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Économie circulaire : vers un nouvel eldorado pour les logisticiens

Une tribune signée par Edouard Moulle, directeur associé chez Arthur D. Little.

Publié le 27 octobre 2025 - 16h00
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 OMEGA via stock.adobe.com

Dans un contexte tendu où les ressources s’épuisent, où les réglementations se durcissent et où l’urgence climatique s’impose, l’économie circulaire n’est plus une option mais une nécessité. Sa mise en œuvre impose aux industriels, marques et distributeurs de repenser leurs modèles. Pour les logisticiens, maillon clé de ce développement, le défi est double. Entre gestion des flux traditionnels et nouveaux positionnements, comment peuvent-ils tirer parti de cette transformation pour inventer une logistique durable, agile et rentable ?


L’économie circulaire : une dynamique en marche…

Nos modes de production et de consommation évoluent vers des modèles davantage circulaires. Cette mégatendance s’explique par des réglementations incitatives ou contraignantes, mais aussi par la raréfaction des ressources naturelles. Elle ouvre la voie à de nouvelles activités commerciales, avec des croissances prévues impressionnantes, comme le doublement en dix ans du marché mondial des téléphones reconditionnés ou des plastiques recyclés.


Se développent ainsi des modèles économiques de type « pay per use », en rupture avec le passé : ils s’appuient sur la durabilité des produits et leur usage prolongé via réparation, réutilisation (seconde vie) et recyclage.


… mais conditionnée à une logistique performante

Les flux circulaires sont porteurs d’opportunités mais aussi de contraintes logistiques : diversité des produits, faible homogénéité des flux, points de collecte dispersés, coûts de traitement élevés… L’inverse de la logistique traditionnelle, optimisée autour de la massification et de la standardisation. Ces coûts, complexes à maîtriser, peuvent freiner l’économie circulaire, en limitant la viabilité des business models associés.


Il faut donc concevoir de nouvelles solutions logistiques basées sur la mutualisation des flux, l’utilisation de capacités disponibles et la réduction des opérations, pour abaisser les coûts marginaux. En parallèle, il s’agit de respecter des standards de service variables selon les objectifs (réparation, réutilisation, recyclage). L’adaptation est comparable à celle réalisée par Renault, qui a transformé l’usine de Flins en Refactory : un atelier de réparation automobile visant à reconditionner 45 000 véhicules d’occasion par an.


… qui ouvrira de nouvelles opportunités pour les logisticiens

La logistique peut devenir un accélérateur de l’économie circulaire. La circularité sera alors un levier de croissance dans les activités traditionnelles de transport et stockage. Mais elle peut aussi être bien plus que cela. En tant que premier maillon de la chaîne de valeur circulaire avec la collecte, les logisticiens peuvent organiser des écosystèmes par catégorie de produits, établir des partenariats stratégiques, et redéfinir leurs relations avec producteurs et distributeurs.
Ils peuvent ainsi élargir leur proposition de valeur au-delà du transport et du stockage, en captant de nouveaux revenus issus de nouveaux modèles économiques.


Par exemple, DB Schenker a intégré un centre technique au sein de son entrepôt polonais pour Konica-Minolta, y assurant le diagnostic, la réparation, le réemploi et le recyclage des produits retournés. Yamato, au Japon, réalise sensiblement le même genre de prestations intégrées pour Canon, Nespresso et d’autres marques d’électroménager et d’électronique grand public dans son centre Haneda Chronogate. Autre cas : la joint-venture entre DHL et Cox Automotive au Royaume-Uni qui opère le diagnostic, la réparation et la valorisation des batteries de véhicules électriques, valorisant les actifs de transport, la manipulation et le stockage de produits dangereux de DHL.


Ainsi, les logisticiens ont l’opportunité d’élargir leurs activités et de capter plus de valeur, en devenant un maillon central, voire chef d’orchestre, des futurs écosystèmes circulaires. Cela suppose de traiter des flux diffus via des solutions innovantes et de structurer des partenariats pour diversifier leur proposition de valeur et leurs sources de revenus.


Une transformation qui exige innovation et rupture

Mais cette mutation ne se fera ni facilement, ni rapidement. La logistique circulaire diffère de la logistique classique : elle est moins automatisée, plus artisanale, avec des flux incertains, et supporte des contraintes fortes sur les coûts pour faire émerger des business models profitables. Ces business models sont eux-mêmes à inventer avec divers partenaires. Cela impose une approche de rupture, une grande agilité, la capacité à fédérer un écosystème et à expérimenter.


Les incertitudes sont nombreuses (marché, technologie, partenariats), mais l’urgence d’agir est réelle. Les logisticiens doivent repenser leur activité et leur rôle dans l’écosystème. Une démarche audacieuse, sur un terrain encore peu structuré, mais où les premiers entrants peuvent acquérir des positions durables s’ils investissent, testent, apprennent — et agissent dès maintenant.


Pour les logisticiens, l’heure est à la bascule

L’économie circulaire est une recomposition profonde de l’économie. Les acteurs du transport et de la logistique disposent d’un levier unique pour y jouer un rôle central. Ceux qui sauront anticiper, s’organiser et innover en tireront des avantages compétitifs majeurs, dans leurs métiers traditionnels comme dans des diversifications prometteuses.


C’est un potentiel eldorado… et c’est maintenant qu’il faut y aller.

 

À propos de l'auteur et d'Arthur D. Little

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© Greg Gonzalez

Édouard Moulle est associé au sein de la practice « Travel, Transportation & Hospitality » d’Arthur D. Little. Il conseille les dirigeants confrontés à des transformations majeures pour les aider à définir leurs priorités stratégiques et à saisir de nouvelles opportunités de croissance.

 

Fondé en 1886, Arthur D. Little est un cabinet de conseil en stratégie. Il accompagne les entreprises dans leurs dynamiques de croissance et de transformation, en alliant expertise sectorielle, maîtrise des technologies et approche collaborative. Présent dans plus de 40 pays, le cabinet compte plus de 1 800 collaborateurs, dont 100 consultants et 18 associés en France.

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