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Les Hauts-de-France, région logistique

Publié le 25 avril 2024

7. « Inciter les logisticiens et les chargeurs à organiser leur logistique en intégrant le maillon fluvial »

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Société du Canal Seine-Nord Europe | Pierre-Yves Biet, directeur des partenariats et territoires de la Société du Canal Seine-Nord Europe.

Le canal Seine-Nord Europe va relier le réseau fluvial français au réseau européen à grand gabarit à partir de 2030. Ce chantier immense sur 107 kilomètres de voies navigables participera de la restructuration de la logistique dans le quart nord-est européen et pourrait créer 15 000 emplois dans les Hauts-de-France. Entretien avec Pierre-Yves Biet, directeur des partenariats et territoires de la Société du Canal Seine-Nord Europe.

Pouvez-vous nous dire ce qu’est le projet de réseau Seine-Nord Europe ?
Ce projet constitue le maillon central d’un grand réseau fluvial européen, appelé Seine-Escaut, qui reliera sur 1 100 kilomètres de voie à grand gabarit le bassin de la Seine, les Hauts-de-France et la Belgique. Le Canal Seine-Nord Europe est un nouveau canal à grand gabarit qui reliera Compiègne dans l’Oise à Aubencheul-au-Bac, dans le Nord, soit 107 kilomètres, avec cinq objectifs : relier le réseau fluvial français au réseau européen à grand gabarit et élargir le transport fluvial, développer un mode de transport écologique, renforcer la compétitivité des entreprises du territoire, accroître l’attractivité des régions desservies et enfin augmenter le potentiel des ports maritimes par de nouveaux débouchés de navigation. Le programme d’investissement représente 10 milliards d’euros et le réseau fluvial européen sera opérationnel en 2030. Dans les Hauts-de-France, les 107 kilomètres de voies navigables aménagées sur le canal Seine-Nord Europe (CSNE) bénéficieront d’un investissement total de plus de 5 milliards d’euros.

 

En quoi est-ce essentiel d’augmenter le gabarit des canaux ?

Le transport fluvial enregistre une part très variable selon les pays ; il représente 45 % du transport total de marchandises aux Pays-Bas, 18 % en Belgique et seulement 2 % en France. Pour augmenter le volume transporté, il faut notamment connecter entre eux les bassins à grand gabarit, ce qui manque à notre pays. La Seine n’est pas connectée pour le grand gabarit au reste du réseau européen, mais uniquement reliée par les petits canaux construits aux XIXe et XXe siècles. Les canaux vont ainsi passer d’un gabarit actuel de 750 tonnes, avec une largeur de 31 mètres et une profondeur de 3 mètres, à une capacité, pour le canal Seine-Nord Europe, de 4 400 tonnes, soit 54 mètres de large et 4,5 mètres de profondeur. Ces travaux exceptionnels nécessitent notamment la création de sept écluses, de plus de 60 ponts et passages sous le canal mais aussi de plus de 1 200 hectares d’aménagements écologiques. Les travaux ont commencé dans l’Oise voici deux ans et se poursuivront jusqu’en 2030. L’un des premiers chantiers achevés de Seine-Escaut fut la réouverture du canal Condé-Pommeroeul, reliant le Valenciennois et la Belgique, en décembre 2023. En 2030, des automoteurs rhénans, de 135 mètres de long et emportant plus de 3 000 tonnes de marchandises, pourront circuler entre la Seine et le port de Dunkerque.

 

Quels seront les avantages de cette transformation ?

Ils seront multiples. Les futures traversées des barges seront plus rapides sur le canal Seine-Nord Europe : entre 17 à 20 h de navigation contre 30 heures aujourd’hui. Elles pourront circuler 24h sur 24 avec des équipages qui se relaient. À l’échelle du réseau Seine-Escaut, la compétitivité de la voie d’eau sera très supérieure et les prévisions de trafic pour 2035 sont 25 % supérieures par rapport à l’heure actuelle. Un automoteur de 135 mètres toutes les demi-heures équivaut à un camion de 25 tonnes toutes les neuf secondes. Et à l’échelle de Seine-Escaut en France, la réduction du trafic routier devrait atteindre 1 million de poids lourds par an, quelques années après l’ouverture du canal. Le trafic fluvial devrait être multiplié par cinq, principalement sous l’effet du report modal du transport routier. Le fait de connecter la Seine avec le canal Seine-Nord Europe aura également d’importantes conséquences économiques. Le canal va entraîner un meilleur fonctionnement du fleuve tant pour les flux internes au bassin que pour inciter les chargeurs et logisticiens de Normandie et d’Île-de-France à travailler avec les Hauts-de-France et des régions du Nord de l’Europe.

 

Quels aménagements logistiques sont prévus le long de ce canal à grand gabarit ?

Le réseau Seine-Escaut va devenir un corridor économique et écologique, logistique et industriel très fort. Il s’agit ni plus ni moins que de la restructuration de la logistique dans le quart nord-ouest européen. L’idée est d’inciter les logisticiens et les chargeurs à organiser leur logistique en intégrant le maillon fluvial, très bien connecté aux ports maritimes, à la route et à la voie ferrée pour plusieurs des ports intérieurs. Tout le long du réseau Seine-Escaut, les acteurs sont déjà mobilisés. C’est le cas de Haropa (Ports de Le Havre, Rouen et Paris), avec le projet autour du port Seine Métropole Ouest dans les Yvelines, qui sera un levier très fort de la logistique multimodale au même titre que les ports de Paris-Oise, Delta 3, Valenciennes-Escaut, Béthune ou Lille dans les Hauts-de-France. C’est toute une armature portuaire qui va être complétée. L’aspect réindustrialisation est très important et les cartes vont être rebattues dans les prochaines années. Car les entreprises qui s’implanteront dans les Hauts-de-France et sur tout le réseau fluvial Seine-Escaut seront connectées au plus grand bassin de population européen.

 

Quelles sont les perspectives en matière d’emploi ?

Au plus fort du chantier, soit à partir de 2026, nous estimons à 6 000 le nombre de professionnels qui participeront à la construction du nouveau canal à grand gabarit, dont environ 3 000 emplois créés spécialement pour le canal. Une démarche « Grand chantier » est mise en œuvre sous le pilotage de la région Hauts-de-France et de l’État pour optimiser les retombées positives du chantier pour les habitants et les entreprises. Concernant les emplois qui seront générés par le canal après sa mise en service générale, soit en 2030, différents experts évoquent le chiffre de 15 000 dans les activités en lien avec le canal à l’échelle régionale. J-B.G.

 

 

Légende : L’avancement en novembre 2023 des travaux du pont sur l'Oise de la RD 66, entre Montmacq et Cambronne-lès-Ribécourt (60).
Crédit photo : © Odile & Jean-Christophe Hecquet

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