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Retail et mutualisation logistique : de grands enjeux sur l'aval

Si, sur la logistique amont, il existe de nombreux projets de mutualisation, la logistique aval mise plutôt sur la massification des flux au travers des transporteurs. Or, pour baisser les coûts sur le dernier kilomètre, les distributeurs devraient s’intéresser de plus près à celle-ci.

Publié le 17 septembre 2018 - 09h00
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Si Hercules a eu ses 12 travaux, les acteurs du retail en sont eux à bien plus ! En effet, le secteur a été profondément chamboulé lors de la dernière décennie, particulièrement sous la pression de la concurrence des pure players, Amazon en tête. Face à ces entreprises réactives et innovantes, mais également pour répondre aux attentes des consommateurs, les distributeurs ont ainsi dû se lancer dans des grandes manœuvres logistiques pour muter vers une organisation omnicanal. L’enjeu ? Répondre toujours favorablement à la demande du client, quel que soit le canal. Si la promesse semble évidente, son orchestration se révèle bien plus complexe et demande des ajustements majeurs sur le volet logistique. Au-delà d’une vision en temps réel des stocks, les distributeurs cherchent également à massifier et à mutualiser les flux pour baisser les coûts.

 

L'alimentaire en tête

Sur la partie amont, c’est dans le secteur de l’alimentaire que cette pratique s’est particulièrement bien installée. FM Logistic a, par exemple, cinq pools en place en France et projette l'ouverture d'un à deux pools supplémentaires. « Il n’y a pas mieux pour optimiser la supply chain en baissant les coûts et l’impact environnemental tout en améliorant le taux de service, juge Hervé Cheucle, directeur commercial de FM Logistic France. En revanche, pour que cela fonctionne bien, il est impératif que chaque acteur en comprenne le fonctionnement et que des règles communes soient établies. S’il y a un investissement initial pour déménager sur le pool, on reste sur des coûts gérables. D'autant qu'on parvient rapidement à des gains sur le transport avec une optimisation du coût de l’ordre de 10 à 15 %. » FM Logistic opère par exemple un pool fédérant six agro-industriels français à Longueil-Sainte-Marie (60). Intersnack, co-leader sur le snacking salé avec les marques Curly, Vico, Monster Munch, Baff, Apérifruits et Hulahoops, en est l’un des membres historiques.

 

Le projet a germé en 2011 pour se concrétiser en 2012. Et pour Laure Dezaunay, directrice supply chain d'Intersnack, « l’établissement des règles entre tous les acteurs a été très vite compris car toutes les directions avaient un objectif commun. ». Si les camions sont partagés, la confidentialité reste de mise et seul le coordinateur du site a une vision globale sur toutes les données… Du côté des gains, Laure Dezaunay explique que « la mutualisation logistique permet une meilleure efficacité sur la chaîne d’approvisionnement, un taux de service et une empreinte écologique mieux maitrisés ». Même engouement pour cette solution côté distributeur. Éric Regnier, responsable des approvisionnements chez Auchan Retail France annonce avec ce système « une amélioration du taux d’indisponibilité des fournisseurs, qui varient de 0,5 à 2 % car les fréquences de livraison sont plus importantes. Et sur l’aval, on parvient à un taux de service de 98 %, avec une baisse des mises à quais et une diminution des stocks qui peut atteindre jusqu’à 15 % ».

 

Les PME s’y mettent

Cette organisation reste cependant surtout d’actualité pour les grands groupes. L’enjeu consiste désormais à faire entrer dans cette optimisation logistique les plus petites structures, notamment les PME. En effet, la grande distribution se révèle très demandeuse de produits locaux qui restent un moyen de se démarquer face à la concurrence. Carrefour a ainsi décidé de créer en région 13 systèmes de ramassage chez des PME avec une centralisation sur une plateforme régionale qui s’occupe d’envoyer les produits selon les volumes voulus. En revanche, si la gestion partagée des approvisionnements (GPA) apporte indéniablement des gains, demeure la question du coût. D’ailleurs Jérôme Bour, PDG de DDS Logistics, tient à souligner que si « la mutualisation des flux est un enjeu, il faut impérativement que le coût de revient logistique soit intéressant au regard du prix des produits ». Un exercice complexe pour les PME.

 

Dans le cas des organisations plus importantes, Hervé Cheucle juge que l’engagement reste raisonnable au regard des chiffres d’affaires brassés, l’investissement le plus important découlant de l’entrée dans un projet existant. Éric Regnier assure que la tarification établie avec l’industriel prend en compte ce service supplémentaire. Côté industriel, Laure Dezaunay souligne tout de même que « les discussions restent complexes avec la distribution qui veut baisser les prix sans pour autant prendre en compte la valeur globale. Au sein du pool, nous allons chercher à nous développer avec d’autres enseignes pour baisser les tensions sur le transport. Si le flux se révèle régulier, les transporteurs pourront faire des boucles, avec des gains écologiques puisqu’il y aura moins de camions sur les routes ».

 

Le dernier kilomètre se complexifie

Cette problématique environnementale concerne d’ailleurs l’ensemble de la chaîne logistique. Et sur la logistique aval, les défis se révèlent même encore plus complexes. En effet, les villes prennent régulièrement des décisions pour limiter la circulation des camions. Et in fine, la mutualisation tant prônée par les distributeurs alimentaires commence vivement à intéresser les acteurs d'autres secteurs… « L’accès aux consommateurs est plutôt organisé, estime Jérôme Bour, mais face aux accès de plus en plus restreints des centres-villes, la mutualisation inter-enseignes intéresse de plus en plus. Beaucoup de projets sont en cours de lancement. Pour l’heure, on reste sur une mutualisation surtout par transporteurs. » Sur ce sujet, on retrouve, par exemple, Star Service. Et Henrique de Carvalho, son business development manager, confirme l’analyse du dirigeant de DDS Logistics : « La massification et la mutualisation ont les mêmes objectifs mais l’organisation et l’impact se révèlent différents. » Or, on reste pour l’heure majoritairement sur de la massification, un distributeur confiant au prestataire ses flux, ce dernier s’occupant de les organiser et de trouver d’autres clients pour lui-même faire de la mutualisation et baisser ses coûts.

 

Une offre à la demande

Un exercice rendu encore plus complexe car le secteur se trouve confronté à la montée de jeunes pousses venues changer la donne en proposant des services à la demande alors que les organisations étaient jusqu’alors basées sur des volumes hebdomadaires, mensuels ou annuels. « Nous nous sommes adaptés au marché en révisant la gestion de nos ressources humaines et de nos offres pour gagner en positionnement tarifaire, assure Henrique de Carvalho. Plus le marché se densifie et se fragmente, plus les acheteurs utilisent et donc comparent les offres. La concurrence fait donc baisser les prix. » En revanche, la tendance étant aux offres « à la demande », le prix unitaire se retrouve in fine en hausse. Or, pour maîtriser les coûts, la mutualisation logistique représente, pour Gilles Béchet, directeur opérations et supply chain du cabinet Bartle, « la solution, voire l’unique moyen. Dans le coût total du transport, entre un tiers et la moitié représentent des sommes fixes et c’est sur ces leviers qu’il faut travailler. Les gains portent sur le taux de remplissage des camions et plus il y a d’acteurs impliqués, plus les gains sont significatifs ».

 

En effet, certains distributeurs doivent surtout livrer le matin, quand d’autres devront le faire en fin de journée. C’est par exemple le cas dans l’Espace logistique urbain (ELU) des Cordeliers à Lyon (69). Deret-Sephora et Jardel-Ooshop se partagent les locaux car leurs besoins logistiques ne portent pas sur les mêmes heures. En revanche, le cas lyonnais a été possible car la ville a mis à disposition cet espace pour un loyer symbolique. « Le foncier est une vraie problématique pour créer un ELU, indique Gilles Béchet. C’est le nerf de la guerre et les emplacements coûtent chers ». L’avenir de la mutualisation logistique sur le dernier kilomètre dépendra donc en partie des politiques…

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