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et logistique

Transport

Multimodal : du ferroviaire bashing à la fierté industrielle

Une tribune signée par Sylvain Philippe, responsable du développement multimodal européen chez FM Logistic.

Publié le 29 septembre 2025 - 16h00
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 Nicolas ROCHETTE via stock.adobe.com

Le ferroviaire souffre encore en France d’une réputation qui ne correspond plus à la réalité. Le ferro-bashing a la vie dure. Retards, grèves, wagons perdus… les clichés circulent plus vite que les trains. Pourtant, la réalité est toute autre : sur de nombreux axes, la qualité de service est là, solide, régulière. Mais il suffit qu’un train « plante » pour que des dizaines de clients se retrouvent paralysés, et derrière eux autant d’activités, de chaînes de production, de livraisons. C’est tout un système qui vacille. Cette situation n’est acceptable pour personne si nous voulons bâtir encore plus de solutions multimodales. Tant que l’on verra le verre à moitié vide, nous resterons prisonniers d’une perception qui freine le changement, au lieu de saisir l’opportunité que représente la complémentarité des modes.

 

Le constat est clair : le développement du fret ferroviaire se heurte à des freins économiques, techniques, sociaux et culturels.

 

Les plateformes ferroviaires sont trop peu nombreuses, vieillissantes, parfois saturées. Les corridors combinés rail-route peinent à s’ouvrir faute de vision territoriale et nationale, cohérente avec nos voisins européens. Les dispositifs d'accompagnement financiers sont instables. Personne ne veut de terminaux « chez soi », malgré le besoin de logistique et d’emplois. Et le temps long nécessaire au développement du multimodal entre en contradiction avec les impératifs de calendriers court-termistes des acteurs privés comme des pouvoirs publics.


À tort, certains continuent d’opposer les modes

C’est une erreur. Ils sont avant tout complémentaires et s’irriguent mutuellement. Le ferroviaire apporte sa force sur les longues distances, les flux à haute fréquence et à grands volumes. La route, elle, reste indispensable pour la desserte locale, fine et agile des territoires. Ensemble, ils permettent une meilleure organisation, une plus grande fiabilité des flux entre grands axes et zones urbaines, tout en améliorant le quotidien des chauffeurs routiers, qui se concentrent sur des trajets plus courts et mieux adaptés.


Alors que des initiatives émergent un peu partout (IA appliquée au fret, augmentation timide de certaines fréquences, lancement de nouveaux corridors, projet d'ouverture de quelques nouveaux terminaux), force est de constater que le ferroviaire reste sous-exploité.


Pourtant, la solution existe

Agir collectivement pour un report modal massif : les chargeurs, commissionnaires et opérateurs ferroviaires doivent unir leurs efforts pour équilibrer les flux et créer des corridors performants. Les acteurs politiques doivent également prendre leurs responsabilités, avec des investissements publics forts dans les infrastructures ferroviaires et fluviales.


Si nous voulons tenir nos engagements en faveur d’une supply chain plus vertueuse, nous devons penser la logistique comme un système intégré où chaque mode joue son rôle : le ferroviaire renforce la route, le fluvial désature les grands axes, et la route décarbonée reste incontournable. Le multimodal doit devenir la norme, fondée sur une meilleure utilisation de l'ensemble des ressources rail-route, l’harmonisation des temps de développement pour tous les acteurs et une prise en compte systématique de la valeur durable, au-delà de la seule valeur monétaire.


Alors oui, le défi peut sembler immense, mais il est atteignable. En l’absence de décisions structurantes et durables, nous risquons d’assister à un immobilisme coupable. Nous sommes prêts, les technologies sont là, mais les investissements publics et les arbitrages politiques tardent. Nos clients l’attendent. On ne peut plus se contenter d’expérimentations isolées : il est temps de changer d’échelle et de transformer l’essai.


Soyons fiers de notre fleuron industriel ferroviaire français et européen

Mais soyons aussi lucides. Nous ne pouvons pas attendre encore un quart de siècle pour que les choses bougent. L’avenir du fret ferroviaire ne doit plus être une promesse, il doit devenir une réalité tangible, au service de la compétitivité, de l’emploi et de la transition écologique. Il est temps de transformer l’essai.

 

À propos de l'auteur et de FM Logistic

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© FM Logistic

En qualité de reponsable du développement multimodal européen de FM Logistic, Sylvain Philippe développe des solutions de transport multimodal pour les flux d'approvisionnement et de distribution des marchandises des clients, vers et depuis les entrepôts du groupe à l'échelle du Vieux Continent.

 

Prestataire international de logistique, FM Logistic a enregistré un chiffre d'affaires de 1,87 milliard d'euros pour son dernier exercice 2024-2025. Présent en Europe, en Asie (Inde et Vietnam) et en Amérique latine (au Brésil), le groupe emploie près de 28 000 personnes dans le monde et gère 4 millions de m² d’entrepôts. En France, le logisticien compte environ 6 500 salariés.

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