media supply chain
et logistique

Interview

Face à face : Jérome Rouge, président de la Fabrique de la Logistique

Lancée à l’initiative de l’Ademe en 2019, la Fabrique de la Logistique se présente comme une communauté d’acteurs publics et privés, désireuse de co-construire des solutions et des références pour répondre aux enjeux de la supply chain de demain, sur un plan technologique et environnemental. Son président Jérôme Rouge revient sur la création et les premières réalisations de la « FabLog ».

Publié le 19 mai 2022 - 09h00
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Fabrique de la Logistique

Dans quel contexte a été créée la Fabrique de la Logistique ?

Jérome Rouge  : Le rôle de l’Ademe a été déterminant dans le lancement de la Fabrique de la Logistique, puisque cette dernière vient d’une initiative démarrée en 2019. L’idée était de se placer dans la continuité de la Fabrique des Mobilités, déjà existante, et de développer cette approche de mise en relation autour de l’innovation ouverte et durable dans le domaine de la logistique. Des réunions ont été organisées avec des acteurs publics et privés variés, qui ont déterminé un certain nombre d’axes de réflexion, avec la création des premières « communautés », c'est-à-dire des groupes de travail qui œuvrent dans un intérêt commun. La Fabrique de la Logistique vise à collaborer avec tout l’écosystème du secteur, en étant à l’écoute des attentes des pouvoirs publics, et des difficultés que les professionnels peuvent rencontrer, afin de les faire dialoguer pour construire la supply chain de demain. En tant que logisticien, mon engagement dans ce projet vient ainsi de ma motivation à innover et optimiser les flux des marchandises en faisant attention à leur impact environnemental, et en facilitant les conditions de travail des professionnels.

 

La structure de la Fabrique a évolué l’an passé pour aller vers un statut associatif. Pour quelle raison ?

JR : Face au travail accompli collectivement, la Fabrique de la Logistique s’est structurée en association avec le soutien de l’Ademe, qui restera un partenaire fort en apportant son soutien financier aux différents travaux. Ce nouveau format pourra nous ouvrir à d’autres acteurs, qui participeront activement à la Fabrique via des adhésions, lesquels constituerons des moyens supplémentaires. Nous pourrons également nous appuyer sur un bureau de professionnels pour piloter l’association : j’en suis le président et dirige Smart Construction Logistics, et je suis accompagné par Malou Charenton de la Fabrique des Mobilités, spécialiste des démarches collaboratives ouvertes, Jérôme Douy de l’Union TLF, chargé de faire l’interface avec les entreprises, le spécialiste de l’innovation Olivier Maurel de MC Ledger, et enfin Alexandre Chasse de l’IFPEN, qui est notre relais dans le monde de la recherche.

 

Quels sont les objectifs des communautés de travail de la Fabrique de la Logistique ?

JR : Il s’agit de développer ensemble des communs, c’est-à-dire des ressources qui vont être ensuite mises à disposition du plus grand nombre, en open source. Ces communs peuvent prendre plusieurs formes : des nouvelles méthodes de travail documentées, des logiciels, une mise en réseau entre différents acteurs qui ont besoin de confronter leurs idées pour faire progresser les maillons de leurs chaînes logistiques. Nous souhaitons travailler pour l’intérêt général de notre secteur, avec des bonnes pratiques partagées et des pistes de réflexions et d’expérimentations qui viennent se situer en amont de l’innovation. Notre objectif ensuite est de promouvoir ces réalisations grâce à des efforts de communication.

 

Quelles sont les communautés qui animent la FabLog aujourd’hui ?

JR : Elles sont au nombre de cinq. Tout d’abord, nous avons la communauté Territoires, co-animée par la Région Île-de-France et OpenData France pour mettre en place une plateforme digitale de centralisation des arrêtés dans la région francilienne, un sujet souvent facteur de difficultés pour les professionnels. Cette plateforme, aujourd’hui disponible pour les acteurs de la supply chain, est un vrai point d’intérêt au niveau national. Des réflexions portent désormais sur un changement d’échelle, avec d’autres moyens de portage et de financements. Autre communauté, celle consacrée à la logistique durable, copilotée par l’IFPEN (acteur de la recherche et de la formation dans les domaines de l’énergie, du transport et de l’environnement) et par Union TLF, afin de plancher sur les impacts carbone du transport. Là encore, de premières réalisations ont vu le jour, dont un outil de simulation intitulé TCO2, qui permet aux entreprises souhaitant verdir leurs flottes de véhicules de mesurer les impacts économiques et écologiques d’un modèle par rapport à un autre. Nous œuvrons maintenant à parfaire cet outil et à le marketer de manière à dépasser le cadre de l’expérimentation. Une troisième communauté travaille sur la cyclo-logistique, avec différents cas d’usages, dont récemment une collaboration avec des étudiants pour concevoir un indice permettant d’identifier les territoires les plus engagés sur ce sujet. J’anime personnellement la quatrième communauté, dédiée à la logistique des chantiers et réunissant des professionnels et des acteurs publics tels que la mairie de Paris, très attentive aux impacts logistiques de ses grands projets d’aménagement. Nous allons travailler sur des moyens d’activer une logistique écoresponsable dans ce domaine, avec la mise en place de centres de consolidation de la construction, qui réuniraient les flux de matériaux sur un point de stockage temporaire avant d’arriver sur les chantiers, afin de diminuer le nombre de camions sur les routes. Nous mettons en lumière également les réalisations d’acteurs comme Bouygues ou Saint-Gobain sur la façon dont ils intègrent la multimodalité dans leurs activités. Enfin, une cinquième et dernière communauté s’intéresse à la digitalisation, avec un travail sur la prise de rendez-vous dans le monde du transport. Forts du bilan de ces communautés depuis 2019, nous souhaitons maintenant structurer notre démarche et mettre en place un cadre qui nous permettra, dans le futur, de pouvoir lancer dans de bonnes conditions de nouvelles communautés sur d’autres thématiques supply chain.

 

Cette mise en commun de connaissances est recherchée aujourd’hui par les acteurs du secteur ?

Oui, on voit qu’il y a une volonté partagée des entreprises d’avancer sur les problématiques environnementales et de mettre en place de l’innovation. Elles comprennent qu’elles ne peuvent pas continuer à fonctionner comme avant, et qu’il y a une attention très forte sur ces sujets de la part des jeunes générations. Pourtant, en pratique, des sujets comme ceux de la mutualisation ou de la décarbonation restent compliqués à lancer, car même les grandes entreprises ne savent pas nécessairement les traiter et les financer de bout en bout. Par son accompagnement, la FabLog peut jouer un rôle de tiers de confiance et l’écosystème est donc partant pour rejoindre des espaces d’échanges. C’est là où les organisations professionnelles (France Logistique, France Supply Chain, Union TLF…) ont un rôle à jouer pour réunir une grande variété d’entreprises et faire part des évolutions, innovations et nouveautés. Dans un contexte de montée des contraintes dans l’espace urbain, avec les ZFE par exemple, un dialogue doit aussi être créé avec les collectivités, y compris en travaillant avec le programme Interlud et Logistic Low Carbon, pour que ces évolutions restent réalistes, et que les professionnels puissent s’adapter progressivement. Cela prend du temps, mais nous sommes fiers de participer à l’évolution du secteur également de cette manière.

 

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