pas un raz-de-marée de relocalisations, mais davantage des réflexions sur un rééquilibrage : Apple a par exemple réduit sa dépendance vis-à-vis de la Chine en s’alliant avec ses partenaires chinois pour qu’ils délocalisent en Asie du Sud-Est, afin de se montrer plus résilient face à un nouveau choc quel qu’il soit ». Car derrière ce rêve de bouleversement de paradigme et de changement total de modèle systémique, demeurent certaines questions d’ordre pratiques : le territoire français est-il prêt à accueillir des usines dites polluantes, avec des risques d’accidents industriels ? « Il faut avant tout une solide politique de gestion des risques pour garantir l’acceptation par les collectivités et les riverains. Cela ne se fera qu’avec le soutien, l’impulsion, voire la coercition de l’État et seulement sur certains secteurs particuliers. Beaucoup d’activités ne se relocaliseront pas tant que l’on n’aura pas trouvé de façon de les produire moins cher. Au final, la rentabilité demeure le principal arbitrage », poursuit Laurent Giordani.

 

La mise en pratique de relocalisations devrait ainsi varier selon les secteurs, chacun d’entre eux n’étant pas exposé au même système de risque. « Selon le bilan réalisé par chaque filière sur l’impact de la crise sanitaire, les projections amèneront certains à ne rien changer, parce que l’économie l’emportera sur le reste et qu’il faudra continuer à trouver des sources pour répondre à la demande avec des coûts de production et logistiques intéressants. Tandis que d’autres, ayant beaucoup souffert et cherchant absolument à éviter que cela se reproduise, se tourneront sans doute vers du multi-sourcing », prévoit Elisabeth Auzanneau. Cette possibilité est d’ailleurs une des trois mesures prioritaires pour rendre sa supply chain plus robuste évoquée à 37 % par les répondants au sondage mené par Diagma entre mi-avril et début mai, sous la proposition « diversifier/ relocaliser le sourcing », au même niveau que le « recours aux nouvelles technologies pour augmenter sa visibilité et ses capacités de pilotage » (37 %) et derrière l’accélération de la digitalisation des ventes (à 51 %).

 

Faire un bilan exhaustif de sa supply chain

Chez Deloitte, Olivier Bonneau n’anticipe à cet égard pas un changement de paradigme sur la supply chain mais l’accélération de diverses évolutions : « Les industriels vont devoir transformer leur supply chain et accélérer leur transformation sur trois niveaux : tout d’abord, en redéfinissant leur stratégie d’approvisionnements et de rationalisation du portefeuille fournisseurs. Beaucoup d’industriels vont certainement chercher des solutions en dehors de l’Asie, par exemple en Amérique latine, extrêmement riche en minerais et dotée de beaucoup d’industries secondaires et, bien évidemment, tenter des approvisionnements régionaux voire locaux », estime-t-il. Sur l’aspect gouvernance ensuite, « on voit que beaucoup d’industriels ont mis en place des logistiques drivées par des indicateurs de performance financiers et des reportings opérationnels quand le concept de supply chain et de tour de contrôle fait appel à des notions d’outils d’aide à la décision et de simulation de scenarios de planification ». Des actions nécessaires pour anticiper des leviers d’optimisation capables de répondre à certains risques comme une forte variation de la demande, qu’elle soit induite par des risques sanitaires ou par des changements drastiques de la part des consommateurs.

 

Le troisième niveau évoqué par Olivier Bonneau se situe d’un point de vue purement opérationnel : « Les mouvements en marche depuis environ cinq ans sur le développement durable et l’économie circulaire vont prendre encore plus de sens car les industriels, en repensant leur modèle, vont intégrer ces notions dans la redéfinition de leur gouvernance ainsi que sur leur réseau de distribution et de manufacturing », termine-t-il. Des démarches mises en place par les sociétés à l’heure où elles doivent désormais dresser et mettre en place une feuille de route de reprise. Pour les accompagner dans cette tâche, le cabinet de conseil Diagma a développé une offre intitulée « Réussir le rebond post Covid-19 » visant à mener, avec ses clients, un bilan exhaustif sur leur supply chain étendue, en balayant avec eux les listes de bonnes pratiques à mettre en place : « Une revisite de la supply chain end-to-end, qui avait eu tendance à être oubliée », juge Olivier Dubouis. Un oubli qui s’explique par des logiques purement économiques mises en place par les entreprises : « Même si elles n’ignorent pas leur marché, elles ont tendance à considérer leur supply chain comme un levier de création de valeur dans leur périmètre et à oublier que certains modes de fonctionnement avec les clients et des fournisseurs peuvent également être créateurs de valeur. C’est encore plus vrai si cela s’étend à d’autres critères que financiers : protéger la planète, les employés… L’avenir dira quelles entreprises auront réussi à sortir de cette crise, en infléchissant leurs orientations », conclut Elisabeth Auzanneau.

Focus

Diagma accompagne la reprise

Le cabinet de conseil en supply chain Diagma a, entre mi-avril et début mai 2020, mené un sondage auprès de la communauté supply chain en France portant sur plusieurs points : l’impact du Covid-19 sur les entreprises et leur supply chain, les actions menées par ces dernières pour y faire face, les mesures de reprise envisagées. Il en ressort que près de 80 % des entreprises interrogées indiquent avoir connu une baisse de leur chiffre d’affaires pendant la crise. Une diminution qui s’avère moindre sur les activités en ligne : 68 % y déclarent un chiffre d’affaires stable ou à la hausse. Parmi les dimensions de la supply chain les plus impactées par le Covid-19 figurent à 48 % la défaillance des fournisseurs/sous-traitants (mais les deux tiers des répondants déclarent que leurs fournisseurs ont pu assurer quand même une continuité de service satisfaisante). Autres impacts constatés : une baisse de la productivité à 43 % et un surcoût lié à la continuité du service client pour 38 % des répondants. 80 % des sondés ont déclaré avoir mis en place un plan de reprise d’activité, deux tiers d’entre eux envisageant par ailleurs, à l’époque, une sortie de crise sous six mois ou moins. À moyen terme, sur leurs projets d’amélioration de la supply chain, un tiers des sondés indiquaient vouloir conserver l’intégralité de leurs projets tandis que plus de la moitié comptaient restreindre leurs budgets aux projets critiques ou déjà engagés et 12 % déclaraient geler tout projet de ce type.

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