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et logistique

Interview

Face à face : Eric Hémar, président de l'Union TLF

Eric Hémar observe les différents impacts de la crise sanitaire sur les acteurs de la filière et détaille les axes de travail sur lesquels entend s'engager à l'avenir l'Union des entreprises de transport et de logistique de France. [Entretien réalisé fin août 2020]

Publié le 25 septembre 2020 - 11h00
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Union TLF

Quel état des lieux peut-on faire de la filière suite à la crise sanitaire ?

Nos adhérents TLF ont comme préoccupation majeure de savoir comment vont se porter leurs clients, car nous sommes avant tout dépendants de leur bonne santé financière. On constate fin août une situation assez contrastée avec trois grands groupes : ceux qui ont eu beaucoup de volumes pendant le confinement, comme la GMS alimentaire qui est venue contrebalancer l’arrêt de la restauration hors foyer et collective. Aujourd’hui, globalement, nos clients de la GMS retrouvent des volumes plus classiques et font face à des problématiques qui existaient avant la crise comme le déplacement de la consommation vers les surfaces moyennes et petites plutôt que vers les grandes. Le deuxième groupe concerne les clients qui ont dû arrêter leur activité pendant la crise mais qui ont connu un effet de rattrapage significatif depuis juin comme la distribution non alimentaire (textile, high-tech, bricolage, etc.). La situation y est plus nuancée avec quelques secteurs, comme le bricolage, qui sont repartis très fortement et au-delà de leur moyenne habituelle, et d’autres enseignes non alimentaires, comme le textile et l’ameublement, qui doucement reviennent à une situation un peu plus normale mais encore en dessous de leurs mois traditionnels. Et enfin, on a des secteurs qui n’ont pas vraiment repris comme l’aéronautique ou l’industrie automobile.

 

Qu’en est-il des transporteurs et des prestataires logistiques ?

Les transporteurs réallouent leurs moyens en fonction de cette situation. On observe néanmoins que l’activité des secteurs revenus à la normale ne compense pas ceux qui restent à l’arrêt et l’on se retrouve dans une période de déséquilibre entre l’offre et la demande. Si ce n’est pas trop visible aujourd’hui, c’est parce que le chômage partiel reste utilisé et que l’ensemble de l’offre de transport n’est pas encore redéployé. Cela devrait prochainement avoir un impact sur les prix. On fait ainsi face à une problématique : comment faire pour ne pas assister à des faillites en cascade de transporteurs ? Sur la partie entreposage et logistique, les acteurs demeurent très dépendants de leurs clients. Les volumes significatifs de fin d’année vont commencer à apparaitre dans les prochaines semaines. Les difficultés liées à la conjoncture pourraient plutôt commencer en début d’année prochaine.

 

Quel état d’esprit percevez-vous aujourd’hui chez vos adhérents ?

Chez TLF, les dirigeants des entreprises sont des combattants : ils n’attendent pas que d’autres règlent leurs problèmes à leur place. Cependant, ils expriment globalement une certaine inquiétude pour la rentrée. Leur sentiment général consiste à se dire : « Attention, on va maintenant rentrer dans une crise économique plus classique mais qui peut s’avérer plus longue ». Ils sont également très vigilants sur l’évolution de la situation sanitaire.

 

Quels sont aujourd’hui les grands chantiers sur lesquels œuvre l’Union TLF ?

Nous avons plusieurs enjeux à relever. Sur la partie offensive, un sujet important, dans les deux ou trois années à venir, concerne la transition énergétique. En tant qu’acteur important de la chaîne logistique nous pensons être capables de nous aligner sur les engagements européens et français pris en matière de suppression d’émissions d’énergie carbonée et nous avons commencé à bâtir des plans sur le sujet avec les différents partenaires et fournisseurs de véhicules. Nous œuvrons pour que cet enjeu soit bien coordonné au niveau des pouvoirs publics en y intégrant les grandes municipalités. Ce que nous ne souhaitons surtout pas, ce sont des décisions politiciennes qui déstructurent nos plans industriels de transition énergétique. Si brutalement, telle ville ou telle communauté urbaine décide, dans des délais très courts et de façon individuelle, de privilégier un mode de transport ou une organisation urbaine particulière sans qu’il y ait de concertation et coordination générale, cela peut être un désastre industriel et social. Notre groupe de travail sur la transition énergétique, sous la direction de Jean-Pierre Sancier (vice-président de TLF et ancien DG de Stef), a réalisé une note que nous sommes en train de diffuser aux hommes politiques, décideurs, présidents de communautés urbaines pour leur montrer les enjeux et la nécessité d’un plan de transformation maîtrisé.

 

Face à la crise sanitaire, sur quels axes travaillez-vous ?

Il ne faut pas que la crise mette l’ensemble du secteur à genoux. Face aux difficultés économiques qui vont exister de toute façon, il est important que le gouvernement aide la profession à éviter une guerre de prix du transport en continuant à faire preuve d’exigence en termes de respect de la réglementation, tant du côté des chargeurs que des transporteurs. Un autre enjeu, purement défensif, consiste à empêcher des initiatives intempestives qui peuvent nous gêner durant cette période, que ce soit sur des problématiques d’entreposage, d’artificialisation des terres, de moratoires, ou encore de taxes sur les entreprises e-commerce. Nous appartenons à un secteur qui crée de l’emploi et qui a la capacité d’aider notre pays pour recréer une dynamique industrielle avec des relocalisations à la clé. Si l’on met sans cesse face à nous de nombreux obstacles pour faire plaisir à certains lobbies, on ne va pas y arriver ! Nous avons eu quelques inquiétudes en juillet qui se sont un peu estompés au mois d’août. Nous espérons que le gouvernement Castex sera à notre écoute.

 

Vous attendez aussi que le maillon du transport et de la logistique soit pleinement intégré au plan de relance ?

Le mot « plan de relance » ne me semble pas correspondre à notre problématique transport et logistique. Nous évoluons dans une filière où nous sommes dépendants des volumes de l’industrie ou de la distribution. Encore une fois, à l’inverse de certains secteurs, le chef d’entreprise de transport et logistique ne fait pas ce métier avec passion pour vivre des subsides de l’État, argent qu’il va prendre tôt ou tard sur nos impôts. Ce que l’on demande au gouvernement, ce n’est pas de nous donner des milliards d’euros mais d’être capable d’accompagner l’évolution de notre secteur afin de nous aider à être plus compétitifs et de nous mettre sur un pied comparable à nos pays voisins, en termes de fiscalité, de réglementation, d’organisation du territoire, etc. C’était l’objet de mon rapport sur la compétitivité de la chaîne logistique remis il y a un an au gouvernement avec Patrick Daher ! Nous demandons aux pouvoirs publics qu’ils nous aident à améliorer la compétitivité de notre filière qui crée de l’emploi et se développe. C’est tout l’enjeu pour l’Union TLF.

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