Entrepôts
Toitures d’entrepôts et ombrières photovoltaïques : une manne énergétique
4. L’autoconsommation en plein essor

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sommart via stock.adobe.comL’essentiel des centrales solaires en entrepôt ont pour finalité la revente de l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques. Mais la crise énergétique de 2021-2023 et les baisses des tarifs d’achat ont enjoint un nombre croissant de parties prenantes de l’entrepôt à tendre vers de l’autoconsommation individuelle.
Du fait d’une importante reprise économique post-Covid, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a enregistré en 2021 une forte augmentation de la demande mondiale d’électricité, entraînant une hausse générale des prix de l’énergie, parallèle à celle de l’utilisation des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon). À partir du 24 février 2022, marquant le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la crise énergétique (avec « des incertitudes sur les prix et l’approvisionnement », comme le notait l’Ademe en janvier 2023*) s’est amplifiée. Amenant avec elle, au sein de l’écosystème de l’immobilier logistique, davantage de questionnements liés à l’indépendance énergétique et à la réduction des factures d’électricité.
« Assurer la stabilité d’une partie de l’approvisionnement énergétique à un prix fixe »
« Lorsque j’ai commencé à travailler il y a quatre ans sur la création d’Eliove au sein du groupe Vinci Energies, en me concentrant sur le financement des projets de centrales photovoltaïques, j’ai réalisé beaucoup d’études sur les développeurs, narre Houda Matta, cheffe d’entreprise d’Eliove. Ces derniers se tournaient alors uniquement vers la revente d’électricité, au travers d’un marché très orienté vers le sud de la France, pour produire le plus d’énergie possible au mètre carré. Quelques acteurs, partageant de fortes convictions écologiques, avaient tout de même commencé à travailler sur l’autoconsommation. Mais ce sujet a véritablement explosé à partir de la crise ukrainienne. Car il est devenu important d’assurer la stabilité d’une partie de l’approvisionnement énergétique à un prix fixe, même si elle ne concerne que 20 à 30 % des consommations globales. »
« Lorsque je suis arrivé dans le milieu du photovoltaïque il y a une dizaine d’années, l’autoconsommation était un sujet naissant, se remémore également Théo Leclercq, responsable de la business unit « Smart energy system » de Solstyce, du nom de sa solution de pilotage énergétique développée en interne. Nous projetions l’arrivée d’un instant charnière où les courbes de prix, en baisse pour les panneaux et en augmentation pour l’électricité, se rencontreraient ; l’autoconsommation deviendrait ainsi forcément plus intéressante que l’injection sur le réseau. Nous constatons aujourd’hui un changement de paradigme dans le secteur logistique, avec une recherche de stabilité face à la volatilité, surtout en baisse, des prix de revente. »
Un schéma de consommation désormais bien structuré
En soutien de la transition de la revente pure vers l’autoconsommation partielle, les institutions financières commencent à investir dans ce segment spécifique. Comme le constate Maryne Gouhier, avocate sénior chez BCLP proposant ses services juridiques aux producteurs d’énergies renouvelables, banques et fonds d’investissement liés aux contrats et autorisations nécessaires au développement et à l’exploitation des projets photovoltaïques : « Nous avons vu le développement de centrales solaires en autoconsommation se développer considérablement chez certains producteurs d’énergies renouvelables il y a à peu près trois ans. Le régime juridique et les schémas contractuels étaient encore en cours de construction il y a quelques années. Désormais, l’autoconsommation individuelle, bien cadrée et structurée, intéresse des banques, plus promptes à financer ce type de projet car elles arrivent à prévoir leur business plan. » Greenyellow, qui agit comme tiers-investisseur pour les secteurs de l’agroalimentaire, de l’industrie et de la logistique notamment, annonce ainsi régulièrement des opérations de financement de projets en autoconsommation toujours plus conséquentes. Des investissements d’autant plus utiles que certaines demandes évoluent vers des centrales photovoltaïques plus complexes et onéreuses, car s’appuyant notamment sur des batteries de stockage.
* Source : Les Français et la crise énergétique : entre recherche d’indépendance et d’économie d’énergie, infos.ademe.fr, janvier 2023
Focus
Quid de l’autoconsommation collective ?
Selon la définition du code de l’énergie, une opération d’autoconsommation est dite collective « lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale et dont les points de soutirage et d’injection sont situés dans le même bâtiment ». Elle est étendue sous conditions (basse tension, puissance limitée et proximité géographique inférieure à deux kilomètres, sauf dérogation jusqu’à 20 kilomètres). Encore très peu présent dans le secteur logistique, ce schéma partagé commence cependant à apparaître sporadiquement, avec des acteurs publics principalement.
En octobre 2024, la filiale du groupe Intersport LSL a inauguré, dans le cadre d’une extension d’entrepôt à Machecoul-Saint-Même (commune du sud de Nantes), une installation photovoltaïque de 13 000 m² en toiture permettant d’alimenter en électricité des bâtiments publics environnants. Mais pourquoi ce type de projets se comptent-ils encore sur les doigts d’une main ? « Il manque une boite à outils pour aider les acteurs privés à pouvoir envisager des opérations d’autoconsommation collective dès l’initiation de leurs projets, affirme Maryne Gouhier, avocate chez BCLP. Car il leur faudrait déterminer les consommateurs participants à l’opération et conclure des contrats privés avec l’ensemble, ce qui reste difficile à concevoir à ce stade en l’absence de ligne directrice et de retour d’expérience. »
