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Transport & logistique en 2026 : progresser, sécuriser, collaborer
Une tribune signée par Christopher Keating, vice-président senior transport et logistique chez Trimble, société américaine de technologies industrielles détenant notamment la plateforme de gestion des transports Transporeon.
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Alors que nous nous tournons peu à peu vers la nouvelle année, de nouvelles opportunités émergent – et des défis s’installent. L'incertitude économique et l'instabilité géopolitique persistent, tandis que la technologie progresse toujours plus rapidement. Dans ce contexte, la capacité d'adaptation est devenue un nouvel avantage concurrentiel pour les entreprises. Pour aborder ce nouveau chapitre de la logistique, elles devront concilier intuition humaine, innovation numérique, et résilience opérationnelle.
Voici nos cinq prédictions pour l'année à venir.
1. IA : de l'engouement à la collaboration autour des données
La relation du secteur avec l'IA arrive à maturité. Le passage de l'expérimentation à l'adoption réelle s'accompagne d'un rétrécissement de l'écart technologique entre les petites et moyennes entreprises, l'IA rendant la technologie plus accessible à tous.
En 2026, l'IA s'imposera dans certaines applications courantes dans la logistique, telles que la maintenance prédictive, l'optimisation des réseaux et la tarification dynamique. Des discussions sur l'autonomie totale ont déjà lieu au niveau opérationnel. Cependant, l'expression « l'IA comme outil » est peu à peu remplacée par « l'IA comme collègue ». Les entreprises ne se demandent plus si l'IA peut les aider, mais « si l'IA peut le faire, et en combien de temps » – non pas pour éliminer les rôles humains, mais pour libérer du temps.
Le plus grand obstacle restera la qualité des données. Sujet favori de notre secteur depuis de nombreuses années, elle est enfin reconnue comme le véritable catalyseur de l'automatisation. Les entreprises devront donc affronter la réalité : pour avoir une IA véritablement autonome, il faut d'abord investir dans les données qui l'alimentent.
2. Vers un équilibre IA / équipes
Un des défis les plus importants en matière de main-d'œuvre est la gestion du changement dans son ensemble, particulièrement dans le contexte du boom de l’IA. Son intégration repose sur la condition que le personnel habitué aux processus établis accepte les changements fondamentaux qu’il implique.
Les entreprises prennent conscience de l'importance de nommer des « ambassadeurs du changement » au sein de leurs équipes. Ces employés expérimentés peuvent combler le fossé entre les processus traditionnels et les nouvelles technologies, permettant à leurs collègues de mieux gérer la transition.
Les attentes des clients ont fortement augmenté à mesure qu’ils se sont habitués à l'instantanéité et à la facilité des transactions commerciales ; s’ils souhaitaient autrefois être alertés en cas de problème, ils attendent désormais des solutions proactives et des actions autonomes. L'expérience client est ici un facteur de différenciation clé, et le modèle « humain + IA » s'avère essentiel à cet égard. Des exemples concrets apparaissent. Les assistants numériques qui identifient les langues, traduisent les communications, acheminent les demandes et signalent les problèmes accélèrent déjà les temps de réponse.
Si la technologie évolue rapidement, il faut donc savoir évoluer tout aussi rapidement avec les collaborateurs. Ils sont le fondement de la transition numérique.
3. Développement durable et intermodalité : progresser avec pragmatisme
La transition vers les carburants alternatifs se poursuivra. Cependant, les progrès au niveau de la généralisation des véhicules électriques et à faibles émissions restent limités par des lacunes en matière d'infrastructures et les contraintes économiques. Cela dit, certains segments adoptent ces véhicules plus tôt : les opérateurs de livraison locale dans certaines régions d'Europe trouvent par exemple les véhicules électriques de plus en plus compétitifs en termes de coûts. Les entreprises privilégient majoritairement les pratiques qui permettent d’allier économies et développement durable, telles que l’optimisation des itinéraires, la maintenance plus précise et régulière des véhicules, et la limitation de l’usage des documents papier.
En bref, la rentabilité et la durabilité font désormais partie d’un même objectif.
Parallèlement, l'intermodalité, qui contribue à l’aspect durable, se heurte à des difficultés liées à sa complexité. Le transport routier implique trois acteurs, tandis que le transport intermodal en nécessite au moins sept. Dans toutes les régions, le vieillissement des infrastructures et leur entretien continu, des goulets d'étranglement ferroviaires européens aux travaux routiers aux États-Unis, demeurent un frein. Et le transport maritime, routier et aérien fonctionnent tous différemment, avec des normes incompatibles. Dans l’année à venir, l'IA pourrait contribuer à combler ces lacunes grâce à des outils de planification de plus en plus intelligents. Les données et leur partage auront, ici encore, un rôle à jouer.
4. La sécurité, fondement de la résilience
Les tensions géopolitiques et la multipolarité continueront d'affecter les chaînes d'approvisionnement de manière imprévisible. Si la volatilité des tarifs douaniers a sans doute atteint son apogée (ou si les organisations ont mis en place des mesures de protection pour faire face aux fluctuations de dernière minute), l'incertitude structurelle restera constante. Les entreprises pourront tirer profit de réseaux et d’écosystèmes flexibles pour les accompagner.
La menace liée à la cybersécurité se professionnalise rapidement. Un incident mondial majeur impliquant une fuite de données due à une utilisation non sécurisée de l'IA semble inévitable dans les prochaines années, ce qui devrait inciter à mettre en place les normes de sécurité appropriées et à travailler avec des partenaires technologiques de confiance.
La fraude et le vol de marchandises sont également en augmentation, en particulier en Amérique du Nord, où des groupes criminels utilisent l’usurpation de domaine et d’identité pour parvenir à ces fins. Ce risque croissant souligne la nécessité d'améliorer la vérification et le contrôle des transporteurs (notamment à l'aide de l'IA) afin d'éviter des perturbations coûteuses.
En adoptant des plateformes basées sur l'IA et le cloud, et en collaborant avec des partenaires technologiques de confiance, les entreprises pourront renforcer leur sécurité. Les grandes entreprises ne sont pas moins vulnérables : les systèmes informatiques obsolètes ne laissent personne à l'abri. Il sera donc essentiel d'investir dans l'infrastructure cloud et de travailler vers des normes de partage des données.
5. Vers un écosystème ouvert
Une partie des difficultés du secteur des transports provient du fait que les parties-prenantes ne partagent pas suffisamment leurs données. De nombreux transporteurs continuent de protéger certaines données comme des avantages exclusifs. Cependant, le potentiel du partage est de plus en plus reconnu et pousse vers une plus grande transparence.
Dans les années à venir, la valeur des écosystèmes connectés qui permettent un échange de données fluide sera davantage exploitée, notamment de par leur capacité à fournir une visibilité en temps réel et prédictive essentielle à la prise de décision dans un contexte instable.
Si 2025 était l'année de l'expérimentation, 2026 sera celle de l'accélération. L'IA arrivera à maturité et dépassera le stade des projets pilotes, entraînant de profondes transformations organisationnelles. Le renforcement de la résilience dépendra autant de l'exploitation de l'infrastructure cloud que de l'investissement dans des données de haute qualité. L’adoption d’écosystèmes connectés, la priorisation de l'intégrité des données et l’implication des collaborateurs seront essentiels.
À propos de l'auteur
En poste chez Trimble depuis 2012, Christopher Keating est actuellement vice-président senior transport et logistique de la société américaine, et membre de son comité exécutif. Ayant succédé à Stephan Sieber en 2023 en tant que CEO de Transporeon (éditeur ayant depuis été complètement intégré à Trimble), il a également dirigé l'équipe corporate strategy et la transformation globale « Connect & Scale » de l'entreprise.
Avant d'occuper la vice-présidence de Trimble, Christopher Keating a dirigé des structures technologiques à forte croissance au sein de la branche construction de Trimble, dont SketchUp. À ce titre, il a guidé l'équipe lors de la première transition SaaS de la société, tout en développant l'activité mondiale. Il est passionné par la technologie, les voyages et la lecture.