A l'issue du troisième trimestre 2018, Geodis, par la voix de Marie-Christine Lombard, la présidente de son directoire proposait de «faire un point sur le secteur de la logistique avec ses grands enjeux ». Observant que les flux marchands inter-continentaux croissent moins vite depuis quelques années que les flux intra-régionaux, Marie-Christine Lombard souligne la nécessité pour un logisticien de « s'intéresser à ces deux types de flux » avec 3 000 milliards de dollars de valeurs de produits en inter-régional et 6 000 milliards de dollars en intra-régional. Derrière ces chiffres, trois stratégies nationales différenciées font jour pour Geodis avec une « tendance au nearshoring favorisant les flux intra-régionaux » : aux États-Unis d'abord pour favoriser un approvisionnement de proximité face à une « réindustrialisation » observée sur le territoire révélant « un mouvement de fond sur lequel Geodis doit se positionner ». En Chine également, où l'opérateur souhaite « améliorer sa présence avec des activités de contract logistics et freight forwarding ». En Allemagne pour finir, où « une présence locale est essentielle pour capter une part importante des flux commerciaux ». Celle-ci pourrait passer par de la croissance externe, explique-t-elle.
Quatre enjeux structurels
Les enjeux structurels de Geodis tournent aujourd'hui autour de quatre grandes thématiques. « L'e-commerce » en fait partie : un domaine conduisant l'opérateur logistique à travailler sur la prédictibilité des données ; les « réglementations environnementales » également, afin d'assurer une distribution de produits la plus écologique possible et se traduisant par l'engagement de Geodis d'une baisse de 30 % de ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 (« Une stratégie RSE qui intègre également nos sous-traitants », précise la présidente du directoire). Autres enjeux : « la compliance et la gestion du risque » et enfin « le recrutement et la rétention des talents » : « C'est un véritable sujet pour nous », commente Marie-Christine Lombard, observant le peu d'attirance des jeunes pour des métiers du transport et de la logistique jugés difficiles. « Nous avons beaucoup de mal à trouver des chauffeurs actuellement », illustre-t-elle.
Chiffres et prospectives
Concrètement l'opérateur de la chaîne logistique, (rattaché à SNCF Logistics, elle-même une branche du groupe SNCF) enregistre actuellement 8,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires et couvre 120 pays pour un total de 165 000 clients. La France y demeure son principal marché domestique avec 37 % de son chiffre d'affaires réalisé dans l'Hexagone, 25 % en Europe hors France, 23 % dans les Amériques, (avec les États-Unis en deuxième position des marchés les plus importants), la zone APAC à 11 % tirée par la Chine, et enfin l'Afrique/Moyen-Orient à 1 %. Pour renforcer son implantation globale, Geodis souhaite faire de l'Europe son deuxième marché domestique en y protégeant et développant « la forteresse France ».
Une aspiration qui vient s'intégrer au nouveau Plan Ambition 2019-2023 développé par Geodis et basé sur « la performance au service de la croissance ». Faisant suite au Plan Ambition 2018, cette nouvelle feuille de route, qui a été validée par son actionnaire la SNCF, ambitionne « une accélération de la croissance organique et une phase de M&A (fusion-acquisition, NDLR) ». L'objectif de Geodis à l'issue de cette période : faire croître son chiffre d'affaires de 20 % et multiplier par deux son EBIT en augmentant sa part de marché chez ses clients via la vente de solutions logistiques intégrées et en améliorant la productivité de ses opérations grâce à l'accélération technologique. Une accélération au service de l'efficacité opérationnelle qui couvre différents volets : la robotique (citons notamment un partenariat aux États-Unis avec Locus Robotics pour améliorer le pick and pack ayant « permis de doubler la productivité » dans l'entrepôt d'Indianapolis de Geodis), l'internet des objets, l'intelligence artificielle (avec un pilote mené en entrepôts à l'aide de drones pour réaliser des inventaires), l'impression 3D, la réalité augmentée, le cloud et le big data.
Des innovations pour répondre à la concurrence
Ces différentes innovations entrent dans le positionnement stratégique de Geodis qui fait face à une « concurrence sur tous les fronts » par des acteurs traditionnels mais également des nouveaux entrants qu'ils soient issus du monde de la logistique ou non. « Devant cette variété de concurrents, il faut s'adapter et nous l'avions prévu », stipule Marie-Christine Lombard. Y répondre notamment par des innovations pour faire face au risque de désintermédiation, tout d'abord via des activités faisant intervenir des actifs « lourds » (entrepôts, flottes de camions, robotique sur les sites...) qu'il s'agit d'optimiser et que Geodis considère comme son « cœur de métier ». Via également des activités d'intermédiaire principalement en freight forwarding et enfin via des actifs de plateforme digitale. Pour répondre à ce dernier type d'activité, Geodis évoque la création d'une place de marché. « Cette digitalisation existe, explique Marie-Christine Lombard. Nous l'avons déjà dans nos activités et nous allons la pousser plus loin en montant une place de marché multimodale chez Geodis. Nous revendiquons de croire à toute la chaîne ». Cette plateforme digitale multimodale, fruit d'un travail de deux ans, devrait être dévoilée le 12 novembre par Geodis. Le rendez-vous est d'ores et déjà pris.