Transport
Cyclologistique : les défis d’une filière d’exception
Une tribune rédigée par Gaétan Piegay, coordonnateur général de la Fédération Professionnelle de Cyclologistique et relue par Yolaine Urvoy, directrice des Boîtes à Vélo ainsi que Paul Roudaut, président de la Fédération Professionnelle de Cyclologistique.

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En quelques années, la cyclologistique est devenue une filière crédible et productive. Portée par des acteurs engagés de plus en plus nombreux, elle conjugue efficacité économique, agilité urbaine et bénéfices sociétaux. Jeune et déjà mature, elle offre à la France une occasion unique de consolider un savoir-faire d’excellence et de rayonner à l’international.
Une filière jeune et déjà mature…
Ils sont désormais plusieurs milliers de femmes et d’hommes à inventer – ou plutôt à réinventer – une nouvelle manière de déplacer les marchandises en ville. La cyclologistique se déploie progressivement dans les centres urbains en complémentarité avec les flux massifiés. Elle est faite d’entreprises et de véhicules protéiformes qui couvrent avec souplesse la diversité des besoins de plusieurs segments d’activité de la logistique – et d’autres secteurs professionnels comme le bâtiment ou les métiers de service. Elle développe son potentiel maximal quand les contraintes urbaines sont les plus fortes. Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ont été, par exemple, un terreau d’innovation pour tester des hubs mobiles couplés à de la cyclologistique. À Saint-Fons (Rhône), c’est une entreprise de cyclologistique qui assure la logistique d’une zone de chantier lié à un nouveau tramway.
Afin de passer à l’échelle et d’anticiper les obstacles, les entreprises s’attellent à une professionnalisation rapide de la filière. Ce que la logistique routière a mis plusieurs décennies à bâtir, la cyclologistique peut l’accomplir en moins de dix ans grâce à la précieuse expérience accumulée des grands syndicats de transport et leur soutien structurant.
En parallèle du militantisme historique du vélo, la filière revendique une approche pragmatique et professionnelle. Quand les conditions sont réunies, le vélo-cargo affiche une productivité supérieure aux véhicules motorisés et l’horizon est encore riche d’innovations techniques et opérationnelles à venir (fiabilité et robustesse des véhicules, organisation de la maintenance, optimisation de la rupture de charge et des tournées, amélioration des conditions de travail, etc…). La cyclologistique offre de nouvelles perspectives pour la logistique urbaine en repensant certains de ses paradigmes.
… au service de territoires enrichis
Au-delà de la performance économique, la cyclologistique sert les territoires. Elle permet de rendre la logistique visible, humaine et inscrite dans le quotidien des habitants, par exemple à travers des espaces fonciers cyclologistiques réinvestis et intégrés dans la ville.
Elle ajoute de la valeur sociale et environnementale à la logistique : attractivité économique, amélioration de la qualité de l’air et apaisement des centres-villes. Chaque euro investi rapporte son double aux territoires. À moindre coût, elle permet une adaptation de la logistique urbaine aux enjeux contemporains, en faveur de villes plus agréables à vivre.
À ce titre, Paris peut aujourd’hui se targuer d’être la capitale mondiale de la cyclologistique. Une vitrine internationale, qui attire les regards, les compétences et les idées novatrices. Et au-delà de la capitale, c’est tout un savoir-faire « à la française » qui commence à s’exporter. Car la filière cyclologistique tracte avec elle une industrie française d’excellence autour du vélo-cargo. Les fabricants se sont en particulier spécialisés sur l’usage professionnel, leurs solutions innovantes sillonnent déjà les rues de New York et les liens avec l’industrie automobile se tissent chaque jour un peu plus. C’est une filière complète, créatrice de valeur et d’emplois.
Saisir le moment
Le passage à l’échelle est déjà engagé et sa vitesse de déploiement dépendra de l’action coordonnée de l’écosystème logistique.
L’échelon national doit être porteur de politiques publiques stables et ambitieuses, garantes d’une vision à long terme de la logistique urbaine. Les principaux leviers à activer relèvent du cadre réglementaire permettant de valoriser les véhicules vertueux (comme peuvent l’être les ZFE par exemple), des aides à l’achat cohérentes avec ce qui peut se faire sur les véhicules utilitaires électriques (par exemple par la bonification de la nouvelle fiche CEE vélo-cargo) et un grand plan de développement des infrastructures cyclables.
À l’approche des municipales de 2026, l’action des territoires est celle qui génère le plus d’impacts directs pour la filière. En plus des mesures évoquées ci-dessus, les villes peuvent soutenir activement le développement des entreprises par la planification et la mise en disponibilité de foncier cyclologistique. Ces espaces seront indispensables pour accompagner la montée en charge de l’écosystème et on observe déjà un certain nombre d’expérimentations ou de projets de recherche en la matière.
Enfin, le secteur privé doit pleinement prendre sa part dans cette révolution silencieuse. Les grands acteurs de la logistique ont l’opportunité d’embarquer leurs équipes et partenaires dans ce changement de modèle opérationnel. Et les entreprises de cyclologistique doivent poursuivre les travaux engagés pour encadrer le métier afin de favoriser l’insertion harmonieuse du vélo-cargo dans les métiers de la logistique et parmi les autres usagers de l’espace public.
Le moment est décisif et appelle un engagement fort de l’ensemble des acteurs de l’écosystème logistique français. La cyclologistique est désormais une filière professionnelle stratégique à investir pleinement avec laquelle la France a une carte unique à jouer : celle de devenir un leader mondial.
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Sources :
- Panorama de la cyclologistique
- Guide pour les collectivités
- Adopter la cyclologistique
