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Immobilier logistique : l'adaptation au cœur de la filière

Publié le 2 juillet 2020
SOMMAIRE

Impacté dans une moindre mesure, le secteur de l’immobilier logistique aura su faire montre de flexibilité pendant la période de confinement. L’heure est aujourd’hui aux prospectives moyen et long termes. Si la visibilité reste incertaine, divers mouvements s’amorcent et les acteurs envisagent l’avenir avec confiance.

Avant d’être happé et impacté, comme l’ensemble de l’économie française, par la crise sanitaire, comment se portait l’immobilier logistique au premier trimestre 2020 ? Si, sur le plan de l’investissement, les performances étaient « exceptionnelles (1,4 milliard d’euros engagés), du fait de la vente de deux portefeuilles de grand volume », observe Louis-Marie Masfayon, chargé d’études chez le spécialiste de la vente et de la location d’entrepôts Arthur Loyd Logistique (ALL), sur le plan du marché utilisateur, il s’agissait en revanche de la « troisième plus mauvaise performance de la décennie ». Car l’épidémie de Covid-19 n’est pas la seule responsable selon l’expert, il faut y voir aussi l’effet du ralentissement général de l’économie mondiale : guerre commerciale Chine/États-Unis, Brexit, climat social tendu en France, difficulté à construire près de grands centres urbains, effet pré-électoral « et peut-être aussi le fait que nous sommes arrivés à maturité sur ce marché. Nous n’avons pas la même profondeur qu’en 2007-2008, avant la crise », poursuit-il. Les conséquences les plus lourdes de la pandémie, elles, ne devraient pas s’observer avant plusieurs mois selon Louis-Marie Masfayon. À l’heure d’écrire ces lignes (début mai 2020), « l’onde de choc n’est pas encore arrivée jusqu’à nous », confirme Diana Diziain, directrice déléguée d’Afilog, l’association professionnelle représentant les métiers de l’immobilier logistique et de la supply chain.

 

Un secteur réactif

S’il n’a pas été épargné par la crise sanitaire, le secteur de l’immobilier logistique aura néanmoins su afficher ses capacités d’adaptation malgré les incertitudes quant à la continuité de ses projets. Il aura également su démontrer son agilité pendant la période de confinement, notamment pour trouver des petites surfaces liées à des besoins de débord pour les activités santé ou encore dans l’agroalimentaire : « Même avec des taux de vacance du parc très faibles, les acteurs ont su trouver des solutions pour leurs clients. En dehors des premières semaines qui ont mis à jour des problématiques d’organisation sur la mise en place du travail et des gestes barrières, avec un manque de matériel (masques, gels…), les gestionnaires de site ont réagi tout de suite. Il n’y a pas eu d’état de sidération », poursuit Diana Diziain.

 

« Nos clients ont dû gérer la crise dans l’urgence ; ils ont été hyperactifs, négociant des reports de loyer, essayant de trouver des solutions avec leurs chargeurs… », commente Didier Terrier, directeur général d’ALL. Même discours chez le spécialiste du conseil en immobilier d’entreprise JLL où Patrick Remords, directeur du département supply chain & logistics solutions, indique : « Dès les premiers jours, nous avons contacté nos propriétaires pour savoir s’ils étaient d’accord pour considérer des baux dérogatoires plus courts en durée pour aider les prestataires et les secteurs d’activité en plein boom. Nous étions un peu en avance par rapport au marché ».

 

Une accélération des évolutions déjà engagées

À travers un baromètre réalisé mensuellement auprès de ses adhérents, Afilog a cherché plus précisément à évaluer les conséquences de la crise sanitaire sur le secteur. Dès mars 2020, 51 % des sondés expliquent observer une diminution de l’activité liée à la suspension des chantiers, la fermeture des entrepôts ou l’impossibilité de visite sur site tandis que 69 % des répondants évoquent un retard du traitement des dossiers administratifs. Pour 66 % des personnes interrogées, une des principales difficultés concerne justement ce rallongement des délais d’instruction de permis de construire. Une situation observée par Patrick Remords : « La crise a eu une répercussion sur les instructions administratives. Les enquêtes publiques n’étant pas diligentées, les délais d’instruction ont été suspendues pour des dépôts de permis ».

 

Malgré la récession économique post-pandémie anticipée, Afilog et ses adhérents se montrent néanmoins plutôt confiants dans les capacités d’adaptation de la filière. Anticipant une période de rétablissement « peut-être longue », l’association envisage une accélération des évolutions engagées autour de plusieurs dossiers : de nouvelles tendances comme « une logistique support pour une relocalisation à venir de certaines activités industrielles » ainsi que « la réorientation de la demande vers le e-commerce, qui génère ses propres besoins logistiques et immobiliers ». Les vendeurs en ligne auront en effet acquis de nouveaux clients pendant cette période de confinement : « Avant le Covid, les études montraient une part de vente en ligne qui représentait environ 10 points du commerce de détail et les projections indiquaient qu’on devait atteindre 40 %. Cette tendance va probablement s’accélérer après la crise. Or on sait que pour traiter proprement des ventes à distance, il faut réorganiser sa supply chain avec des entrepôts et des modes d’exploitation différents », observe Patrick Remords.

 

L’importance prise par certains acteurs durant la crise pourrait d’ailleurs jouer sur les investissements après le confinement, estime la directrice déléguée d’Afilog : « Aujourd’hui, si vous êtes un promoteur et que vous cherchez des financements, le profil de l’utilisateur pour qui vous faites le bâtiment joue beaucoup : si vous êtes un acteur du secteur alimentaire, de la grande distribution ou du e-commerce, vous pouvez être certains de bénéficier de bonnes conditions bancaires. Une constatation moins évidente sur d’autres types de profils et notamment sur les développements en blanc pour lesquels la source pourrait se tarir ».

 

Scénarios de redémarrage

Les prospectives sur les mois à venir dans le secteur restent aujourd’hui de l’avis de tous soumises à interrogations : « Avec un premier trimestre largement inférieur à l’an dernier et un deuxième, où il ne s’est presque rien passé, on a encore du mal à imaginer le troisième. Sur les projets de taille significative où on raisonnait à 18-24 mois, on peut penser qu’avec un peu de visibilité, ces sujets se maintiendront même si les signatures se décalent. En revanche, les sujets avec de nouveaux besoins de surface à l’horizon d’octobre-novembre m’inquiètent plus car il n’y a pas de visibilité et ils pourraient être reportés s’ils étaient liés à une croissance ou un développement de business », indique le directeur général d’Arthur Loyd Logistique. Mêmes interrogations pour Patrick Remords chez JLL, qui pense voir les contrats des deuxième et troisième trimestres 2020 être réalisés en T4 : « Par contre, il est certain que ce que nous avions imaginé signer au quatrième trimestre va se décaler dans le temps. Il se posera ensuite la question de la résilience des entreprises et des secteurs d’activité qui seront plus ou moins impactés par la crise : ceux-ci auront-ils encore les moyens de mettre en oeuvre leurs projets ? ». Il faudra attendre la fin de l’année 2020, voire le début de l’année 2021 pour pouvoir constater de nouvelles perspectives, juge Didier Terrier : « Tout devrait plutôt se remettre en route en 2022. Durant la crise financière de 2008, on a retrouvé en logistique notre niveau de demande placée seulement en 2011- 2012. Donc on peut imaginer qu’une crise économique comme celle-ci va demander un certain temps de redémarrage. Il va également falloir accompagner les acteurs du secteur et arrêter d’imposer de manière drastique dans le monde de la finance des règles du jeu à des industriels ».

 

La directrice déléguée d’Afilog n’anticipe pas non plus de changements majeurs sur l’immobilier logistique dans les mois qui viennent : « Je ne pense pas que 2020 soit une année particulièrement touchée par la crise, 2021 risque d’être un peu plus creuse car les demandes qui devraient s’exprimer aujourd’hui ne s’expriment pas ». Il se dessine aujourd’hui, selon elle, deux scenarios de redémarrage : le premier impliquerait une activité forte liée à un effet de rattrapage sur tout ce qui n’a pas été transactionné et étudié durant cette période. Avec le second, on se dirigerait vers une baisse des volumes. « À court, moyen terme, on ne sait pas vers lequel pencher. En revanche, les adhérents d’Afilog indiquent qu’à long terme ils sont très confiants car la crise a montré que la logistique avait un vrai rôle sociétal à jouer et que le parc productif sur lequel le gouvernement travaille semble tendre à faire revenir des activités en France et en Europe qui ne se feront pas sans l’armature logistique qui l’accompagne ».

 

Vers un phénomène de relocalisation

Cette relocalisation de certaines filières de production et une certaine réindustrialisation du territoire français font en effet partie des accélérations envisagées par Afilog dans une note datée du 17 avril dernier, estimant que cela susciterait « le renouveau d’une logistique industrielle, dont les enjeux de localisation sont très différents de la logistique de la distribution car moins liés aux bassins de consommation ». Il s’agit également d’un enjeu majeur chez JLL depuis trois ans, agissant pour un retour des unités de production au plus proche des consommateurs : « Nous avons essayé de porter ce message-là auprès des industriels ce qui nous a notamment conduits à élaborer une pratique industrielle beaucoup plus musclée. Il est évident qu’il va y avoir un mouvement massif de relocalisation. Traditionnellement les usines attirent des plateformes dans leur sillage donc il y aura probablement des entrepôts dans ces usines-là », témoigne Patrick Remords. ALL se montre plus nuancé sur le sujet : « Il faut se demander pourquoi on a délocalisé. Certes, pour des questions de coûts de travail, mais aussi pour se rapprocher des matières premières. La France demeure par ailleurs un territoire difficile en matière d’implantation d’usines, de fiscalité sur la production et de complexités administratives. Les questions de développement durable qui prennent un poids de plus en plus important sont également à prendre en considération. Et il faut réfléchir au coût diplomatique qu’impliqueraient des relocalisations : il s’agit d’un vrai choix de modèle à mener sur le plan politique au-delà de la volonté des entreprises », juge Louis-Marie Masfayon. Si ces relocalisations devaient néanmoins fleurir sur le territoire dans certains secteurs d’activité, cela aurait évidemment un impact sur la chaîne et notamment sur l’immobilier logistique, admet Didier Terrier : « On peut imaginer un modèle “d’usine des temps modernes”, conciliant activités d’entreposage, de distribution et de production ».

 

Les défis sur le long terme

Les défis à venir s’annoncent donc multicritères pour le secteur. Avec ses adhérents, l’association Afilog entrevoit ainsi un marché de l’immobilier logistique « qui se portera très bien à moyen-long termes sous l’impulsion de deux vecteurs de croissance » : une logistique industrielle revenue sur le territoire national, doublée d’une croissance de la logistique urbaine, la crise ayant mis en lumière la nécessité d’avoir des sites près des villes. « À court et à moyen termes, ces défis seront probablement européens car la France fait partie de ce pôle de pays, avec l’Espagne et l’Italie, qui ont été très touchés par la crise, à la différence des Pays-Bas et de l’Allemagne », explique Diana Diziain pour qui il s’agit donc de poursuivre les réflexions à l’échelle européenne tout en conservant ses avantages concurrentiels. « Si des activités s’implantaient en France il faudrait faire en sorte qu’on ne soit pas tenté de positionner l’entrepôtsupport en Allemagne, à cause de l’inertie et de la longueur des procédures habituelles doublées du goulet d’étranglement vécu par les administrations en France ».

 

Des craintes et des espoirs intimement liés également à la prise en compte de la filière par l’État. Pour s’assurer de son soutien et indiquer ses axes prévisionnels de reprise, l’association France Logistique a d’ailleurs soumis, fin avril, au gouvernement un document listant sept propositions de relance pour la filière. Parmi ces axes d’aide à la reprise figure notamment une proposition pour l’immobilier logistique, visant à « encourager la construction d’entrepôts sur le sol national pour accroître notre indépendance logistique ». Avec en ligne de mire, l’espoir que le secteur ait vu son blason se redorer durant la crise : « La logistique a eu un rôle clé durant cette crise sanitaire et je pense que les collectivités ont constaté le caractère essentiel des entrepôts. On verra peut-être à l’avenir les pouvoirs publics plus associés à nos réflexions sur le développement de cet actif immobilier qui a tout son sens dans notre économie », évoque Didier Terrier.

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