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et logistique

Interview

Covid-19 : le secteur du transport fidèle au poste mais bouleversé

Xavier Villetard, directeur associé du cabinet de conseil en optimisation transport, bp2r, décrypte les conséquences de la pandémie de Covid-19 dans le transport. Si le secteur n’enregistre pas, à l’heure actuelle, de pénurie capacitaire, la demande s’y est profondément modifiée conduisant à des flux déséquilibrés et à une visibilité confuse.

Publié le 27 mars 2020 - 14h00
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bp2r

Quelles remontées terrain avez-vous quant à l’impact de la crise sanitaire sur le secteur du transport ?

Notre connaissance de la situation chez bp2r découle des échanges que nous avons de manière assez régulière avec nos clients, les chargeurs, mais aussi leurs transporteurs. Nous avons lancé cette semaine un sondage auprès de ces derniers portant sur l’impact du Covid-19 sur le transport en France qui révèlent déjà des tendances assez marquées. On constate évidemment que le transport, comme tous les secteurs de la vie économique, est touché par la crise sanitaire actuelle. Les retours que nous avons recueillis indiquent qu’il n’y a pas de manque capacitaire, les véhicules sont toujours disponibles et les conducteurs-chauffeurs sont massivement présents pour opérer du transport. Le droit de retrait existe bien mais de manière occasionnelle. On a beaucoup entendu parler ces derniers jours des difficultés rencontrées par les conducteurs dans l’exercice de leurs fonctions, et certaines organisations syndicales avaient menacé de conduire à un droit de retrait généralisé. Cela n’a pas été le cas car le gouvernement a apporté un certain nombre de garanties pour améliorer les conditions de travail des conducteurs pour faire en sorte qu’ils puissent exercer leur métier dans des conditions plus dignes et être mieux accueillis par les chargeurs ou les logisticiens lors des opérations de chargement et déchargement.


Pourrait-il néanmoins y avoir un ralentissement et un manque capacitaire sur les prochaines semaines ?
Avec le transport international et pan-européen, on rencontre un autre problème qui n’est pas sanitaire, mais qui relève de la libre circulation des véhicules avec les fermetures de frontières qui ont été décidées récemment. Là aussi, des mesures de fluidification de la circulation ont été prises et sont en cours de mise en œuvre pour faire en sorte – c’est la volonté des états européens* – de laisser circuler les véhicules sur le territoire européen. Dans notre sondage, la plupart des entreprises répondent qu’à ce stade, les opérations de transport sont fortement perturbées mais nous ne sommes pas encore dans une situation de risque capacitaire, qu’il s’agisse de transport domestique français ou de transport européen. Evidemment, bien malin qui pourrait dire ce qui va se passer dans les prochaines semaines car nous sommes dans une situation très exceptionnelle et incertaine…


Vos clients et leurs transporteurs évoluent sur différents segments de marchandises, certains beaucoup plus affectés que d’autres…
Tous les marchés ne sont bien sûr pas affectés de la même façon, il existe des particularismes. La demande de transport s’est profondément modifiée : on observe donc une situation dichotomique avec tout un pan de l’activité fortement impacté ou à l’arrêt, enregistrant une très forte baisse, et d’autres qui font figure d’exception, comme l’agroalimentaire et la pharmacie, avec des rythmes plutôt supérieurs à la normale. La conséquence de cela, c’est que les plans de transport, qui consistent en une combinaison de flux aller et de flux retour, sont extrêmement perturbés. Souvent les transporteurs interviennent sur plusieurs secteurs d’activité mais aujourd’hui, il leur arrive d’acheminer du fret dans un sens mais pas dans l’autre. Les déséquilibres de flux se sont donc accentués et rendent les opérations de transport très complexes. Étant donné que les prix de transport, établis avec leurs clients chargeurs, sont construits sur un flux régulier et optimisé, cela pose des problèmes de rentabilité et d’équilibre capacitaire.

 

S’agissant de visibilité, tout ce qui pouvait être réalisé en matière de planification devient donc caduc actuellement ?
Complétement. C’est quasiment la découverte d’une journée sur l’autre, car des sites d’activité ont progressivement interrompu leurs opérations tandis que d’autres reconsidèrent leur décision et, après une mise à l’arrêt, souhaitent rouvrir certaines agences de distribution. Tous les mouvements sont donc possibles. Nous sommes dans une situation erratique qui varie selon les décisions prises par les entreprises et provoque des difficultés opérationnelles.

 

De quelle manière accompagnez-vous vos clients dans cette période exceptionnelle ?
La plupart de nos clients ont mis en place des cellules de crise, et les directions transport, opérationnelle, et supply chain savent très bien gérer ces situations. Notre métier consiste à les accompagner sur les projets de transformation et optimisation du transport. À ce titre, nous essayons de les orienter de la meilleure façon possible plutôt sur le moyen terme, ce qui n’est pas forcément évident en ce moment. Nous faisons en sorte de leur donner une meilleure visibilité sur le marché pour essayer de leur proposer un éclairage de la situation et les aider à prendre des bonnes décisions dans un horizon de quelques semaines. Car il ne faut pas oublier que la crise va durer plusieurs mois, et qu’il faudra ensuite reprendre. Sans vouloir trop anticiper, nous réfléchissons également à la manière d’assurer la continuité de l’activité une fois que le confinement sera levé.

 

* La Commission européenne a publié le 24 mars un document pour « la mise en œuvre de lignes directrices concernant les mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels » : des orientations pratiques pour garantir la continuité de la circulation des marchandises sur tout le territoire de l'UE au moyen de voies réservées.

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