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L'immobilier logistique cherche ses positionnements

Publié le 10 décembre 2020
SOMMAIRE

Avant la construction d’un site logistique, la question de sa localisation reste cruciale, devant répondre à des impératifs de disponibilité, d’emploi et de positionnement au sein d’un réseau global. Un sujet qui occupe autant les aménageurs dans leur recherche de fonciers pertinents que les acteurs du conseil auprès des futurs utilisateurs.

Fondamentale dans le développement des sites logistiques, la question de la localisation est travaillée par les constructeurs, développeurs et investisseurs avec une attention portée autant sur les besoins des utilisateurs, souvent engagés dans la restructuration ou l’extension de leurs supply chains, que sur les réalités concrètes d’un marché immobilier affichant parfois ses limites. « Il faut conserver un regard de chargeur sur ces problématiques : on choisit d’abord un bâtiment immobilier pour des raisons de réseau et de service client, en se positionnant par rapport à des sujets comme la livraison J+1 ou en quelques heures », détaille Vincent Poisson, directeur conseil en supply chain chez CBRE. Le réseau routier à proximité est évidemment scruté de près, ce qui explique l’attrait toujours maintenu pour la fameuse dorsale Lille-Paris-Lyon. Mais un autre sujet devient de plus en plus prégnant, celui du bassin d’emploi. « Pour des acteurs du e-commerce qui doublent leurs effectifs sur la période de Noël, il est impossible de ne pas le prendre en compte dans le choix d’implantation de votre site logistique. Les saisonnalités sont de plus en plus fortes et il faut donc se projeter, connaître les développements à venir dans la zone, avec potentiellement des concurrences qui créeront des tensions », souligne Vincent Poisson. « Dans certains endroits de la région parisienne ou autour de Lyon, on arrive à des concentrations d’entrepôts telles que les bassins d’emplois commencent à être asséchés », confirme Cécile Tricault chez Prologis.

 

Hors des sentiers battus

Et face à certaines zones complètement saturées, les logisticiens doivent être parfois capables de faire des choix alternatifs, en allant chercher des perles rares en dehors des sentiers battus. « En tant qu’investisseur, nous nous positionnons sur des territoires déjà établis, mais aussi sur d’autres, qui présentent suffisamment d’atouts pour devenir des zones alternatives », note Vincent Gourlin, directeur du développement chez GLP. Encore faut-il trouver le bon équilibre entre des variables qui s’additionnent : « Il faut de l’emploi, du foncier, une fiscalité qui ne soit pas rédhibitoire… Mais nous assistons cependant à une redistribution des cartes en termes de flux, en dehors de la dorsale. Certains plans stratégiques d’entreprises évoluent vers des endroits qui n’étaient pas caractérisés logistique, aussi bien pour des besoins locaux que des refontes de supply chain européennes. De l’axe Nord-Sud, on passe parfois à une vision Est-Ouest », note Jean-Paul Rival, directeur général de Concerto.

 

« Des développements sur des territoires plus exotiques proposent des offres alternatives qui jouent sur d’autres éléments de la chaîne de valeur pour les locataires », note de son côté Christophe Chauvard, directeur général de P3 Logistic Parks en France. Dans l’anticipation de ces nouveaux développements, P3 s’est installé à Laon dans l’Aisne, sur la zone d’activité du Griffon, près de la nationale 2 et l’A26. « Cette nationale devient une vraie alternative à l’A1 sur la dorsale Lille-Paris. Il y avait un noeud autoroutier qui s’imposait à cette intersection », raconte Christophe Chauvard. Sur ce lieu, P3 va développer un parc de plus de 130 000 m². « C'est une zone pourvoyeuse d’emplois proposant toutes les profondeurs de marché pour que la grande logistique et la logistique spécialisée puissent s'installer. Les retours de nos clients ont confirmé la pertinence de cette implantation qui était peut-être trop en avance il y a 10 ans, mais qui fait sens aujourd’hui, avec les reconfigurations des chaînes logistiques à l’heure du e-commerce, ou pour des industriels qui veulent reconquérir des territoires, à seulement 180 km des grandes agglomérations ».

 

Coups de projecteurs

L’e-commerce est effectivement souvent le premier à venir chercher des zones alternatives pour s’installer, mettant des coups de projecteurs sur de potentiels futurs pôles logistiques comme l’explique Benoît Chappey, directeur du développement France chez Goodman : « Nous avons mené une opération de 60 000 m² à Saint-Étienne pour Cdiscount. En termes de bassin d’emploi, il était plus simple de trouver 200 collaborateurs sur cette zone qu’à Lyon, d’autant que la qualité du transport de personnes était meilleure. Pareillement, il y a trois ans, nous avons construit une plateforme de 107 000 m² pour Amazon à Amiens. La disponibilité de main-d‘oeuvre sur la ville à l’époque, avec la fermeture des usines de pneumatiques, a permis de trouver les équipes nécessaires à l’activité du site ». Depuis son lancement, 600 embauches en CDI ont déjà été réalisées.

 

Cette approche de développement en dehors des pôles logistiques traditionnels est également présente chez la foncière Arefim. « Dans les secteurs prime en France, il y a eu un côté moutonnier, ce qui a siphonné les bassins d’emploi. Nous essayons d’avoir une approche différente. À Paris par exemple, nous allons nous placer aux portes de l’Île-de-France, au-delà des pôles saturés du Val-d’Oise. C’est la raison pour laquelle nous avons installé notre Airport Park près de Beauvais (60) », note Valéry Fenes, co-gérant d'Arefim, qui précise que la foncière va également poursuivre cette stratégie de développement pour ses prochains projets. « La logistique est notre nouvelle industrie et doit pouvoir s’appuyer sur des territoires d’accueil ayant des compétences et des structures. C’est le cas sur le parc de l’Aube, à côté de Troyes, où nous allons livrer notre septième entrepôt, ou à Tours où nous avons des développements, deux bassins qui étaient très techniques historiquement », détaille Thierry Bruneau, CEO de Catella Logistic Europe.

 

Au plus près des villes

Parallèlement, les développeurs essaient également de se frayer une place au plus près des centres urbains, principalement dans le monde de la distribution pour une logistique axée sur la ville, mais qui nécessite des aménagements et une expertise particulière. « Nous construisons un site de distribution pour le leader mondial en répartition pharmaceutique à Drancy, emplacement stratégique dans l’organisation de leur supply chain. Nous avons pu identifier ce site grâce à notre connaissance du territoire. C’est un projet qui bénéficie d’une densité plus élevée qu’habituellement : sur 2,6 hectares, nous développons 14 000 m², soit une densité de 54 %. Définir une configuration qui conserve les impératifs de fluidité sur des espaces urbains contraints demande toute l’expertise d’équipes dédiées », estime Laurence Giard, directrice générale France de Segro. « Avec des terrains proches des grandes agglomérations, il faut travailler sur l’optimisation, densifier, faire des étages, de la grande hauteur, des rampes camions, des parkings sur les toits », note Christophe Simonnet, directeur associé du groupe Idec et directeur général de Faubourg Promotion. À Valenton, le groupe construit un bâtiment mixte, avec de la logistique au rez-de-chaussée, pour des produits secs et en température dirigée sur 9 000 m², couplée à des bureaux à l’étage.

 

Mais encore faut-il trouver le bon endroit et des fonciers acceptables. Et si la question de la reconversion de friches est à l’étude, son équilibre financier reste à définir : « Il est nécessaire de le faire où cela est possible, notamment face à la question de la nonartificialisation, mais on se heurte à des limites économiques : le prix d’une friche, plus élevé qu’un terrain nu, auquel s’ajoute la déconstruction, la dépollution… Cela change complètement l’équation économique. Et si certains utilisateurs sont prêts à payer plus pour être situés dans des zones parfois saturées, d’autres préfèreront chercher un foncier plus loin, sur des terrains vierges », estime Jean-Paul Rival.

 

Des outils pour guider

Face à ce complexe réseau de paramètres, nécessité donc pour les développeurs d’affuter leur expertise sur la localisation. Face à la question du recrutement, les travaux pour étudier les bassins d’emploi se multiplient : « Nous avons des outils internes qui nous permettent de définir la disponibilité de la main-d’oeuvre dans un rayon d’opération, de voir les bassins de consommation, etc. », note Benoît Chappey chez Goodman. Même travail réalisé chez Arthur Loyd Logistique : « Il faut qu’il y ait de la main-d’oeuvre disponible dans les 20 km autour du site. Nous avons lancé récemment des prestations d’étude du bassin d’emploi pour nos clients, qui s’appuient sur les données publiques, notre approche terrain et des partenaires comme les sociétés d’intérim, qui ont beaucoup de visibilité », explique Didier Terrier, directeur général associé chez Arthur Loyd Logistique. Plus globalement, les acteurs du monde du conseil s’équipent de solutions digitalisées et travaillent avec de la data afin de réunir de nombreuses données : l’emploi bien sûr, mais aussi les disponibilités du transport, « car la tarification d’un coût de transport ne dépend pas que des kilomètres parcourus mais aussi des directions parfois plus saturées dans un sens que l’autre », note Patrick Remords, directeur supply chain & logistics solutions chez JLL.

 

Autre besoin : connaître les délais et possibilités de réalisation selon les zones, car tous les territoires ne permettent pas par exemple de construire des cellules grande hauteur selon les PLU. « Pour arbitrer ces décisions, nous accompagnons nos clients avec des outils digitaux : par exemple, une solution géographique développée en interne depuis 2015, connectée à 600 000 bases de données dans le monde – Pôle Emploi, données macro et micro-économiques, temps de transport – et que nous pouvons alimenter avec les données du client », détaille Patrick Remords. Une solution digitale complétée ensuite par la connaissance du marché des équipes de JLL pour affiner la recherche du bâtiment. « Ce qu’on apporte, c’est une compréhension du projet, mais ce sont les critères du client qui font la décision finale ». Chez Catella Logistic Europe, un outil interne permet également de travailler le positionnement : « Notre outil donne de la visibilité et des éléments structurant sur l’offre globale du territoire : quels acteurs sont présents, combien d’emplois sont disponibles, quels hub de messagerie sont utilisables, quels sont les pôles de formation ? Cela permet de bien positionner les flux et d’aller chercher des zones pertinentes pour les besoins de nos clients », raconte Thierry Bruneau.

Focus

Multimodalité, un simple plus

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Quid de l’intermodalité dans la localisation des bâtiments logistiques ? On voit en effet certains bâtiments afficher la possibilité de s’embrancher avec un réseau fluvial ou ferroviaire à proximité pour offrir d’autres modes de transport. Un élément encore vu comme un simple plus, plutôt qu’un véritable atout stratégique. « Il y a dix ans, tout le monde parlait déjà de multimodalité, mais force est de constater que le fluvial est resté stable et que le rail a décliné, même si le gouvernement a décidé récemment d’investir dans son redéveloppement. La demande pour ces éléments-là n’est donc pas très forte, et portée majoritairement par des entreprises ayant déjà des projets de ce type en action », note Vincent Poisson chez CBRE. Un avis partagé par Valery Menes chez Arefim : « C’est un avantage sur le papier, mais il faudra de nets progrès dans ce domaine pour que les connexions fonctionnent, c’est ce que nous disent tous nos utilisateurs ».

 

Cependant, avec les évolutions qui touchent le transport, et les risques de taxe carbone par exemple, certains pensent que la logistique n’aura peut-être pas forcément le choix dans le futur : « C’est un élément intéressant à développer dès aujourd’hui, car même si ce n’est pas encore un indispensable, cela pourrait le devenir », estime Vincent Poisson. « En relation avec les collectivités locales, nous travaillons à préserver l’avenir en privilégiant des fonciers autorisant une connexion intermodale », précisent de leur côté Jean-Louis Foessel et Christophe Ripert chez Quartus.

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