« Derrière chaque succès commercial, il y a toujours une supply chain parfaite. » Cette formule, lancée par Bertrand Charbier, directeur du développement chez C-Log, résume bien l’importance considérable prise par la logistique dans la stratégie des commerçants. Alors que la distribution omnicanale est sur toutes les lèvres, de nouveaux concepts se développent afin de s'adapter aux usages en perpétuelle évolution des consommateurs. Tour d’horizon de ces solutions neuves et disruptives.
Le Ship-from-store face au défi de la livraison H+
Mastodonte du marché, Amazon s’est fait remarquer en réduisant drastiquement son temps de livraison depuis quelques années. Avec les services payants Premium puis Prime, le géant américain a rendu accessible au public la livraison dans la journée. Ce basculement a laissé une empreinte durable chez le consommateur. Pour Franck Journo, CEO de Neo 26, il y a « un changement de génération. Nous sommes passé du J+ au H+ : les gens veulent être livrés dans la journée. » Mais face à ce bouleversement, rendu possible par les volumes considérables de l’activité d’Amazon, les e-commerçants ont une carte à jouer : leur activité magasin. « Il faut rapprocher les stocks des clients. Et pour cela, une seule solution possible : passer par les magasins. Et ça, Amazon ne l’aura jamais », continue Franck Journo. Apparait alors un nouveau concept : le ship-from-store.
L’idée est simple : utiliser directement les stocks des magasins déjà implantés dans les centres-villes pour les commandes en ligne et la livraison plutôt que de faire appel aux stocks entrepôts. Les intérêts sont multiples. Tout d’abord géographique : pour une grande enseigne, son maillage de boutiques au cœur des villes lui permet d’avoir des stocks accessibles plus facilement pour le client, que ce soit dans le cadre du click-and-collect ou d’une livraison dans la journée par coursier. Mais il y a également un intérêt économique réel, détaillé par Franck Journo : « Là où la logistique classique coûte cher, le ship-from-store permet de réduire les frais. Avec cette solution, il n’y a pas pas de coût supplémentaire en stockage, les boutiques existant déjà. Les dépenses en picking, en préparation de commandes et en mise en colis sont réduites puisque ces activités sont effectuées directement par les collaborateurs en magasins. La seule augmentation de prix se situe dans la livraison : les marchandises viennent de plusieurs lieux plutôt que d’un seul grand entrepôt. »
Et les applications sont multiples. Par exemple, la possibilité de vendre des marchandises en ligne en puisant directement dans les invendus de magasins, afin de vider leurs stocks sans passer par le retour entrepôt, ni baisser les prix. D’autres projets sont actuellement en gestation autour du ship-from-store. Maître de cérémonie du Commerce Connecté Show et co-fondateur du Pass Vente-privée, Philippe Lehartel a ainsi évoqué un concept intitulé Autour de Vous : « L’idée est de déstocker des magasins physiques via des pure players en vente privée. Nous proposons au consommateur des ventes exclusives, il paie en ligne avec pour objectif de tendre vers le stock zéro dans les magasins qui s’occupent d’envoyer les commandes. » Il y a une évolution du rapport au stock retail. Bertrand Chabrier de C-Log analyse cette mutation : « Par souci d’économie, nous avons essayé pendant des années de réduire le stock en magasin afin d'éviter le résiduel, mais il y avait un risque de rupture. Mais réduire encore le stock magasin rendrait par exemple impossible le click-and-collect. Alors la mécanique s'inverse : il faut remettre du stock et différencier ses usages. Il y a là une véritable opportunité de vider le stock magasin avant le stock central et d’éviter ainsi le retour à l'entrepôt qui coûte très cher. »
Logistique magasin : quand le retail devient entrepôt urbain
Mais ces mutations ne peuvent se faire sans repenser complètement la logistique en magasin. Comment adapter les stocks à ces nouveaux usages ? La solution pourrait venir des puces RFID. C’est en tout cas l’avis d’Yves Curtat, CEO de Retail Reload qui propose une solution complète dans le domaine textile. « Notre objectif est de transformer le magasin en entrepôt en lui appliquant le savoir logistique actuel. Si nous voulons lutter contre Amazon, ce sera sur le terrain du service. Dans ce cadre, personne n'est mieux placé qu'un retailer. » Créée en 2012, la start-up propose à ses clients d’équiper tous leurs articles d’une puce RFID, installée dès la conception des produits. « Les prix ont vraiment baissé sur cette technologie. Pour un pantalon, nous sommes passé en quelques années de 14 à 6-7 centimes par pièce », explique Yves Curtat. Un coût initial réel, mais que le CEO assure être complètement rentabilisé par l’efficacité offerte en boutique et les applications possibles. Une telle solution permet en effet de gérer en amont la question des anti-vols tout en accélérant grandement l’inventaire en magasin : équipé de scanners, le personnel peut ainsi traiter jusqu’à 27 000 pièces à l'heure. Un temps gagné considérable qui peut être réutilisé pour la livraison ship-from-store. Et grâce à un système de localisation par zones au sein du magasin, les équipes peuvent également déterminer où se situe un objet particulier. « En magasin, il y a beaucoup plus de statuts à gérer qu'en entrepôt : un vêtement peut être abîmé ou en cours d’essayage. Avoir une visibilité sur tout cela permet d’être plus efficace dans le cadre du ship-from-store en ayant à tout instant le stock exact disponible pour chaque produit », détaille Yves Curtat.
Une solution qui passe par une réorganisation du personnel : « Il faut s’occuper de l’efficience en magasin et de la gestion du temps masqué. Cela passe par de nouveaux postes, comme celui de stock runner, chargé uniquement de la préparation de commandes. Deux méthodes sont possibles : soit la polyvalence, avec des tâches partagées par tout le monde, soit un appel au volontariat avec des collaborateurs qui se spécialisent. » Mais il faut également que ces mutations se fassent avec les équipes, en leur donnant la parole. Un accent sur l’humain mis en avant par Yves Curtat : « Les équipes de vente doivent accompagner ces changements. Proches du client, elles peuvent être forces de propositions. » « Les collaborateurs en magasins ont envie de participer à ces mutations et de diversifier leurs activités. Ils sont déjà polyvalents. L’important, c’est de donner du sens », confirme Bertrand Chabrier. La solution a en tout cas déjà convaincu : Retail Reload a signé un contrat avec la marque Undiz pour que cette solution RFID soit appliquée sur l’ensemble de leurs stocks. « C’est une révolution qui ne fait que commencer », assure Yves Curtat. Un basculement qui, dans le cadre du ship-from-store, impacte également la livraison rapide...