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Innovation

À Lyon, des jumeaux numériques pour décrypter la logistique urbaine

Publié le 27 octobre 2022
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Au coeur de la métropole lyonnaise, SystemX travaille depuis deux ans sur la conception d’un jumeau numérique pour analyser les impacts de la logistique urbaine dans le nouveau quartier de La Confluence. Un travail de défrichage sur un sujet encore peu traité par le monde de la recherche, intégré au coeur du projet européen Lead.

Voilà plus de deux ans que le projet Lead (pour Low emission adaptative last-mile logistics through digital twins) a été lancé dans six grandes villes européennes. Son objectif est d’analyser les flux logistiques du dernier kilomètre dans ces métropoles et de réfléchir à la façon dont ceux-ci devront évoluer pour réduire leurs niveaux d’émissions polluantes. Et pour cela, différents jumeaux numériques ont été créés, reproduisant les réseaux logistiques urbains de Madrid, La Haye, Budapest, Lyon, Oslo et Porto, en y intégrant les différents processus et acteurs de la logistique urbaine implantés. Un projet de recherche et développement qui s’appuie également sur la coopération de 26 partenaires sur le terrain pour tester des solutions innovantes, qui pourront être modélisées dans les jumeaux numériques afin d’identifier les business models les plus pertinents.

 

Un manque d'information

Dans l’agglomération lyonnaise, où sont livrés près de 14 000 colis par jour, ce projet est porté par LPA (Lyon Parc Auto) et Lyon Confluence, qui ont fait appel à l’institut de recherche technologique SystemX. Celui-ci développe des solutions logicielles dans différents domaines, dont la mobilité des biens et des personnes. Avec 150 ingénieurs, l’institut monte des projets sur mesure pour répondre à des problématiques identifiées, afin de créer un dialogue avec le tissu industriel. « Nous ne faisons pas de recherche fondamentale. Ce qui sort de notre travail, ce sont des preuves de concept préindustrielles qui peuvent être ensuite transformées par nos partenaires pour être utilisées sur le marché », explique Yann Briand, manager chez SystemX. Sur le projet de jumeaux numériques à Lyon, l’institut est en charge de la mise en place d’une plateforme dans une approche open source. « Nous voulons faire émerger des outils d’aide à la décision face à des systèmes devenus particulièrement complexes, de par la digitalisation d’un certain nombre de processus et leur dimension interconnectée ». Face à la multiplicité des données, des informations et des scénarios plausibles, les opérateurs doivent pouvoir évaluer le réel et faire des simulations.

 

Un exercice difficile tant le périmètre de la livraison du dernier kilomètre reste encore assez inexploré et opaque. « Comprendre les flux logistiques sur un territoire est complexe car on manque d’informations. Il faut donc avant tout pouvoir s’appuyer sur les bonnes données pour analyser la situation. Nous travaillons sur le périmètre de la métropole de Lyon, avec un gros plan sur le quartier de La Confluence. Celui-ci est en pleine mutation depuis 15 ans, et une dizaine de milliers de mètres carrés de logements et de bâtiments tertiaires vont encore être construits dans les années à venir. Notre interrogation est donc de savoir comment cet accroissement de population va faire évoluer la demande, et ce que cela va représenter en termes de flux logistiques complémentaires. L’objectif étant ensuite de réfléchir à la façon dont on pourrait limiter les externalités de la logistique du dernier kilomètre tout en répondant à ses besoins », détaille Yann Briand.

 

Un focus sur le BtoC, couplé à une expérimentation terrain

Ce travail doit passer par une consolidation des informations sur l’offre et la demande dans la zone, alors que les études sur le sujet remontent parfois à une dizaine d’années, avec des données en partie obsolètes face à la montée du e-commerce. « Les collectivités locales n’ont aucune manière de quantifier la saisonnalité de l’activité logistique par exemple. Nous sommes donc sur un champ exploratoire qui va permettre de donner des clés pour réfléchir à des moyens d’accompagner les évolutions », note Yann Briand. Dans ce sens, SystemX se focalise principalement sur la livraison BtoC du dernier kilomètre, qui dispose de plus de données d’études. Et pour étoffer son travail, l’institut peut compter sur les expérimentations terrains menées parallèlement dans le quartier de La Confluence. En effet, LPA et Lyon Confluence ont installé une plateforme de logistique urbaine au sein du parc de stationnement Marché Gare depuis le printemps dernier jusqu’à mi-2023, pour tester des solutions logistiques à faibles émissions.

 

Le projet s’appuie sur deux acteurs : l’opérateur Swoopin, spécialiste de la livraison en vélos-cargos électriques, et le fournisseur d’équipements Rexel, qui dispose de 88 places de stationnement. Swoopin se charge du déchargement des vans électriques et des livraisons en centre-ville via 40 vélos-cargos tandis que Rexel s’appuie sur des cellules de consignes, destinées à ses clients artisans et aux entreprises du bâtiment, afin de réduire le nombre de livraisons et de kilomètres parcourus. Et ces actions concrètes seront connectées et modélisées dans le jumeau numérique développé par SystemX, afin de mesurer leurs impacts sur le trafic urbain, l’environnement et l’organisation de la logistique, tout en testant leur réplicabilité. De quoi entretenir des échanges avec les cinq autres laboratoires d’expérimentation européens, en s’appuyant sur des données concrètes : nombre de livraisons, poids des colis, type de marchandises, kilomètres parcourus en amont et en aval. Le jumeau numérique pourra calculer la valeur des indicateurs afin de permettre de qualifier la logistique et ses impacts (la quantité de CO2 émise par livraison par exemple). « L’exécutif lyonnais est très préoccupé par ces sujets autour des énergies alternatives et leurs impacts (en particulier le développement des motorisations électriques). En ce sens, les outils de simulation multi-agent que nous développons permettent de renseigner les données de l’ensemble des acteurs de la logistique, et d’observer l’acceptabilité économique de différents scénarios. Il est facile de dire que l’on va mettre en place une ZFE, mais il faut mesurer ce que cela représente comme efforts économiques pour les entreprises, et voir quand les mutations de flottes sont possibles », souligne Yann Briand.

 

Des données pour penser les organisations de demain

Le jumeau numérique que développe SystemX a déjà permis de recréer certaines chaînes d’approvisionnement dans la zone en s’appuyant sur une demande et une infrastructure théoriques. « Les chiffres obtenus sont à priori en dessous de la réalité, car nous nous basons sur une organisation optimale, jamais vraiment atteinte. Cependant, ils permettent de dégager des tendances pour la zone d’ici à 2030. En 10 ans, on peut ainsi s’attendre à un doublement des livraisons de colis quotidiennes, avec un accroissement de la consommation électrique de par la mutation des flottes. Ces chiffres permettent de penser aux infrastructures et aux organisations nécessaires, ainsi qu’aux verrous qui pourront se présenter ». Le projet met en lumière l’importance des centres de consolidation pour concentrer les flux et assurer la livraison du dernier kilo mètre avec des moyens plus verts. « Le travail sur ces scénarios amène à des questions intéressantes : imposer la logistique décarbonée sur tout le territoire pourrait s’avérer contraignant pour, finalement, peu d’impacts compte tendu de la trajectoire prise par l’écosystème. Il vaut mieux donc mettre en place des hubs à l’échelle des quartiers, qui pourraient être alimentés par des véhicules thermiques dans des voies réservées, puis viser une livraison du dernier kilomètre plus propre », évoque Yann Briand.

 

Projet pensé sur trois ans, Lead attaque désormais sa dernière année avec pour objectif central la finalisation du jumeau numérique, en approfondissant ses capacités, afin de pouvoir en faire un outil utilisable par tout l’écosystème. « Nous sommes dans une optique open source, et il faut que ces outils puissent être pris en main par tous les opérateurs de logistique concernés. Nous travaillons sur les interfaces de visualisation graphique afin que les utilisateurs puissent naviguer plus facilement dans les résultats ». Et SystemX veut aller plus loin après Lead, avec son projet de recherche Memolog dont le but est de proposer une modélisation des systèmes de mobilité et de logistique. L’institut, accompagné par l’université Gustave Eiffel, recherche actuellement des partenaires industriels et logistiques ayant des cas d’usage. Le projet bénéficiera d’un dispositif d’accompagnement financier au titre du plan d’investissement France 2030 et visera la production de connaissances et de solutions intégrées autour de différentes problématiques : conception de nouveaux services de mobilité à la demande, évaluation d’une politique de logistique décarbonée, ou encore optimisation des infrastructures connectées.

 

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