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Les métropoles s'emparent de la logistique urbaine

Publié le 10 octobre 2019

En juin 2018, Voxlog consacrait un dossier à la question de la logistique urbaine au sein de la Métropole du Grand Paris. Un focus sur les projets menés par les acteurs de la capitale qui laissait cependant dans l’ombre les initiatives et les expérimentations d’autres grandes métropoles du territoire français sur cette question impactant toujours plus les centres urbains en termes de mobilité et de durabilité. Avec ce dossier, nous avons ainsi souhaité donner la parole à quelques-unes de ces grandes villes tout en interrogeant leurs réalisations passées et futures : réglementations de circulation, espaces nouveaux, flux repensés.

1. Réglementer, inciter, expérimenter

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Enjeu de la politique de mobilité des métropoles, la logistique urbaine vient aujourd’hui impacter de nombreux domaines, nécessitant de trouver un juste équilibre entre performances économiques et qualité de vie en centre-ville. Entre réglementations visant à contrôler les flux et travaux d’échanges pour s’ouvrir à de nouvelles solutions plus durables, les métropoles s’activent et multiplient les initiatives.

« La logistique urbaine est trop souvent le trou noir des politiques de mobilité urbaine ». Ces mots de Jean-Baptiste Gernet, adjoint au maire de Strasbourg et conseiller eurométropolitain délégué, résument bien le chantier auquel ont dû faire face les 22 métropoles françaises (19 de droit commun, deux à statut particulier – Paris et Aix-Marseille – ainsi que Lyon, en tant que collectivité territoriale) quand il leur a fallu s’emparer de la question de la logistique en coeur de ville, il y a maintenant près d’une dizaine d’années. « Nous observons une explosion du e-commerce et des besoins croissants sur la livraison de petits colis. Il est donc nécessaire de réguler cette tendance, consommatrice d’espace et de temps sur l’espace public », estime Alexandre Breuil, responsable du service déplacement pour la Métropole de Lyon. Il s’agit d’améliorer les conditions de circulation et de s’emparer de la question environnementale tout en assurant la bonne performance économique du territoire. À la Métropole européenne de Lille (MEL), la question de la congestion du réseau routier est également un motif de réflexion : « Notre métropole est située sur un axe très chargé, faisant le lien entre Europe du Nord et du Sud. Et en l’absence du futur canal Seine-Nord Europe, nous accueillons également de nombreux véhicules venus des ports », déplore Régis Cauche, maire de Croix (59) et conseiller métropolitain délégué au transport de marchandise.  

 

Pour les métropoles, il était donc temps d’engager des démarches ambitieuses et de réunir les acteurs du secteur pour penser la logistique urbaine de demain. En 2018, un groupe de travail sur la logistique urbaine piloté par la MEL a ainsi été mis en place, réunissant des acteurs tels que le pôle d’excellence supply chain en Hauts-de-France, Euralogistic. Objectif : initier un dialogue entre institutionnels et professionnels, définir des priorités en concertation et mobiliser les entreprises de la logistique et du transport de marchandises pour lancer des expérimentations à partir de problématiques locales. À Bordeaux, la métropole avait ainsi organisé un Grenelle des mobilités dès 2012, suivi du lancement d’un groupe de travail spécifique en 2013, réunissant acteurs publics et privés dans une optique de co-construction pour apporter plus d’efficacité aux réalisations. À Nantes, une délégation spécifique sur cette question avait aussi été mise en place. L’occasion d’abonder dans le sens de certaines entreprises, déjà avancées sur le sujet : « Une petite avant-garde d’acteurs au sein de la CCI avait commencé à réfléchir à cette question avant même que la municipalité ne s’en empare. DB Schenker avait ainsi décidé de confier une partie de ses livraisons du dernier kilomètre aux Triporteurs Nantais », rappelle Thomas Quéro, conseiller métropolitain et adjoint au maire de Nantes en charge de la logistique urbaine. Parmi les premières actions mises en place par les métropoles pour contrôler les flux urbains de livraison de marchandise, on retrouve le concept de ZFE : la zone à faibles émissions.

 

Mission faibles émissions

« Être pionnier », telle était la volonté de la métropole de Strasbourg selon les dires de Jean-Baptiste Gernet. « Nous voulions être parmi les premiers territoires où les logisticiens vont mettre en place de nouvelles flottes. Les grands groupes ont des projets innovants concernant leur logistique et veulent les déployer là où le cadre règlementaire est le plus exigeant ». À Strasbourg, l’ultra-centre était piétonnier depuis dix ans et les transporteurs étaient déjà habitués à avoir des accès limités en coeur de ville. Mais l’Eurométropole a décidé de faire évoluer progressivement sa réglementation pour limiter les transports diesel avec un objectif final clair : l’interdiction totale du diesel sur l’ensemble de son territoire d’ici 2030. Dans l’attente, les choses ont déjà bougé du côté de la livraison en centre-ville, qui concerne plus de 25 000 cartons et 800 palettes par jour : « Nous avons mis en place une ZFE dans le centre de la ville qui interdit d’ores et déjà les véhicules Crit’air certifiés 5 et ceux non certifiés. En septembre 2019, nous interdirons les Crit’air 4. Enfin, nous interdirons toutes les livraisons diesel dans le centre-ville de Strasbourg d’ici 2021 », explique Jean-Baptiste Gernet. Conçus aux côtés des acteurs du transport et de logistique afin de « ne prendre personne par surprise », ces changements viennent aussi distinguer les acteurs volontaristes sur le sujet. « Nous constations que nous ne récompensions pas assez ceux qui faisaient bouger les choses, comme ceux qui avaient totalement renouvelé leurs flottes ».

 

Des évolutions qui se sont accompagnées d’aménagement au niveau des horaires de livraison, avec un bonus d’une heure pour les véhicules propres, ainsi que d’une réduction des tonnages à 7,5 tonnes. « Nous voulons éviter de faire rentrer de trop grands véhicules, mais nous restons à l’écoute des besoins. Pour certains acteurs de la grande distribution, il serait contre-productif d’empêcher un camion de 19 tonnes de pénétrer jusqu’à un point de vente et de le remplacer par plusieurs véhicules plus petits », estime Jean-Baptiste Gernet. Même son de cloche du côté de Nantes : « Nous avons lancé un bonus d’accès au centre-ville piétonnier pour les modes de livraison propres (GNV, électrique ou hydrogène) depuis le printemps dernier », explique Thomas Quéro. Ces véhicules peuvent désormais accéder au centre-ville sur une plage horaire étendue de 4 h à 23 h. Une première étape avant une homogénéisation de la réglementation prévue pour l’après 2020 qui rendra la livraison en véhicule thermique uniquement possible de 4h à 11h30 pour des camions allant jusqu’à 12 mètres de long, pour inciter la mutualisation. « Si d’ici fin 2020 nous constatons que ce bonus aux véhicules propres est massivement utilisé et encombre les axes, nous irons peut-être plus loin dans la contrainte. Notre horizon reste celui d’un changement de pratiques pour les acteurs de la logistique ».

 

Lyon aussi est actuellement en pleine sensibilisation auprès des acteurs du transport. « Au 1er janvier 2020, nous lancerons une ZFE, restreinte pour les véhicules Crit’air 4 et 5 puis pour les Crit’air 3 début 2021. Dès à présent, nous menons des études pour savoir comment aller plus loin, avec deux modèles : étendre le nombre de véhicules concernés ou ouvrir le périmètre de la ZFE », détaille Alexandre Breuil. C’est également dans ce sens qu’ont été votés le 28 juin dernier, par la Métropole européenne de Lille, un schéma directeur des infrastructures de transports à horizon 2035 et une ZFE engageant 11 communes de l’Eurométropole. Du côté de Rennes Métropole, des objectifs forts ont aussi été définis dans le cadre du Plan de déplacements urbains 2019-2030. Alors que la logistique représente 15 % du trafic routier et 30 % des émissions de polluants dans la ville, la métropole souhaite ainsi arriver à zéro livraison en véhicule diesel dans le centre-ville et une réduction de 30 % des déplacements diesel sur le reste de la métropole en 2030. Une décision qui sera accompagnée par l’établissement d’une charte d’engagement pour une logistique plus durable, co-construite aux côtés de professionnels. Réussir à être dans le donnant-donnant est aussi la philosophie de la métropole toulousaine. « Nous avons adapté nos horaires de livraison, en permettant l’accès au centre-ville 24h/24 pour les véhicules propres, tandis que les autres sont limités en matinée. En contrepartie, nous avons construit des espaces de livraison nouveaux avec des dispositifs de surveillance qui garantissent leur accès. C’est un moyen d’équilibrer les efforts », estime Jean-Michel Lattes, vice-président de Toulouse Métropole en charge de la coordination des politiques de transport et de déplacement.

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