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Soldes et gestion de la logistique retour : l’environnement, le grand perdant !

Une tribune rédigée par Celestin Elock Son et Georges Waly Bidi, maîtres de conférences à l’IUT de Moselle-Est et membres du CEREFIGE (Centre européen de recherche en économie financière et gestion des entreprises).

Publié le 9 juillet 2025 - 16h24
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 OceanProd - stock.adobe.com

« Vous pouvez retourner gratuitement les articles non utilisés dans un délai de 30 jours. » Zalando ; « Amazon.fr permet en plus les retours jusqu’au 30ème jour et le remboursement du prix sans les frais de livraison. » Amazon ; « Nous offrons 100 nuits d’essai sur certains de nos produits, si le client n’est pas satisfait, il nous les retourne. » Emma matelas ; « La plupart des articles achetés sur Cdiscount peuvent être retournés dans un délai de 14 jours à compter de la date de réception. » Cdiscount… des promesses de retour qui rassurent et incitent à l’achat.

 

Si les promesses du e-commerce de livrer à temps les produits, d’assurer leur livraison dans de bonnes conditions et à moindre coût, de les retourner s’ils ne conviennent pas aux attentes, continuent d’attirer plus de clients, il se pose la question du coût réel de ces transactions. En effet, le e-commerce a généré 159,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires (produits et services confondus), avec 2,35 milliards de transactions réalisées sur internet en 2023 (Fevad, 2024). L’on estime à environ 4,6 millions le nombre de colis livrés par jour en France en période normale (1). Ce chiffre atteint 14,7 millions en période de fêtes ou durant les soldes. Ce qui implique un flux soutenu de véhicules de livraison vers les domiciles des clients ou des points de collecte. Le transport routier émet 122,4 Mt CO2 en 2022 et est à l’origine de 93,8 % des émissions du secteur des transports en France. La majeure partie des émissions de gaz à effet de serre (GES) des transports provient des voitures de particuliers (52,3 % des émissions de transport) et des véhicules lourds, y compris bus et cars (25,3 %), suivi des véhicules utilitaires légers (20%) (2). Cette dernière catégorie est constituée majoritairement des véhicules de livraison. Leur nombre sans cesse croissant est non seulement une source de pollution de plus en plus préoccupante mais constitue également un acteur majeur de la congestion en ville. En cette période de soldes, le bon vieux réflexe d’opérer de « bonnes affaires » ne devrait pas faire fi des préoccupations environnementales.


Les soldes sont-ils vraiment de bonnes affaires ?

En cette période d’inflation, la pratique des réductions de prix est une opération bien perçue chez les français. Cette pratique profite aussi bien aux consommateurs qu’aux entreprises. Ces dernières ont l’occasion de se départir des stocks invendus qu’elles ne pourront plus vendre l’année prochaine. C’est le cas des produits de mode comme l’habillement. C’est également le moyen de réaliser du profit, même si cela peut paraître surprenant. « Les grandes marques sont toujours au-dessus du seuil de vente à perte dans l’habillement, au pire du pire, elles revendent au prix d’achat », soutient Pascale Hebel (3). Pour elle, lorsqu’une marque propose une remise de 70 %, « cela signifie qu’au départ, avec le prix original, la marge, qui permet entre autres de régler les charges d’exploitation, est énorme » (4). Cette situation est plus profitable aux grandes marques (monomarques) avec un pouvoir de négociation supérieur à celui des petites enseignes de distribution (généralement multimarques).


Traditionnellement, le prix moyen d’une livraison se définit en tenant compte du coût de l’emballage, du coût du transport, du coût de l’assurance transport, du taux de retour, du coût de la préparation de la commande mais aussi du coût de stockage, de manutention, des frais de douane, des objectifs de l’entreprise, ainsi que des préférences des clients. Mais la grande inconnue dans cette équation reste le coût environnemental.


Comment est estimé le coût de pollution généré par ces livraisons ? À combien est estimé le coût de la tranquillité dans les rues des quartiers de résidence induits par les balais incessants des livraisons ? Sachant que cette période est marquée par des livraisons express, les livreurs veulent aller vite pour répondre aux exigences des clients mais également pour satisfaire les attentes des donneurs d’ordres très stricts avec les délais.


Finalement, l’environnement, le grand perdant

Combiné au phénomène de « fast fashion », les soldes incitent à la surconsommation, accélèrent l’obsolescence et favorisent les achats impulsifs qui accroissent les déchets textiles. La multiplication des livraisons et des retours le plus souvent faites en camionnette ainsi que le suremballage (plastique, carton, papier de soie à usage unique) ont un coût environnemental non comptabilisé à ce jour.
Pour répondre aux besoins croissants des consommateurs en bout de chaîne, les producteurs augmentent la production et multiplient des actes de surexploitation de la main-d’œuvre sans se préoccuper de leur bien être et de l’environnement dans lequel la production est effectuée (pollution de l’eau, conditions de travail dégradée, …).


Au final, les soldes constituent l’un des freins à l’adoption de modèles circulaires (seconde main, réparation, location), ils freinent les achats réfléchis en faveur de l’environnement. La multiplication des retours accentue l'empreinte carbone et augmente le coût réel des produits soldés. L’apparente réussite économique autour des soldes cache donc une face très sombre : l’environnement est le grand perdant d’une « surconsommation » peu durable. Finalement, qui bénéficient vraiment des soldes ? Les entreprises qui polluent ou les consommateurs qui « incitent » à la pollution ? La logistique autour des soldes d’aujourd’hui est-elle vraiment la solution de demain ?

 

 

(1) https://modelesdebusinessplan.com/blogs/infos/nombre-colis-livres-france-par-jour?srsltid=AfmBOoqKtpSbERCr7hNh5yMR7zp-T5UTftLgOXSVoPV9lZJj57q_5RTa
(2) Source : Citepa, avril 2023, inventaire au format Secten ; estimations préliminaires pour 2022

(3) Directrice associée chez C-Ways, société de conseil spécialisée en data sciences
(4) https://www.ouest-france.fr/economie/commerce/soldes/pourquoi-les-soldes-sont-aussi-de-tres-bonnes-affaires-pour-les-grandes-marques-8633cddc-aede-11ee-82ae-73e88db45bf9

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