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Décarbonation des chaînes logistiques : un défi d’envergure mondiale

Une tribune signée par Sébastien Lefebure, directeur général Europe du Sud de Manhattan Associates.

Publié le 2 octobre 2023 - 15h00
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 metamorworks via stock.adobe.com

Selon une récente étude d'Accenture, les supply chains génèrent environ 60 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Cela signifie que la prise en compte de la question du développement durable des chaînes logistiques est une étape cruciale pour atteindre l’objectif ZEN (« zéro émission nette ») et limiter le réchauffement à 1,5 degré, comme le prévoit l'accord de Paris.

 

Si les stratégies pour une logistique durable font depuis longtemps partie intégrante des initiatives ESG des entreprises, elles sont désormais reconnues comme un facteur décisif pour atteindre les objectifs de décarbonation à l'échelle mondiale.

 

La décarbonation logistique représente donc une grande opportunité pour faire face à la crise climatique. Néanmoins, réduire les émissions de type 1, 2 et 3 est plus facile à dire qu'à faire.

 

Ces trois types d’émissions, telles que définies par le Greenhouse Gas Protocol, sont les suivantes :

 

- Les émissions de type 1 sont des émissions « directes », c'est-à-dire celles qu'une entreprise produit en exploitant les équipements qu'elle possède ou contrôle. Ces émissions peuvent résulter de l'utilisation de machines pour fabriquer des produits, de la flotte de véhicules de l’entreprise, ou simplement du chauffage de bâtiments et de l'alimentation d'ordinateurs.


- Les émissions de type 2 sont des émissions « indirectes » créées par la production de l'énergie qu'une organisation achète. Par exemple, l'installation de panneaux solaires ou l'approvisionnement en énergie renouvelable plutôt que l'utilisation d'électricité produite à partir de combustibles fossiles peut réduire les émissions du scope 2 d'une entreprise.


- Les émissions de type 3 sont également des émissions « indirectes », mais elles diffèrent des émissions du scope 2. Ce sont les émissions indirectes en amont et en aval qui résultent des activités d'une entreprise. Par exemple les émissions des clients utilisant les produits de l’entreprise, ou celles des fournisseurs de produits utilisés par l’entreprise. Elles sont généralement 11 fois plus importantes que les émissions de type 1 et 2 combinés, et les chaînes logistiques en sont une source majeure. Les émissions de type 3 sont les plus difficiles à traiter, puisqu'elles représentent souvent plus de 70 % de l'empreinte carbone globale d'une entreprise, selon une étude de Deloitte.

 

Pour atteindre les objectifs climatiques, les émissions de gaz à effet de serre de type 3 sont particulièrement importantes. Mais il est clair que la décarbonation des supply chains ne peut se faire du jour au lendemain en raison des défis que posent la mesure, l'établissement de rapports et les réductions au sein de chaînes de valeur plus larges échappant au contrôle direct d'une seule entreprise.

 

En effet, seule une petite partie des émissions est produite lors de la fabrication finale, la plus grande partie étant intégrée dans la supply chain, notamment dans les matériaux de base, l'agriculture et le transport de marchandises nécessaire pour acheminer les biens dans le monde entier.

 

Selon le BCG, même une décarbonation complète de cinq industries mondiales clés n'augmenterait les prix à la consommation finale que de 1 % à 4 %, à moyen terme.

 

Si le coût n'est pas un facteur bloquant, qu'est-ce qui empêche la décarbonation logistique et la poursuite d'objectifs ZEN ? Essentiellement la complexité, l'absence d'une voie claire vers l'avenir et le manque d'incitations tangibles.


Voici quatre étapes qui méritent d'être prises en compte avant d'entreprendre une démarche significative vers une supply chain plus durable et décarbonée :

 

1. Repenser les produits pour qu'ils soient « verts » en intégrant le développement durable dans les décisions de conception, en augmentant le taux de recyclabilité et en utilisant des matériaux plus respectueux de l’environnement dès le départ.
2. Concevoir la chaîne de valeur et la stratégie d'approvisionnement en gardant à l'esprit la question du développement durable afin de prendre en compte les émissions dans les choix de conception de la chaîne de valeur : par exemple, repenser les décisions de fabrication ou d'achat et limiter la nécessité d'une logistique à long terme. La relocalisation à proximité peut non seulement réduire les émissions dues au transport, mais elle présente aussi l'avantage de rendre les supply chains plus résilientes.
3. Intégrer les mesures d'émissions dans les normes d'approvisionnement et le suivi. L'établissement de normes d'approvisionnement pour les fournisseurs est l'un des moyens directs les plus efficaces pour lutter contre les émissions en amont de type 3. Il est essentiel de définir et de mesurer des pratiques liées à des normes strictes pour les décisions d'achat, y compris le mandat d'une part et d'une qualité spécifiques d'énergie renouvelable, des niveaux requis d'efficacité des processus, ou une part minimale de matériaux recyclés.
4. Établir une base de référence pour les émissions de la chaîne de valeur et partager les données de manière transparente avec les fournisseurs. L'établissement d'une base de référence complète et scientifiquement fondée en matière d'émissions est une première étape décisive. La définition de paramètres de référence à l'aide de bases de données sur les facteurs d'émissions, associée à des données directes des fournisseurs est essentielle à la transparence et à la précision de la mesure des progrès continus.

Les chaînes logistiques ont un rôle essentiel à jouer dans la santé à long terme de notre planète, et la visibilité et la transparence sont la clé de la poursuite active des objectifs de décarbonation nette.

 

Si le coût à court terme de la mise en œuvre de stratégies de décarbonation est tangible, il n'est pas aussi prohibitif qu'on le pense. Le coût à long terme de l'inaction et de l'unilatéralisme dépasse de loin toute valeur monétaire. Nous disposons de la technologie nécessaire pour résoudre la crise climatique, il nous faut simplement la volonté d'accomplir ce qui doit l'être, et commencer par les supply chains est un bon point de départ.

 

À propos de l'auteur et de Manhattan Associates

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Diplômé de Kedge Business School, Sébastien Lefebure a débuté sa carrière chez Steria en 2000. Il intègre Manhattan Associates en 2002 en tant que responsable des services et de plusieurs projets en France et au Japon. Sébastien Lefebure y officie ensuite comme chef d’équipe sur le marché de l’order management en Europe en croissance rapide, puis comme chargé des programmes de transformation de moyenne et grande envergure dans le domaine de la supply chain execution (WMS) et de l’omnicanal (OMS) pour des clients de la grande distribution et de l’industrie, et enfin comme chargé du développement commercial au cours des six dernières années. Il est directeur général Europe du Sud de Manhattan Associates depuis décembre 2019.

 

Manhattan Associates est un éditeur américain de logiciels pour la supply chain et le commerce omnicanal. Comptant plus de 4 500 employés et des bureaux partout dans le monde (Atlanta, Paris, Tokyo, Sydney, Singapour...), l'entreprise a enregistré un chiffre d'affaires record pour l'année 2022, s'élevant à 767,1 millions de dollars.

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